Tu es lycĂ©en et tu hĂ©sites Ă choisir la gĂ©opolitique comme spĂ©cialitĂ© ? Tu es dĂ©jĂ en terminale mais tu ne sais pas quoi choisir entre lâESH ou la GĂ©opolitique en prĂ©pa ECG ? Tu fais de la gĂ©opolitique en Ă©tude post-bac mais tu en as un peu marre dâĂ©tudier le dĂ©veloppement des structures claniques au fin fond du Mali ? Tu souhaites simplement dĂ©couvrir des Ćuvres qui ont un sens, des valeurs, un engagement ? Alors pas de souci ! Tu as frappĂ© Ă la bonne porte. đ
La gĂ©opolitique est un domaine qui est complexe, riche, intĂ©ressant et surtout nĂ©cessaire ! Mais il suffit de nâavoir aucune information sur la matiĂšre (ou mĂȘme dâavoir un prof peu intĂ©ressant) pour totalement la dĂ©laisser. Laisse-moi aujourdâhui te prouver que la gĂ©opolitique est omniprĂ©sente et peut aussi ĂȘtre agrĂ©able Ă sâapproprier.
Qui a dit que travailler la gĂ©opolitique ne se faisait essentiellement que par lâapprentissage dâun livre par cĆur ? Qui a dit quâil nây avait pas moyen dâamĂ©liorer ses connaissances sur un sujet tout en se divertissant ? Qui a dit quâune Ćuvre dâart ne pouvait pas laisser une trace dans ton esprit et modifier ta vision du monde Ă jamais ? đ€
đĄ Aujourdâhui, les Sherpas te proposent de voir 5 films, 5 Ćuvres musicales, 5 Ćuvres littĂ©raires et 5 peintures qui tâapprendront beaucoup sans demander un effort surhumain. Nous tâoffrons ici quelques clĂ©s pour apprendre Ă apprĂ©cier la gĂ©opolitique et pour dĂ©couvrir des pĂ©riodes et des idĂ©ologies plus en profondeur. La diffusion de la connaissance faisant partie de nos valeurs, nous espĂ©rons te faire dĂ©couvrir des Ćuvres exceptionnelles que tu ne connaissais pas forcĂ©ment, et dâen voir d’autres sous un jour nouveau.
Je ne ferai pas de grandes analyses des Ćuvres. Certaines sont trĂšs connues. Dâautres sont trĂšs comprĂ©hensibles. Je mettrai cependant un ou deux sites expliquant en dĂ©tail certaines Ćuvres (notamment pour les peintures, au sujet de la symbolique et de la technique) qui le feront mieux que moi. Le but nâest pas de te brider dans ma propre interprĂ©tation et analyse des Ćuvres. Le seul objectif de cet article est de te faire dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir des Ćuvres qui sont autant de portes vers des Ă©poques et des situations gĂ©opolitiques diffĂ©rentes.
La gĂ©opolitique dans les oeuvres cinĂ©matographiquesđ„
Le cuirassé Potemkine : la propagande communiste au cinéma
đđ» Le cuirassĂ© Potemkine est un film muet sorti en 1925 et rĂ©alisĂ© par SergueĂŻ Eisenstein. Il sâagit de lâun des films majeurs de la propagande soviĂ©tique. Interdit dans de nombreux pays durant la Guerre Froide, le film raconte et romance la mutinerie du cĂ©lĂšbre cuirassĂ©e Potemkine, le fleuron de la marine impĂ©riale Russe, ainsi que la rĂ©pression et lâinsurrection qui sâensuivirent dans la ville dâOdessa en actuelle Ukraine.
đĄ Historiquement, la mutinerie du cuirassĂ©e Potemkine a effectivement eu lieu et est devenue un symbole de la RĂ©volution Russe de 1905. Cette mutinerie est considĂ©rĂ©e comme un signe avant-coureur de la RĂ©volution dâOctobre 1917.
đĄ Ce film possĂšde donc une importante symbolique pour le monde communisme : il fut rĂ©alisĂ© pour cĂ©lĂ©brer le 20e anniversaire de la RĂ©volution de 1905. Câest un film dit « de commande » qui a Ă©tĂ© expressĂ©ment demandĂ© par la Commission dâEtat. Ce film marque la naissance de lâutilisation du cinĂ©ma comme moyen de propagande par les soviĂ©tiques.
