Afin de comprendre la situation en Iran, nous avons recueilli le témoignage d’une Iranienne de 35 ans née à Ispahan et réfugiée politique en France. Car, qui de mieux qu’une personne originaire de ce pays pour en parler ? Grâce à Sahara, les Sherpas ont compris les raisons des manifestations auxquelles elle a assisté en France et en Allemagne. Comme on adore partager nos découvertes avec les autres, on va te parler en détail des manifestations en Iran.
Les origines des manifestations en Iran 😡
Sahara : « L’élément qui a déclenché ces manifestations en Iran a été la mort de Jina Mahsa Amini. C’était une jeune fille de 22 ans sans histoire, une Kurde iranienne qui habitait dans la province du Kurdistan. Elle voulait se rendre à Téhéran avec sa famille le mardi 13 septembre. Honnêtement, elle n’avait strictement rien fait de mal. Elle portait le voile, mais des policiers ont quand même voulu l’arrêter. »
« Pourquoi ? Pour la simple raison qu’une mèche de ses cheveux était visible en dehors du hijab. Comme elle était innocente, elle a résisté et a protesté contre les policiers. Comme toujours lorsqu’une fille répond trop à leur goût, ils l’ont rouée de coups. Cela dit, même si elle n’avait pas répondu, ils l’auraient de toute façon embarquée au service répressif de la sécurité des mœurs. »
💡 La parenthèse Sherpa : la police des mœurs
Fondée en 2005, la police des mœurs a pour mission de vérifier les tenues vestimentaires des femmes et de veiller à ce que le port du voile soit respecté. Elle vérifie par exemple la longueur des manteaux, la couleur des bas ou si du vernis à ongles est porté. Cette milice impose un contrôle presque permanent. En cas d’arrestation, certaines peuvent être emmenées dans des centres pénitentiaires où elles sont victimes de violences physiques.
« Comme ses blessures étaient très graves, Jina Mahsa Amini est tombée dans le coma dans l’immeuble de la police des mœurs. Elle a été conduite après à l’hôpital Kasra de Téhéran. Des médecins ont annoncé qu’elle avait été victime d’une mort cérébrale et d’une crise cardiaque dues à une fracture crânienne. »
« Ce qu’il faut savoir, c’est que les services des renseignements ont menacé sa famille et lui ont interdit d’être interviewée par des médias étrangers, faute de quoi elle aurait des problèmes. Les dirigeants de l’Iran ont dit qu’elle avait eu une crise cardiaque alors que c’était complètement faux. Dès que quelqu’un est tué par la police des mœurs en Iran, ils annoncent que c’est un accident, un suicide ou une maladie de naissance. »
Le régime d’Iran déforme la vérité, manipule et ment.
Sahara
Iranienne réfugiée en France
👉 Dès le 16 septembre, date à laquelle la jeune femme est morte à l’hôpital, les contestations ont commencé pour protester contre les déferlements de violence du régime. Jina Mahsa Amini n’est pas la première à mourir à cause de ce système, mais sa fin a ravivé les braises d’un feu jusqu’alors partiellement étouffé.
Les manifestations en France et en Allemagne 📢
Tu as participé aux manifestations françaises. Comment se sont-elles déroulées ?
Sahara : « La première manifestation a eu lieu le dimanche 25 septembre à Paris. Nous étions 2500 personnes à défiler pour dénoncer la mort de Jina Mahsa Amini et protester contre la répression des manifestations en Iran. Nous voulions nous rendre devant l’ambassade de la République islamique mais la police nous a jeté des gaz lacrymogènes. Ça ne nous a pas empêché de brandir fièrement notre slogan : Femme, Vie, Liberté. »
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»La deuxième manifestation s’est déroulée le dimanche 2 octobre à Paris. J’ai remarqué que bien plus de Français nous soutenaient et ça m’a vraiment fait chaud au cœur. Pas mal de journalistes étaient d’ailleurs présents pour reléguer l’information. Je suis contente que nous ayons eu l’occasion de nous exprimer. Ce qui m’a en revanche mis en colère, c’est que certains journalistes ont pointé du doigt l’économie de l’Iran au détriment du vrai message que nous voulions véhiculer. »
Nous ne voulons pas de ce régime.
