Dans notre premier article sur lâaffirmation de la puissance chinoise, nous Ă©voquions la stratĂ©gie militaire du collier de perles de la Chine. Mais cette stratĂ©gie s’inscrit dans un plan plus large, dans le projet du siĂšcle pour la RĂ©publique Populaire de Chine (RPC) : celui des ânouvelles routes de la soieâ.
đ La route de la soie est un rĂ©seau de routes commerciales entre lâAsie et lâEurope, ouvert au IIe siĂšcle avant J.C. Elle est ensuite au cĆur des Ă©changes Est-Ouest pendant des siĂšcles : de nombreuses marchandises transitent Ă travers cette route terrestre, qui tire son nom du principal produit Ă©changĂ©, la soie. Elle est nĂ©anmoins abandonnĂ©e Ă partir du XVe siĂšcle au profit dâune route maritime, la route des Indes.
đ Les ânouvelles routes de la soieâ, elles, sont encore plus ambitieuses : lorsquâil annonce le projet en 2013, Xi Jinping envisage de relier la Chine Ă lâAsie Centrale et Ă lâEurope⊠Mais aussi Ă lâAfrique et au Moyen-Orient, grĂące Ă de nombreux axes terrestres et maritimes.
Cette stratĂ©gie peut-elle permettre Ă la Chine de construire âsaâ mondialisation et de supplanter les USA comme nouveau leader mondial ? đ€
2ïžâŁ DeuxiĂšme Ă©pisode de notre sĂ©rie. âïž
Les enjeux des ânouvelles routes de la soieâ : la mondialisation Ă la chinoise đšđł
Le contexte historique et gĂ©opolitique đ
Câest en 2013 que Xi Jinping annonce son grand dessein des ânouvelles routes de la soieâ, alors appelĂ© âOne Belt, One Roadâ (OBOR). đŁ
LâOBOR s’inscrit donc dans lâidĂ©e de la ârĂ©gĂ©nĂ©ration impĂ©rialeâ (âMinzu Fuxingâ) affirmĂ©e par Sun Yat-Sen au dĂ©but du XXe siĂšcle, et reprise par lâensemble des dirigeants de la RPC, et en particulier par son leader actuel, qui affirme :
Parvenir au grand renouveau de la nation chinoise constitue le plus grand rĂȘve des temps modernes pour le pays.
đ La rĂ©miniscence de la puissance impĂ©riale est un rĂȘve pour Xi Jinping et la RPC en 2013. Les ânouvelles routes de la soieâ sont censĂ©es faire de ce rĂȘve une rĂ©alitĂ©.
2017 est une annĂ©e charniĂšre pour lâOBOR, qui est renommĂ© âBelt and Road Initiativeâ : non seulement de nombreuses lignes sont inaugurĂ©es, mais le premier sommet de la BRI a Ă©galement lieu cette annĂ©e.
NĂ©anmoins, lâĂ©vĂ©nement le plus important pour lâOBOR en 2017, câest sĂ»rement lâentrĂ©e en fonction de Donald Trump Ă la Maison Blanche đșđž . La prĂ©sidence de Trump est en effet celle du repli amĂ©ricain, de lâabandon de son leadership et du multi-latĂ©ralisme.
Ce retrait joue alors en faveur de la RPC : elle peut en profiter pour sâaffirmer comme le chantre du libĂ©ralisme, comme le dĂ©fenseur de la mondialisation, et comme un leader mondial de substitution. đ
RĂ©pondre aux besoins en infrastructures de lâEurasie đš
Les ânouvelles routes de la soieâ sont principalement centrĂ©es sur le transport routier, ferroviaire, maritime ou aĂ©rien. Or, les besoins en infrastructures sont particuliĂšrement importants en Eurasie et en Afrique.
Par exemple, une Ă©tude de lâADB (Asian Development Bank) en 2017 a montrĂ© que les besoins de lâEurasie en la matiĂšre Ă©taient de lâordre de 26000 Md $ pour la pĂ©riode 2016-2030, soit un besoin annuel de 1600 Md $ dâinvestissement.
