En 2017, la Birmanie et son armĂ©e sont, dĂ©jĂ , au cĆur de lâactualitĂ© mondiale. Les Nations Unies dĂ©noncent alors les exactions perpĂ©trĂ©es par les militaires birmans et des milices bouddhistes Ă lâencontre de la minoritĂ© musulmane des Rohingyas, les qualifiant mĂȘme de âgĂ©nocideâ. Les violences, meurtres et viols dont sont victimes les Rohingyas dans la province dâArakan ont poussĂ© prĂšs dâ1 million dâentre eux Ă se rĂ©fugier au Bangladesh depuis 2017.
La communautĂ© internationale sâĂ©tonne alors du silence approbateur de la Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, alors Ă la tĂȘte de lâĂtat, suite Ă de telles violences. Une telle inaction tĂ©moigne du pouvoir de lâarmĂ©e, la Tatmadaw, que la leader du pays ne peut se permettre de critiquer. đ
En 2021, les militaires birmans font une nouvelle fois parler dâeux Ă lâinternational : cette fois, ce sont Aung San Suu Kyi et lâensemble du peuple birman qui en font les frais.
Retour sur le (nouveau) coup d’Ătat en Birmanie qui a choquĂ© le monde en fĂ©vrier 2021 et sur ses consĂ©quences dramatiques sur le pays. đ„
Retour sur lâhistoire politique contemporaine de la Birmanie : une dĂ©mocratisation limitĂ©e… et Ă©phĂ©mĂšre đ
Pour bien comprendre les Ă©vĂ©nements politiques qui ont touchĂ© la Birmanie en 2021, il convient dâabord de se pencher sur son histoire rĂ©cente.
Coups dâĂ©tats et dictatures đ€
Le coup d’Ătat en Birmanie de 2021 est loin dâĂȘtre le premier : lâhistoire du Myanmar (l’autre nom de la Birmanie) est celle dâun enchaĂźnement de coups d’Ătat, et donc de dictatures. Pourtant, lâindĂ©pendance obtenue en 1948, notamment sous lâimpulsion du gĂ©nĂ©ral Aung San, pĂšre dâAung San Suu Kyi, dĂ©bouche dâabord sur un rĂ©gime dĂ©mocratique dans lâancienne colonie britannique.
1ïžâŁ Mais, en 1962, un premier coup d’Ătat initie le chapitre autoritaire du Myanmar. AprĂšs avoir renversĂ© U Nu, le premier dirigeant Ă©lu aprĂšs lâindĂ©pendance, le gĂ©nĂ©ral Ne Win instaure une dictature nationaliste et marxiste. Il impose alors des rĂ©formes socialistes et dirige le pays dâune main de fer pendant 26 ans.
2ïžâŁ En 1988, la dĂ©mission du dictateur socialiste laisse planer lâespoir dâune dĂ©mocratisation. Que nenni : la dictature laisse place Ă un deuxiĂšme coup d’Ătat et Ă un nouveau rĂ©gime autoritaire. Une junte militaire, le Conseil dâĂtat pour la Restauration de la Loi et de lâOrdre, succĂšde Ă lâautocrate dĂ©chu et impose son autoritĂ©.
Sâils organisent des Ă©lections en 1990, les militaires au pouvoir finissent par les annuler aprĂšs la victoire Ă©crasante de la Ligue Nationale pour la DĂ©mocratie (NLD) dâAung San Suu Kyi. Les Ă©lections libres sont encore loin dâĂȘtre Ă lâordre du jour pour lâarmĂ©e.
DĂšs 1988, les effectifs de la Tatmadaw ne cessent de croĂźtre : ils passent de 180 000 Ă 400 000 entre 1988 et 2000. En renforçant son nombre, lâarmĂ©e renforce durablement son pouvoir, son emprise sur le pays. đ
Une dĂ©mocratisation fragile â ïž
AprĂšs deux dĂ©cennies Ă la tĂȘte de la nation, le rĂ©gime est de plus en plus contestĂ©. En effet, les revendications dĂ©mocratiques des citoyens sont croissantes : celles-ci sâexpriment notamment lors de protestations pacifistes en 2007 durement rĂ©primĂ©es par la Tatmadaw.