Sahara
Iranienne réfugiée en France
« Même si en Iran le régime tente de nous faire taire, il ne peut pas nous contrôler partout. Comme l’ont montré les manifestations en Iran, les Iraniens sont dans le monde entier. Plus de 150 villes parlent de la situation en Iran et des célébrités rejoignent tous les jours notre cause. »
Peux-tu nous parler des manifestations de Berlin ?
Sahara : « C’était le samedi 22 octobre. Les autorités iraniennes ont menti en affirmant que les “émeutes” en Iran allaient s’arrêter alors les communautés internationales nous ont de nouveau apporter leur soutien en organisant des mouvements de protestations. »
« Hamed Esmaeilion, qui a perdu sa femme et son enfant dans le Vol Ukraine International Airlines 752 qui a été abattu en 2020 par le régime, a réuni à Berlin plus de 120 000 personnes. Je trouve ça très encourageant. Les gens affichent leur solidarité aux manifestants en Iran ce qui montre aux dirigeants qu’ils ne peuvent pas nous empêcher de dévoiler la vérité. »
« Ce qui m’a beaucoup marqué durant ces manifestations, c’est que les gens ont défilé en arborant le vrai drapeau de l’Iran. Je dis “vrai drapeau” parce qu’à l’origine la bande blanche était recouverte d’un lion et d’un soleil. C’était notre symbole, notre identité. En arrivant, le régime islamique a remplacé le lion par un autre symbole. Je crois que, quand nous montrons à la télévision notre drapeau originel, nous montrons que nous nous battons contre un régime. »
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Des manifestations partout dans le monde 🌎
Pourquoi ces manifestations ont-elles pris une ampleur internationale ?
Sahara : « Il y a deux raisons principales à cette évolution :
👉 « Je pense que les manifestations en Iran durent depuis plus d’un mois parce que la génération a changé. Ce n’est pas la première fois que des manifestations ont lieu en Iran, mais contrairement à avant, beaucoup d’étudiants et de jeunes manifestent courageusement. Cette génération n’a plus peur. Et ceci, malgré la présence des agents chargés de réprimer les protestations. »
Un gouvernement ne peut plus cacher la vérité si elle a franchi les frontières.
Sahara
Iranienne réfugiée en France
👉 « La deuxième raison, c’est que les moyens de communication modernes ont permis une transmission importante de la situation et des manifestations en Iran. Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, les autres nations nous entendent. La République islamique cherche à empêcher les militants de s’exprimer. Je ne sais combien de personnes sont mortes, ont disparues ou ont été emprisonnées depuis le début des manifestations en Iran. »
💡 La parenthèse Sherpa : le contrôle des médias
En Iran, les informations sont filtrées et l’accès à Internet est coupé lorsque des gens veulent informer des étrangers des agissements du gouvernement. Le même phénomène s’est produit lors des premières manifestations en Iran. Pour que les habitants n’envoient pas de vidéos des militantes abattues dans les rues, l’accès à Internet a été coupé pendant 48 heures.
Ce que le gouvernement irianien n’avait pas prévu, c’est que les hashtags circulent à une vitesse folle dans le monde…
Le combat des femmes lors des manifestations en Iran 🧕
Quel est le quotidien d’une Iranienne ?
Sahara : « Le régime nous prive de toutes nos libertés. Nous n’avons pas de place. Par exemple, nous n’avons ni le droit de danser, ni le droit de chanter. Même pour quitter le pays, il nous faut l’autorisation de notre père ou de notre mari !