LâOBOR est donc censĂ© rĂ©pondre Ă de tels besoins, notamment dans les PED (Pays en DĂ©veloppement). La coopĂ©ration avec ces pays est un objectif historique de la RPC : Ă partir des annĂ©es 1950, la Chine de Mao invitait les PED Ă suivre la « troisiĂšme voieâ quâelle pouvait dessiner dans la Guerre froide. Aujourdâhui, elle a enfin les moyens de ses ambitions historiques dâinfluence. đž
Diversifier ses partenaires et rĂ©duire sa dĂ©pendance : le âdilemme de Malaccaâ đ
Puisque lâOBOR dessine une sĂ©rie de corridors terrestres et de voies maritimes, une sĂ©rie de âroutesâ accompagnĂ©es de âceinturesâ, il permet Ă la Chine de multiplier les partenariats.
đ° Il permet dâabord Ă la RPC dâaccroĂźtre ses exportations de biens de consommation et de biens intermĂ©diaires en diversifiant ses pĂŽles dâexportation. Il favorise en effet les Ă©changes avec toute lâEurope, y compris Ă lâEst, avec lâAsie, lâAfrique et le Moyen Orient, et permet donc de rĂ©duire sa dĂ©pendance Ă lâĂ©gard des importations de lâEurope de lâOuest et des USA.
đ Ensuite, la Chine entend sĂ©curiser ses approvisionnements en Ă©nergie, y compris en diversifiant ses pĂŽles dâimportation Ă©nergĂ©tique afin de rĂ©duire sa dĂ©pendance Ă lâĂ©gard du Moyen-Orient. Nous avons dĂ©jĂ Ă©voquĂ©, dans le cadre de notre prĂ©cĂ©dent article sur le âcollier de perlesâ, le âdilemme de Malaccaâ, expression nĂ©e Ă la suite dâun discours de Hu Jintao en 2003.
Ce dilemme renvoie Ă la dĂ©pendance de la RPC, notamment pour ses importations Ă©nergĂ©tiques, Ă lâĂ©gard de ce dĂ©troit, et peut mĂȘme renvoyer Ă une dĂ©pendance commerciale Ă lâĂ©gard des routes maritimes en gĂ©nĂ©ral, principalement contrĂŽlĂ©es par la puissante marine amĂ©ricaine.
đ Dans la continuitĂ© de la stratĂ©gie du âcollier de perlesâ, lâOBOR vise Ă accroĂźtre le contrĂŽle de la RPC sur la route maritime passant par ce dĂ©troit, mais aussi Ă diversifier les partenaires et les routes commerciales pour Ă©viter Malacca. DâoĂč lâimportance des nombreux corridors Ă©conomiques terrestres.
Dominer le monde et la mondialisation Ă lâhorizon 2049 đ
La âBelt and Road Initiativeâ doit permettre de promouvoir une âmondialisation Ă la chinoiseâ, conforme aux intĂ©rĂȘts de la RPC. La multiplication des chantiers d’infrastructure doit en effet accroĂźtre la prĂ©sence de la Chine dans les diffĂ©rentes rĂ©gions du globe, et accroĂźtre la dĂ©pendance des diffĂ©rents pays Ă lâĂ©gard de sa technologie et de ses capitaux.
Lâobjectif ultime devra ĂȘtre atteint dâici 2049 : le projet de ceinture Ă©conomique terrestre jusquâĂ lâOuest europĂ©en et de route maritime jusquâĂ lâAfrique, la MĂ©diterranĂ©e et mĂȘme lâAmĂ©rique du Sud sera parfaitement accompli avant le centenaire de la RPC.
100 ans aprĂšs la fondation de la RPC, 100 ans aprĂšs le dĂ©but du âsiĂšcle amĂ©ricainâ (Henry Luce), le âsiĂšcle chinoisâ aura dĂ©finitivement commencĂ©. Câest en tout cas lâambition de lâactuel prĂ©sident de la RPC. đȘ
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Les prĂ©mices des ânouvelles routes de la soieâ đ
La stratĂ©gie du âcollier de perlesâ đż
On lâa dĂ©jĂ Ă©voquĂ© : la stratĂ©gie militaire du âcollier de perlesâ initiĂ©e Ă la fin des annĂ©es 1990 vise Ă accroĂźtre la prĂ©sence de la marine de la RPC dans lâOcĂ©an Indien, en mer de Chine mĂ©ridionale et orientale, et Ă augmenter le contrĂŽle de la Chine sur les routes maritimes face Ă lâhĂ©gĂ©monie maritime amĂ©ricaine.