â Les militaires acceptent donc dâinstaurer une transition dĂ©mocratique. AssignĂ©e Ă rĂ©sidence depuis 1990, Aung San Suu Kyi, symbole des aspirations birmanes Ă la libertĂ©, est ainsi libĂ©rĂ©e en 2010, avant que des Ă©lections lĂ©gislatives ne soient organisĂ©es en 2012. De nouvelles Ă©lections permettent Ă la NLD dâAung San Suu Kyi dâobtenir une large victoire et de former un gouvernement civil.
â NĂ©anmoins, la dĂ©mocratisation du Myanmar demeure fragile, voire illusoire, tant lâarmĂ©e a pris le soin de prĂ©server ses intĂ©rĂȘts et de conserver un pouvoir majeur. De fait, elle a adoptĂ© une nouvelle constitution en 2008 qui lui garantit le contrĂŽle de 25% des siĂšges du parlement et de trois ministĂšres clĂ©s (la dĂ©fense, ‘intĂ©rieur et les frontiĂšres).
â De plus, le texte tente de se prĂ©munir de lâinfluence dâAung San Suu Kyi : lâarticle 59F, qui interdit quâune personne mariĂ©e Ă un Ă©tranger ne devienne chef de lâĂtat, vise de façon Ă©vidente la âDame de Rangounâ, mariĂ©e Ă un britannique. Elle est nĂ©anmoins parvenue Ă contourner cette interdiction pour diriger le Myanmar auprĂšs du prĂ©sident de la RĂ©publique, devenant de facto la cheffe du gouvernement civil.
â Enfin, la nouvelle loi suprĂȘme accorde Ă lâarmĂ©e le droit de suspendre la constitution et de reprendre le pouvoir en cas de menace du pays.
On a donc affaire Ă une dĂ©mocratisation limitĂ©e, orchestrĂ©e et contrĂŽlĂ©e par une junte militaire qui nâa jamais rĂ©ellement quittĂ© le pouvoir. Jusquâau coup d’Ătat de fĂ©vrier 2021 et son retour au premier plan.
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2021 : le troisiĂšme coup dâĂtat en Birmanie 3ïžâŁ
Le contexte du putsch đ
On lâa dit, Aung San Suu Kyi, grande rivale des militaires, est parvenue Ă diriger le pays dĂšs 2016. Son ascension suscite alors des craintes croissantes au sein de lâĂ©tat-major de lâarmĂ©e, qui sent le vent tourner en sa dĂ©faveur. đš
Ces craintes atteignent leur sommet avec les Ă©lections lĂ©gislatives de novembre 2020, qui voient la NLD sâimposer Ă la quasi-unanimitĂ© (82% des voix). Une humiliation que les militaires ne peuvent accepter. đĄ
Surtout, cette nouvelle victoire Ă©lectorale de leur principale opposante menace les intĂ©rĂȘts et le pouvoir de la Tatmadaw. En effet, le chef des armĂ©es, Ming Aung Hlaing, risque dâĂȘtre trĂšs vite dĂ©mis de ses fonctions, la limite dâĂąge pour le poste Ă©tant fixĂ©e Ă 65 ans, et dâĂȘtre remplacĂ© par un dirigeant plus favorable Ă la NLD. De plus, la leader Aung San Suu Kyi risque de rĂ©former la constitution pour rĂ©duire dĂ©finitivement le rĂŽle de lâarmĂ©e, ce qui inquiĂšte fortement ses membres.
Ceux-ci contestent donc vivement les rĂ©sultats des Ă©lections : elles seraient entachĂ©es dââĂ©normesâ fraudes et ne seraient pas valables. La contestation va vite laisser place Ă lâaction.
Le coup de force de lâarmĂ©e đ
6 jours aprĂšs avoir appelĂ© Ă une vĂ©rification du scrutin et menacĂ© dâintervenir en cas de refus, 2 jours aprĂšs avoir dĂ©menti vouloir perpĂ©trer un putsch, lâarmĂ©e impose sa force le 1er fĂ©vrier 2021. AprĂšs 1962, puis 1988, lâheure du troisiĂšme coup dâĂtat de lâhistoire birmane a sonnĂ©.
La Tatmadaw se dĂ©ploie dans les principales villes : Ă Naypyidaw, la capitale politique, elle bloque lâaccĂšs au Parlement ; Ă Rangoun, la capitale Ă©conomique, elle occupe lâhĂŽtel de ville. Les militaires dĂ©clarent ensuite lâĂ©tat dâurgence pour une durĂ©e dâun an sur leur chaĂźne tĂ©lĂ©visĂ©e, Myawaddy TV.