« Nous ne connaissons pas d’écoles mixtes, sauf certaines grandes universités qui le tolèrent. Mais si une étudiante veut déjeuner avec un garçon, ce n’est pas autorisé. Même divorcer est extrêmement compliqué. Quand nous écrivons, nous le faisons à nos risques et périls, en cachette. Toutes ces interdictions génèrent en nous un stress permanent et nous attristent terriblement. »
« Je suis moi-même partie de chez moi parce que j’étais en danger. J’ai été scénariste pendant dix ans en Iran et j’ai failli mourir pour avoir écrit un scénario appelé “Le sifflet” (en français). Mon scénario se déroulait dans une école pour filles. Comme je les avais présentées alignées en train de regarder un homme siffler et leur donner des ordres, mon film a été interdit. Je l’avais réalisé pour des festivals de films, notamment celui de Parvin E’tesami. Quand mon avocat m’a annoncé que la peine de mort m’attendait, j’ai fui mon pays. »
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« On pourrait croire que la situation des femmes ne peut que s’améliorer mais, année après année, elle empire. L’actuel président de l’Iran par exemple, Ebrahim Raïssi, a ordonné aux policiers d’user de la manière forte contre les filles qu’il considère comme des rebelles. C’est pour cela que l’Iran a assisté et assiste encore aujourd’hui à un cycle de brutalité hors du commun contre celles qui selon lui portent mal le hijab. »
« Partout, les voitures de la police des mœurs patrouillent et imposent leur présence. Aucune fille ne peut échapper à leur regard. Ils sont dans les rues et même dans les centres commerciaux. Celles qui enfreignent le strict code vestimentaire de la République islamique risquent d’être embarquées dans un véhicule pour y être sermonnées, battues ou pire encore… »
💡 La parenthèse Sherpa : les devoirs actuels des Iraniennes
Élu à la présidence en 2021, Ebrahim Raïssi a récemment procédé au durcissement de la loi sur le port du hijab. Il doit désormais couvrir, en plus des cheveux, le cou et l’ensemble des épaules. Un décret expose aussi les femmes à des punitions plus sévères en cas de non-respect des règles vestimentaires.
Est-ce que cette guerre civile iranienne ne concerne que les femmes ?
Sahara : « Je pense que la série de manifestations en Iran est la première révolution féminine du monde. Les grands leaders de ces contestations sont féminins mais tous les Iraniens sont concernés. Tout le monde l’a vu, des hommes se sont aussi exprimés sur notre situation et nous ont apporté leur soutien lors des manifestations en Iran. »
Peux-tu nous parler du système politique iranien ? 💥
Sahara : « Comme il s’agit d’une dictature, nous ne pouvons pas parler d’élections. Le mouvement vert de 2009 est particulièrement représentatif de la politique en Iran. Je pense qu’il est important d’en parler pour comprendre comment fonctionne notre système. »
💡 L’explication des Sherpas : le mouvement vert
👉 Le 13 juin 2009, des manifestations en Iran ont été organisées dans les rues pour dénoncer le résultat des élections présidentielles remportées par Mahmoud Ahmadinejad. Il était le président sortant de la République islamique d’Iran et s’est vu réélu dès le premier tour avec 62,63 % des suffrages. Rien ne laissait présager une telle issue. Sur les 475 candidats, seuls 4 avaient été retenus :
- Mahmoud Ahmadinejad, président sortant
- Mehdi Karoubi, ancien président du Parlement (Majles)
- Mir Hossein Moussavi, ancien Premier ministre
- Mohsen Rezaï, ancien commandant des Pasdaran
La campagne s’est engagée dès le début en faveur de Mahmoud Ahmadinejad. Il a bénéficié du relais des réseaux d’information d’État et a commencé à mener sa campagne avant la validation des autres candidatures. Durant le face-à-face électoral à la télévision nationale, Mahmoud Ahmadinejad a choisi l’angle de l’attaque directe alors que Mir Hossein Moussavi a démontré que son bilan économique était catastrophique.