Pour ce faire, la RPC favorise les investissements dans des ports dans des pays partenaires comme le Pakistan, le Bangladesh, le Myanmar ou le Sri Lanka. Bien que le âcollier de perlesâ ait une dimension militaire que lâon ne retrouve pas ailleurs, on est bien dans la logique de lâOBOR. Cette stratĂ©gie prĂ©figure ainsi ce quâest la ânouvelle route de la soie maritimeâ dans le plan du prĂ©sident de la RPC. â
La coopĂ©ration avec la Russie en SibĂ©rie đ€
La Chine nâa pas attendu 2013 et le lancement de lâOBOR pour chercher Ă diversifier ses sources dâapprovisionnement Ă©nergĂ©tique. DĂšs 2010, elle sâest logiquement tournĂ©e vers le voisin russe, et vers ses ressources de SibĂ©rie orientale. đąïž
Une premiĂšre connexion pĂ©troliĂšre sino-russe de plus de 1000 km entre Skovorodino et Daqing a ainsi Ă©tĂ© inaugurĂ©e cette annĂ©e-lĂ , et a permis dâaccroĂźtre les Ă©changes de pĂ©trole entre les deux pays par la suite. Une telle coopĂ©ration est une premiĂšre Ă©tape de lâintĂ©gration de la FĂ©dĂ©ration russe et de la SibĂ©rie dans lâOBOR.
La stratĂ©gie rĂ©gionale du Grand MĂ©kong đ
LâOBOR est une stratĂ©gie mondiale ou quasi-mondiale. En rĂ©alitĂ©, il ne fait que transposer Ă lâĂ©chelle mondiale une stratĂ©gie dâintĂ©gration menĂ©e jusquâalors Ă lâĂ©chelle rĂ©gionale : le projet du âGrand MĂ©kongâ, initiĂ© en 2004, sous la prĂ©sidence dâHu Jintao, porte dĂ©jĂ sur la construction dâinfrastructures en Asie du Sud-Est. đ
LâintĂ©gration rĂ©gionale se base alors sur le dĂ©veloppement de zones franches dans les pays partenaires, et ensuite sur le libre-Ă©change : un accord de libre-Ă©change entre la Chine et lâ AFTA (Asian Free Trade Area) est finalisĂ© en 2010.
Surtout, les grands axes se sont multipliĂ©s dans la rĂ©gion pour favoriser ces Ă©changes. Les nouveaux olĂ©oducs et axes ferroviaires ont permis de relier les ports de la mer de Chine mĂ©ridionale Ă la mer dâAndaman et donc de contourner le « dilemme de Malacca » par un corridor terrestre. De plus, la stratĂ©gie du âGrand MĂ©kongâ a fait de Kunming en Chine, reliĂ©e Ă Vientiane par une nouvelle liaison TGV, le nouveau hub des relations de la RPC avec lâAsie du Sud-est. đ
Des investissements, prĂȘts et contrats massifs : un projet dĂ©mentiel dans lâintĂ©rĂȘt de la RPC âïž
La puissance financiĂšre chinoise đ”
La RPC est Ă lâorigine du projet, et est Ă©galement Ă lâorigine de la grande majoritĂ© des financements : on lâa dit, et on le rĂ©pĂšte, elle a enfin les moyens financiers de ses ambitions historiques Ă lâĂ©chelle mondiale. La Chine investit, cofinance, ou alors elle prĂȘte, ce qui est plus frĂ©quent, mais les financements chinois sont bel et bien prĂ©sents.