Ils procĂšdent Ă©galement Ă plusieurs arrestations, dont celles du prĂ©sident de la RĂ©publique, Win Myint, et dâAung San Suu Kyi. En plus des accusations de malversations pendant les Ă©lections, cette derniĂšre est accusĂ©e dâavoir reçu dâimportants pots-de-vin ou encore dâavoir importĂ© des talkies walkies de façon illĂ©gale. Ăgalement inculpĂ©e pour avoir violĂ© une loi sur les secrets de lâĂtat, elle encourt de nombreuses annĂ©es de prison et une exclusion de la vie politique. âïž
Aung San Suu Kyi Ă©cartĂ©e, lâarmĂ©e est donc dĂ©sormais seule au pouvoir. Min Aung Hlaing prend la tĂȘte du pays, contrĂŽlant les pouvoirs « lĂ©gislatif, administratif et judiciaire ».
Il affirme que le coup dâĂtat Ă©tait âinĂ©vitableâ : la Birmanie Ă©tant menacĂ©e par les dĂ©rives frauduleuses de la NLD, lâarmĂ©e se devait dâintervenir, en vertu des droits exceptionnels que lui accorde la constitution. La sincĂ©ritĂ© du scrutin a pourtant Ă©tĂ© validĂ©e par de nombreux observateurs internationaux.
Les manifestations contre le coup dâĂtat en Birmanie : âNous voulons la dĂ©mocratieâ â
Le âmouvement de dĂ©sobĂ©issance civileâ suite au coup dâĂtat en Birmanie đ
Le putsch du 1er fĂ©vrier nâest pas sans consĂ©quence : il va dĂ©clencher dâĂ©normes manifestations. Cette fois, le peuple birman ne peut accepter de vivre sous le joug de lâarmĂ©e.
DĂšs le dĂ©but du mois de fĂ©vrier, un mouvement pro-dĂ©mocratie se forme, menĂ© par les nombreux opposants au coup d’Ătat. Il sâagit plus prĂ©cisĂ©ment dâun âmouvement de dĂ©sobĂ©issance civileâ (ou CDM), du nom dâun groupe Facebook qui rĂ©unit des centaines de milliers de contestataires dĂšs les premiers jours ayant suivi le coup de force de la Tatmadaw.
Ils sâinsurgent contre le rĂ©gime putschiste, demandent le retour de la dĂ©mocratie et la libĂ©ration de leur leader. Les slogans quâils scandent sont particuliĂšrement Ă©loquents : âNous voulons la dĂ©mocratieâ ou encore âLibĂ©rez notre leader Aung San Suu Kyiâ. đŁ âThe Ladyâ est dâailleurs, en partie, Ă lâorigine des contestations : dĂšs le 1er fĂ©vrier, elle appelle la population Ă âne pas accepterâ le coup d’Ătat.
Les contestataires sont nombreux : des dizaines de milliers dâartistes, de journalistes, dâouvriers, de mĂ©decins, dâĂ©tudiants, de lycĂ©ens⊠Tous se mobilisent pour contester le nouveau rĂ©gime : ils appellent Ă la grĂšve, tentent de âhackerâ les sites gouvernementaux, retirent leur argent des banques dĂ©tenues par lâarmĂ©e. Le peuple birman, notamment la jeunesse, cherche ainsi Ă paralyser le pays pour atteindre les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques de la junte. đ°
Il sâagit bien de contestations pacifiques et pacifistes, visant Ă affaiblir le rĂ©gime autrement que par la force – bien que les factions ethniques qui divisent le pays menacent elles de reprendre le combat depuis le putsch. Le salut Ă trois doigts tĂ©moigne de cette non-violence : ce signe, utilisĂ© Ă©galement par les mouvements dĂ©mocratiques en ThaĂŻlande en 2014 et Ă Hong Kong en 2020, symbolise la contestation et lâaspiration Ă la libertĂ© en Asie du Sud-Est.
Une rĂ©pression sanglante đ
Si le CDM est pacifique, la rĂ©action du rĂ©gime de Min Aung Hlaing, elle, lâest beaucoup moins. Le nouveau dirigeant appelle dâabord au calme, promettant la tenue dâĂ©lections libres et la fin de lâĂ©tat dâurgence prĂ©vu pour une durĂ©e dâun an.