« Comme ces débats avaient été suivis de près par le peuple, les résultats du scrutin du 12 juin nous avaient stupéfié. Mahmoud Ahmadinejad était clairement apparu comme le grand perdant du débat. »
« Mir Hossein Moussavi avait à cette époque dénoncé des fraudes massives et s’était opposé à ces résultats. D’après lui, la régularité de la procédure électorale n’avait pas été respectée, ce qui a déclenché les plus grandes manifestations d’Iran depuis la révolution de 1979. »
👉 « Le 19 juin, des manifestations en Iran ont été organisées pour contester les élections et le régime, accusé de ne pas respecter les droits des citoyens. La répression s’est mise à agir à partir de cette date. L’unité anti-émeute, les membres des Gardiens de la révolution et les Bassidji, des miliciens en civil, ont commencé à affronter les manifestants. »
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« Je me souviens que le gouvernement avait décidé de couper les connexions Internet, les services de téléphonie mobile et les émissions de radio et de télévision étrangères. La plupart des journalistes étrangers présents pour couvrir l’élection avaient été expulsés et les chefs de file du courant réformateur avaient été mis en résidence surveillée ou emprisonnés. »
« Pendant plusieurs mois, chaque événement lié au calendrier islamique ou politique a servi à créer des manifestations en Iran appelées « mouvement vert ». Le nom faisait référence à la couleur du ruban donné par l’ancien président Mohammad Khatami au candidat Mir Hossein Moussavi. Notre slogan, montré lors des manifestations en Iran, faisait aussi écho à notre cri de colère face au coup d’État électoral dont nous avons été victimes : « Où est mon vote ? ». »
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Rétrospective sur l’histoire de l’Iran 🔄
Comment est arrivé le régime islamique ?
Sahara : « Pour comprendre les manifestations en Iran, il faut revenir une quarantaine d’années en arrière. En ce temps, il y avait une famille royale au pouvoir. C’est petit à petit que les choses ont changé. L’avenir du Chah, le roi d’Iran, s’est joué au début de l’année 1979 dans les Caraïbes. »
« Le président français Valéry Giscard d’Estaing a rassemblé le dirigeant des États-Unis, Jimmy Carter, celui de Grande-Bretagne, James Callaghan et celui de RFA Helmut Schmidt, autour d’une même table pour parler de l’Iran. Après délibération, les quatre hommes ont conclu que le temps du Chah était terminé. Le 16 janvier 1979 a sonné la fin du règne pour Mohammad Reza Pahlavi, le dernier Chah d’Iran. »
💡 La parenthèse Sherpa : Khomeini
👉 L’ayatollah Khomeini, un religieux musulman chiite, a aussi été contraint à l’exil. Ce n’est que le 1er février 1979 qu’il fait son grand retour en Iran. Après 15 ans d’exil, il a pris la tête du régime et s’est chargé d’entamer une transition vers un autre régime.
« Le 11 février, il s’est installé au pouvoir et a nommé Mehdi Bazargan Premier ministre. Le gouvernement de Shapour Bakhtiar, qui avait été obligé d’accepter le retour de Khomeini, a été déchu et a pris la fuite. C’est à partir de ce moment que l’empire d’Iran a disparu et est devenu une République islamique. Khomeini avait en fait promu une république, pas une république islamique. »
« Ce nouveau système est donc arrivé en mettant en avant un système démocratique alors que la question des libertés individuelles a connu une vraie régression. »
L’Iran : république ou dictature ?
Quelle est la signification de l’appellation République islamique ?
Sahara : « Cette appellation est le produit d’un mélange entre la religion et la république. Pour nous, ce nom est inacceptable puisqu’aucune autre religion n’est considérée par ce régime qui est une dictature. Le message qu’il véhicule, c’est qu’il faut changer de croyance. Le hijab est devenu le symbole du régime donc il est utilisé lors des manifestations en Iran. »
« Lorsqu’il est arrivé, nous n’avions plus le droit de nous balader sans. Moi-même, j’étais dans l’obligation de le porter quand j’habitais en Iran. Je devais le mettre tout le temps, que je sois à la maison ou non. C’est important de comprendre que cette appellation est mauvaise parce que des étrangers pensent à tort que les manifestations en Iran sont contre l’islam. »
👉 « Nous n’avons pas brûlé le hijab durant les manifestations en Iran pour critiquer la religion, nous l’avons fait parce que c’est un symbole représentatif de la dictature. Il faut savoir que ce régime a ajouté son propre symbole sur notre drapeau. J’ai le sentiment qu’il nous a volé notre identité. »
Alors, tu as compris les manifestations en Iran ?
Grâce à Sahara, les Sherpas ont pu comprendre les origines des manifestations en Iran et le fonctionnement du régime. Plus que de pouvoir choisir ce qu’elles veulent porter dans la rue, les femmes veulent avoir le droit de vivre. Tous les Iraniens, les hommes y compris, souhaitent pouvoir s’exprimer librement sans avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête et l’ont montré lors des manifestations en Iran.