Et on ne parle pas de petits financements. Le projet est dĂ©mentiel, et tĂ©moigne de la puissance financiĂšre chinoise : avec un montant total dĂ©jĂ supĂ©rieur Ă 1000 milliards de dollars, il sâagit du plan de dĂ©veloppement le plus cher de lâhistoire de lâhumanitĂ© ! đČ
Certaines rĂ©gions, certains corridors Ă©conomiques sont particuliĂšrement importants dans lâOBOR, et reçoivent donc des fonds consĂ©quents.
Des exemples de corridors Ă©conomiques majeurs đ
LâAsie Centrale et le Kazakhstan au centre de lâOBOR đ°đż
LâAsie Centrale avait dĂ©jĂ un rĂŽle majeur dans les anciennes routes de la soie. Câest encore plus le cas dans les nouvelles routes de la soie : alors que lâĂ©crasante majoritĂ© des Ă©changes internationaux sont maritimes, les pays enclavĂ©s du centre de lâAsie se trouvent ainsi au cĆur des Ă©changes dans lâOBOR. Ils bĂ©nĂ©ficient de prĂ©cieux financements dans leur quĂȘte de dĂ©veloppement, et voient leurs Ă©changes augmenter, notamment avec la premiĂšre Ă©conomie mondiale en devenir.
La place du Kazakhstan est particuliĂšrement importante. Câest bien Ă Astana, la capitale kazakh, que le dirigeant de la RPC annonce son grand projet de lâOBOR en 2013. Surtout, le Kazakhstan est Ă la croisĂ©e de deux axes majeurs. đ
âŹïž Lâaxe Nord part du port sec dâAstana vers la Russie. Et câest par cet axe Nord ou corridor eurasiatique que passe lâimmense ligne ferroviaire transcontinentale âYuxinouâ, qui relie Chongqing en Chine Ă Duisbourg en Allemagne sur 11000km en passant par Moscou.
âïž LâAxe Sud-Ouest emprunte le port sec de Khorgos au Kazakhstan, en direction du TurkmĂ©nistan puis de la mer Caspienne. La premiĂšre liaison de cet axe a Ă©tĂ© inaugurĂ©e entre la RPC et TĂ©hĂ©ran en fĂ©vrier 2016.
Le corridor Ă©conomique sino-pakistanais đ”đ°
Un autre voisin de la RPC qui suscite de nombreux financements et accueille un important corridor Ă©conomique, câest le Pakistan. Ports, autoroutes, liaisons ferroviaires, barrages, centrales Ă©lectriques, mais aussi pipelines : les chantiers sont nombreux au Pakistan, et le budget Ă©levĂ©.
Le principal intĂ©rĂȘt de la Chine au Pakistan, nous lâĂ©voquions dans lâarticle prĂ©cĂ©dent sur le âcollier de perlesâ : il sâagit du port de Gwadar. Une ZES a Ă©tĂ© inaugurĂ©e en 2006 autour de ce port qui donne sur le Golfe dâOman, face au dĂ©troit dâOrmĂŒz oĂč transite 40% du pĂ©trole mondial. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt de construire des pipelines au Pakistan, pour acheminer du pĂ©trole par voie terrestre, de Gwadar jusquâau Xinjiang, une nouvelle fois en Ă©vitant Malacca. đą
En Europe, lâItalie et le corridor balkanique đȘđș
Les financements de lâOBOR, on peut Ă©galement les voir en Europe, la RPC cherchant Ă y accroĂźtre son influence, et Ă accĂ©der, encore et toujours, Ă son important marchĂ©. Elle y investit partout, et en particulier chez certains partenaires majeurs.
LâItalie est le premier partenaire au sein du G7 Ă avoir rejoint lâOBOR. Elle a notamment signĂ© un accord en 2019 pour accueillir une zone franche dans le port de Trieste et pour cĂ©der une partie de la compagnie aĂ©rienne Al Italia. đ€
La GrĂšce et les pays de lâEst (y compris des membres de lâUE) sont Ă©galement visĂ©s. La RPC sâappuie notamment sur les sommets â16+1â avec les 16 pays dâEurope Orientale pour former un important âcorridor balkaniqueâ, depuis AthĂšnes jusquâĂ Budapest, dans une rĂ©gion en besoin de financement.