Mais devant le maintien des contestations, la Tatmadaw opte vite pour la force : seule la rĂ©pression permettra de maintenir lâordre. Dâune part, le rĂ©gime tente dâĂ©touffer les revendications dĂ©mocratiques par des restrictions de lâaccĂšs Ă Internet, visant Ă limiter la communication et lâorganisation des manifestants. đ
Surtout, lâarmĂ©e rĂ©prime les contestations de façon violente, faisant de nombreuses victimes dans les rangs des manifestants. Depuis dĂ©but fĂ©vrier, au moins 7â000 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es et prĂšs dâun millier de civils ont Ă©tĂ© tuĂ©s. Certaines journĂ©es de protestations rĂ©primĂ©es par lâarmĂ©e ont Ă©tĂ© particuliĂšrement sanglantes. Câest le cas de la journĂ©e du 27 mars, Ă la suite de laquelle le ministre des Affaires Ă©trangĂšres de la France, Jean-Yves le Drian, dĂ©clare :
Les forces de sĂ©curitĂ© birmanes ont franchi une Ă©tape supplĂ©mentaire dans la violence aveugle et meurtriĂšre (âŠ) en faisant Ă nouveau usage de leurs armes contre les populations.
Jean-Yves le Drian
Ministre des Affaires étrangÚres de la France
MalgrĂ© la rĂ©pression Ă outrance des âtueursâ, des âterroristesâ de la Tatmadaw, le mĂ©contentement populaire et son expression continuent. Les contestataires, et notamment les jeunes, ne cessent de trouver des parades, des moyens de contourner les restrictions du rĂ©gime et donc de lutter pour leur libertĂ©. đȘ
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Le souvenir de 1988 8ïžâŁ8ïžâŁ8ïžâŁ8ïžâŁ
Nous Ă©voquions plus tĂŽt les contestations de 2007. Mais ce sont surtout leurs aĂźnĂ©s des protestations pro-dĂ©mocratie de 1988 qui inspirent aujourdâhui les jeunes contestataires birmans. đ
Ce sont les nombreuses manifestations contre la dictature marxiste qui sont Ă lâorigine de la dĂ©mission du gĂ©nĂ©ral Ne Win en juillet 1988. Mais la dictature ne prend pas fin pour autant, tout comme les contestations, qui culminent le â8888â (8 aoĂ»t 1988) : elles deviennent massives, sont assorties dâune grĂšve gĂ©nĂ©rale, mais rĂ©primĂ©es dans le sang.
Les protestations et les violences continuent alors jusquâau coup dâĂtat de lâarmĂ©e en septembre et la rĂ©pression sans prĂ©cĂ©dent qui sâensuit. On estime le bilan global pour l’ensemble de l’annĂ©e 1988 Ă 10 000 morts, auxquels sâajoutent de trĂšs nombreux disparus. 1988 avait Ă©galement vu Aung San Suu Kyi Ă©merger comme la grande leader des opposants au rĂ©gime autoritaire, avant que celle-ci ne soit assignĂ©e Ă rĂ©sidence en 1990 et ne devienne Prix Nobel de la Paix en 1991.đ
đ On comprend bien pourquoi le souvenir de 1988 est au cĆur des aspirations dĂ©mocratiques actuelles au Myanmar : une nouvelle fois, âThe Ladyâ est arrĂȘtĂ©e ; une nouvelle fois, les contestations sont durement rĂ©primĂ©es. Mais la jeunesse birmane est dĂ©cidĂ©e Ă accomplir ce que ses aĂźnĂ©s de 1988 avaient commencĂ© :
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Les rĂ©actions internationales au coup dâĂtat en Birmanie đ
Des sanctions occidentales trop faibles ? đ
Le putsch de fĂ©vrier 2021 ainsi que les violences rĂ©pressives de lâarmĂ©e suscitent lâindignation des observateurs mondiaux, y compris dans les Ătats occidentaux. Plusieurs dâentre eux adoptent donc des sanctions Ă lâencontre des dirigeants birmans.
đșđžđŹđ§ Les Ătats-Unis et le Royaume-Uni sâopposent trĂšs vite au nouveau rĂ©gime et prennent des mesures concrĂštes. Les deux puissances occidentales imposent des mesures contre plusieurs militaires, avec notamment un gel de leurs avoirs situĂ©s sur le sol amĂ©ricain ou britannique et de ceux contrĂŽlĂ©s par des amĂ©ricains ou britanniques. Ils visent Ă©galement les intĂ©rĂȘts financiers de la Tatmadaw, en sanctionnant les grandes sociĂ©tĂ©s quâelle contrĂŽle, comme la Myanmar Gems Enterprise (MGE), spĂ©cialisĂ©e dans les pierres prĂ©cieuses.