Des intĂ©rĂȘts chinois tangibles đ€
Les financements rĂ©sident avant tout dans des aides financiĂšres et prĂȘts accordĂ©s par les banques, comme la China Development Bank ou lâEximbank of China, ou par le fonds Silk Road. La nouvelle AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank), crĂ©Ă©e dans le cadre du projet, a Ă©galement un rĂŽle majeur, et vient concurrencer la Banque Asiatique de DĂ©veloppement (BAD), issue de la Banque mondiale et dominĂ©e par le rival amĂ©ricain.
Aux intĂ©rĂȘts de ces banques sâajoutent surtout les intĂ©rĂȘts des entreprises chinoises, qui ont obtenu environ 90% des contrats de lâOBOR. La RPC prĂȘte Ă ses pays partenaires pour quâils signent des gros contrats avec ces fournisseurs. De tels contrats permettent ainsi dâabsorber la surproduction nationale dans lâindustrie lourde, et donc de maintenir le rythme de croissance de la RPC. đ
Les sociĂ©tĂ©s de la RPC multiplient Ă©galement les acquisitions infrastructurelles : lâaĂ©roport de Tirana en Albanie, les ports de Port SaĂŻd en Ăgypte ou de Tanger au Maroc, entre autres. Lâexemple le plus marquant est sĂ»rement lâacquisition par COSCO du port dâAthĂšnes, le fameux PirĂ©e, Ă partir de 2011.
Par ailleurs, le dĂ©veloppement des axes de transport depuis la RPC favorise les exportations, et donc le dĂ©veloppement des entreprises, en particulier dans la Chine IntĂ©rieure. Alors que la stratĂ©gie de dĂ©veloppement de la RPC sâest jusquâalors appuyĂ©e avant tout sur ses façades maritimes, lâOBOR fait de la Chine IntĂ©rieure le point de dĂ©part dâĂ©changes terrestres croissants, et permet de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s spatiales du pays.
Une ville comme Chongqing, point de dĂ©part du « Yuxinou », est devenue particuliĂšrement dynamique ces derniĂšres annĂ©es. Elle accueille de plus en plus de sociĂ©tĂ©s, notamment dans les hautes technologies, qui exportent vers lâEurasie grĂące Ă la ligne ferroviaire porte-conteneurs. đ
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Les limites des nouvelles routes de la soie : un projet qui suscite autant dâinquiĂ©tudes que dâenthousiasme đ
Lors du discours dâAstana de 2013 durant lequel il annonce le lancement de lâOBOR, Xi Jinping assure que âce projet bĂ©nĂ©ficiera Ă tous les pays situĂ©s sur ces routesâ. NĂ©anmoins, la BRI ne fait pas lâunanimitĂ© chez les partenaires de la RPC : elle suscite de nombreuses interrogations et contestations.
Le multilatĂ©ralisme Ă la chinoise ? đșđł
LâOBOR a parfois Ă©tĂ© comparĂ© au plan Marshall, qui avait vu les USA financer la reconstruction europĂ©enne aprĂšs-guerre, et avait initiĂ© leur rĂŽle de leader mondial, du moins au sein du camp occidental.
NĂ©anmoins, alors que la RPC affirme dĂ©fendre le multilatĂ©ralisme, lâOBOR nâa rien de multilatĂ©ral ou presque : il sâagit dâune juxtaposition de bilatĂ©ralismes ou de multilatĂ©ralismes rĂ©gionaux Ă portĂ©e limitĂ©e. Le processus dâintĂ©gration mondiale demeure ainsi trĂšs morcelĂ©. đ
Lors du 1er sommet de lâOBOR en 2017, qui rĂ©unit une centaine dâEtats, ce nâest pas un accord global qui est signĂ©. Non, ce sont 270 accords diffĂ©rents qui sont adoptĂ©s ! Difficile de faire moins multilatĂ©ral.
La contestation des autres puissances rĂ©gionales : entre partenariat et rivalitĂ© đ
Le sentiment obsidional indien đźđł
Dans la continuitĂ© de la stratĂ©gie du âcollier de perlesâ, lâOBOR tend Ă encercler et Ă isoler le rival indien. Les grands axes dĂ©veloppĂ©s ont en effet tendance Ă contourner lâInde, la RPC nouant des partenariats avec ses voisins. đ
Elle mise notamment sur le corridor birman entre les ports de Sittwe et de Kyaukpyu et Kunming en Chine, ainsi que sur le corridor sino-pakistanais. Le second inquiĂšte particuliĂšrement lâInde, puisquâil transite par lâAzad-cachemire pakistanais, dont la souverainetĂ© est contestĂ©e par lâInde. Un tel corridor peut mĂȘme ĂȘtre vu comme une vĂ©ritable provocation par certains dirigeants indiens.
LâInde est le deuxiĂšme contributeur Ă lâAIIB, mais est lâune des seules grandes puissances, avec les USA et le Japon, Ă ne pas vouloir ĂȘtre associĂ©es Ă lâ OBOR. DĂšs 2016, elle dĂ©veloppe une route commerciale concurrente, le âCorridor de croissance Asie-Afriqueâ ( AAGC), surnommĂ© « la route de la libertĂ© », en coopĂ©ration avec le Japon, visant Ă crĂ©er un corridor Ă©conomique indo-pacifique.
đ De mĂȘme que la âLook East Policyâ entend rivaliser avec le âcollier de perlesâ, la âroute de la libertĂ©â entend concurrencer les ânouvelles routes de la soieâ.
La rivalitĂ© avec la Russie en Asie Centrale đ·đș
Le voisin russe, lui, est intĂ©grĂ© dans lâOBOR : la coopĂ©ration Ă©nergĂ©tique sino-russe et la future crĂ©ation dâune immense ligne ferroviaire âPĂ©kin-Moscouâ en tĂ©moignent. Surtout, il sâagit dâun maillon central de lâaxe Nord depuis le Kazakhstan, du corridor eurasiatique.
Cependant, Moscou voit dâun mauvais Ćil lâaxe Sud-Ouest depuis le Kazakhstan, la route mĂ©ridionale via lâAsie du Centre, lâIran et le sud du Caucase. Les russes se mĂ©fient donc dâune stratĂ©gie dâinfluence chinoise dans son âĂ©tranger procheâ, dans sa sphĂšre historique dâinfluence.
Alors que la FĂ©dĂ©ration russe a formĂ© lâUEE (Union Ăconomique Eurasiatique) en 2015, une zone de libre-Ă©change visant Ă asseoir son emprise Ă©conomique sur lâAsie Centrale, les pays de la rĂ©gion sont de plus en plus proches de la RPC, dâun point de vue diplomatique et Ă©conomique, notamment du fait de lâOBOR.
đ LâAsie Centrale, autrefois marginalisĂ©e, devient un espace central et disputĂ©, lâenjeu de la rivalitĂ© entre PĂ©kin et Moscou, dans leurs projets dâintĂ©gration eurasiatique respectifs. La domination du âfrĂšre russeâ hĂ©ritĂ©e de lâĂšre soviĂ©tique semble sur le point de laisser place Ă lâemprise du âparrain chinoisâ sur la rĂ©gion. Et ce nâest pas forcĂ©ment une bonne nouvelle pour les populations locales.
Les contestations des populations locales â
La main-mise croissante de la RPC sur les Ă©conomies du centre de lâAsie et dâautres partenaires suscite les contestations des populations locales, de nombreux groupes. Certains projets de lâOBOR sont en effet jugĂ©s surdimensionnĂ©s et Ă©co-destructeurs, et la RPC est parfois accusĂ©e dâexpansionnisme Ă©conomique (et mĂȘme militaire), dâune forme de nĂ©ocolonialisme.
Par exemple, des plans de barrages hydroélectriques sur le Mékong au Laos ont suscité le mécontentement de nombreux habitants.