đȘđș LâUnion europĂ©enne, en plus des dĂ©clarations dĂ©fendant l’Ătat de droit et le libĂ©ralisme politique, opte pour des mesures similaires : les grands conglomĂ©rats et les intĂ©rĂȘts des principaux membres du rĂ©gime sont visĂ©s. Comme les anglo-saxons, les dirigeants europĂ©ens rappellent que leurs sanctions sont ciblĂ©es sur lâarmĂ©e et ses intĂ©rĂȘts et ne doivent pas affecter la population locale.
đ De telles sanctions constituent des rĂ©actions concrĂštes mais demeurent trop faibles, trop timides, pour rĂ©ellement affecter le rĂ©gime putschiste menĂ© par le gĂ©nĂ©ral Min Aung Hlaing. En rĂ©alitĂ©, elles sont simplement symboliques et ne marquent pas de rupture, car lâarmĂ©e est dĂ©jĂ sous le coup de sanctions depuis les exactions menĂ©es contre les Rohingyas en 2017.
Division et inaction du Conseil de SĂ©curitĂ© de lâONU đșđł
Si les rĂ©actions occidentales sont limitĂ©es, celles de lâONU (Organisation des Nations Unies) sont quasi-nulles. Certes, les dignitaires onusiens expriment leurs prĂ©occupations quant au putsch et Ă ses consĂ©quences : Antonio Guterres, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral aux Nations Unies, s’inquiĂšte face Ă ces Ă©vĂ©nements qui âportent un coup dur aux rĂ©formes dĂ©mocratiques en Birmanieâ.
Mais le Conseil de SĂ©curitĂ© des Nations Unies nâa rĂ©agi que faiblement aux Ă©vĂ©nements de 2021 au Myanmar. De fait, les dirigeants birmans bĂ©nĂ©ficient du soutien de leurs alliĂ©s historiques russe et chinois, qui jouissent, en tant que membres permanents, dâun droit de veto au sein de cet organe. đšđłđ·đș
Ceux-ci bloquent ainsi toute sanction Ă lâĂ©gard de leur fidĂšle alliĂ© et partenaire. Comme en 2017, lorsque la Chine avait dĂ©fendu le Myanmar, affirmant que la question de la minoritĂ© musulmane des Rohingyas relevait des affaires intĂ©rieures birmanes.
La Russie et la Chine bloquent mĂȘme dans un premier temps toute dĂ©claration commune du Conseil de SĂ©curitĂ© Ă lâĂ©gard du putsch et de la crise quâil a entraĂźnĂ©. đ€ Lâorgane exĂ©cutif des Nations Unies finit par sâaccorder sur deux dĂ©clarations, dans lesquelles il exprime ses inquiĂ©tudes et condamne les rĂ©pressions de lâarmĂ©e, mais ne dĂ©nonce pas le coup dâĂtat, du fait de lâopposition de la Chine et de la Russie, ainsi que du Vietnam et de lâInde.
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Conclusion sur le coup dâĂtat en Birmanie đČđČ
LâannĂ©e 2021 a donc Ă©tĂ© marquĂ©e par le troisiĂšme coup dâĂtat de lâhistoire du Myanmar, aprĂšs ceux de 1962 et de 1988. Alors quâune dĂ©mocratisation semblait sâopĂ©rer depuis 2010, celle-ci nâĂ©tait quâune illusion : les militaires, qui sâĂ©taient laissĂ©s le droit de reprendre le pouvoir en cas de âmenaceâ nationale, nâhĂ©sitent pas Ă lâappliquer dĂ©but 2021, alors que leurs intĂ©rĂȘts sont menacĂ©s.
Ils nâavaient jamais totalement abandonnĂ© le pouvoir ; les voilĂ de retour sur le devant de la scĂšne. Et face aux mouvements populaires contre la junte de Min Aung Hlaing et pour le retour de la dĂ©mocratie, la Tatmadaw rĂ©pond par la force rĂ©pressive. Comme en 2007. Comme en 1988. đ
Le peuple birman veut enfin accomplir le rĂȘve des martyrs de 1988, tuĂ©s pour avoir osĂ© aspirer Ă la libertĂ©. Peu aprĂšs le 33e anniversaire du â8888â (8 aoĂ»t 1988), la lutte continue. â
Mais la jeunesse birmane, trop peu défendue par les Nations Unies, est seule dans ce combat.