La contestation de la prĂ©sence de la RPC peut mĂȘme se radicaliser, et devenir extrĂȘmement violente, y compris chez ses partenaires majeurs. Câest notamment le cas au Pakistan, oĂč les sĂ©paratistes du Baloutchistan rejettent les âoppresseursâ. Ce groupe a dâailleurs revendiquĂ© plusieurs attentats anti-RPC, dont lâattentat au consulat de la Chine Ă Karachi en 2018. đŁ
Spectre de lâendettement et suspicions de nĂ©ocolonialisme đ°
Enfin, la principale limite de lâOBOR est la question de lâendettement des partenaires de la Chine, et en particulier des PED : câest lâargument principal de ses dĂ©tracteurs. Les banques chinoises accordent en effet des prĂȘts de plusieurs milliards dâeuros, qui font grimper la dette de nombreux Etats, et laissent planer la menace dâune nouvelle crise de la dette.
Au Kenya, par exemple, la nouvelle ligne ferroviaire Mombassa-Nairobi, financĂ©e en grande majoritĂ© par un emprunt du Kenya auprĂšs de lâEximbank of China, a doublĂ© le montant de la dette publique kĂ©nyane depuis 2013.
Surtout, de nombreuses critiques portent sur le âpiĂšge de la detteâ tendu par la RPC, qui chercherait Ă sâemparer d’infrastructures stratĂ©giques dans des Etats en dĂ©faut de paiement. Le prĂ©cĂ©dent du Sri Lanka a en effet de quoi inquiĂ©ter. đ”
Le port dâHambantota est financĂ© en 2010 par 5 milliards de $ de prĂȘts chinois, qui font exploser la dette srilankaise, jusquâĂ ce que l’Etat fasse faillite. La crise se solde en 2017 par une remise de la dette de lâordre de 1 milliard de $, contre la concession des activitĂ©s du port Ă la China Merchant : Hambantota devient alors une concession extraterritoriale de la RPC ! Nous parlions de nĂ©ocolonialisme plus tĂŽt, nous sommes en plein dedans.
La crise liĂ©e Ă la pandĂ©mie a rendu cette question de lâendettement encore plus sensible. De plus en plus dâEtats, faisant face Ă une baisse de leurs recettes fiscales et Ă une nĂ©cessaire hausse des dĂ©penses publiques, risquent dâĂȘtre dans lâimpossibilitĂ© de rembourser les prĂȘts.
Or, les risques du surendettement affectent aussi les intĂ©rĂȘts de la RPC. En effet, les dĂ©fauts de paiement risquent de fragiliser les entreprises chinoises qui remplissent les contrats de lâOBOR avec lâargent de la dette, et la crise de la dette pourrait nuire Ă lâimage de la RPC. đ
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Conclusion sur les nouvelles routes de la soie đ«
Les ânouvelles routes de la soieâ, câest donc LE grand projet de la RPC, la stratĂ©gie censĂ©e lui permettre Ă terme, de dominer le monde. La âBelt and Road Initiativeâ est censĂ©e redessiner la carte du monde, en bĂ©nĂ©ficiant Ă tous, mais surtout Ă la Chine : les financements chinois profitent en premier lieu Ă ses sociĂ©tĂ©s, et sont censĂ©s Ă©tendre son influence. đ
Cependant, lâOBOR suscite de nombreuses contestations, de nombreuses critiques chez ses partenaires : il fait notamment ressurgir le spectre de la crise de la dette, et mĂȘme celui dâun âpiĂšge de la detteâ, un piĂšge nĂ©ocolonialiste tendu par la RPC.
Alors que la BRI est censĂ©e rĂ©pondre Ă ses intĂ©rĂȘts, une telle crise, un tel piĂšge, ne jouent pas en faveur de son influence, de son âsoft powerâ.
Alors quâelle souhaitait profiter du retrait amĂ©ricain sous Trump pour sâaffirmer comme le nouveau leader mondial, la RPC suscite toujours autant de craintes. A lâheure oĂč Biden marque la fin de l’isolationnisme amĂ©ricain, la Chine a peut-ĂȘtre ratĂ© le coche.
Mais elle a encore jusquâĂ 2049 pour faire du XXIe siĂšcle le âsiĂšcle chinoisâ. đšđł
Excellent article rĂ©sumant bien les diffĂ©rents avantages et inconvĂ©nient qu’apportent les nouvelles routes de la Soie. Cependant il est dommage que vous n’Ă©voquiez pas les dĂ©savantages de ces routes de la Soie concernant l’UE