Bien entendu, le film a Ă©tĂ© orientĂ© pour montrer une mutinerie montrant les dĂ©buts du rouage communistes, ce qui nâest pas une rĂ©alitĂ©. De plus, lâaccent est mis sur la reprĂ©sentation filmĂ©e des clivages de la sociĂ©tĂ©s russes, sur les inĂ©galitĂ©s, sur la violence des pro-tsar et des hommes de pouvoirs qui nâĂ©taient pas dans le camp des communismes et sur lâintelligence et la force de caractĂšre des mutins.
Ce film est un vĂ©ritable bijou du XXe siĂšcle puisquâil est considĂ©rĂ© comme lâun des plus grands films de propagande de tous les temps. Il permet dâapprĂ©hender et dâentrer dans lâhistoire soviĂ©tique du siĂšcle dernier. Il fait comprendre comment se met en place une propagande, comment elle peut sâinsĂ©rer dans lâesprit des masses et comment le pouvoir est mis en scĂšne.
La particularitĂ© de ce film câest quâil est aujourdâhui peu connu du fait de sa difficile accessibilitĂ© (noir et blanc, muet, introuvable sur Netflix et jâen passeâŠ) et pourtant, certaines scĂšnes sont si cĂ©lĂšbres que tu as forcĂ©ment vu des reprises. Dans la scĂšne la plus cĂ©lĂšbre, celle des escaliers, une femme lĂąche le landau avec son enfant qui dĂ©vale les grands escaliers dâOdessa. Cette scĂšne a Ă©tĂ© reprise par les Simpson, Les Incorruptibles ou encore la CitĂ© de la Peur !
đđ» Plus quâun simple film, le cuirassĂ© Potemkine a Ă©tĂ© maintes fois analysĂ© pour ce quâil apprend sur le contrĂŽle des masses et la fascination du pouvoir. Les idĂ©es de progrĂšs et dâĂ©mancipations vĂ©hiculĂ©es, couplĂ©es au rĂȘve de lâUnitĂ© communiste, ne se nourrissent que du dĂ©nuement, creuset des extrĂȘmes. La reprĂ©sentation appauvrie du peuple et des marins mis en face des soldats flambants neufs Ă la marche mĂ©canique et Ă la rĂ©pression systĂ©matique (quasiment sans humanitĂ©) donne ce coup de poing qui modifiera la reprĂ©sentation des personnes les moins armĂ©s pour faire face Ă la propagande. Eisenstein nous offre une Ćuvre oĂč chaque plan et chaque mouvement ne deviennent quâune maniĂšre dâimprimer lâidĂ©ologie dans lâesprit de chaque observateur.
đđ» Ce film nous fait passer par 3 Ă©tats bien diffĂ©rents, mais tous importants pour lâacceptation finale de lâidĂ©ologie.
– Tout dâabord la compassion et le sentiment de rĂ©volte face aux injustices. Les marins sont des hĂ©ros pour les habitants dâOdessa mais sont soumis Ă une terrible injustice dĂšs le dĂ©but du film. Lâinjustice se poursuit lorsque lâarmĂ©e massacre la population.
– Viens la dĂ©monstration de puissance. Le cuirassĂ© dĂ©truit les signes du Tsar (les statues de lions) puis fait face en mer Ă toute la flotte du Tsar de Russie.
– Enfin : le respect infini de lâidĂ©ologie. La flotte du Tsar ne tire plus, au contraire, il cĂ©lĂšbre la rĂ©ussite du cuirassĂ©, et se joint Ă lui ! Lorsque tout semble perdu, lâespoir renaĂźt et jaillit avec puissance.
Le cuirassĂ© Potemkine, câest cela : lâatroce injustice qui devient le plus beau des espoirs grĂące au communisme, romancĂ© et rendu magnifique par le talent du rĂ©alisateur. NâhĂ©site pas Ă aller le voir ! đ
Mientras dure la guerra : Quand lâamour de la RĂ©publique disparaĂźt
đđ» Mientras dure la guerra (ou « lettre Ă Franco » en Français) est le dernier film d’ Alejandro Amenabar. Sorti en 2019, il raconte lâhistoire de Miguel de Unamuno qui voit peu Ă peu tomber la RĂ©publique quâil avait bĂątie dans la dĂ©rive fasciste de Franco, dictateur espagnol. Nous sommes en 1936, Ă Salamanque, la guerre civile espagnole (1936-1939) en Ă©tait Ă ses balbutiements. Ce film raconte lâarrivĂ©e au pouvoir de Franco en Espagne. On le voit tout au long du film avancer ses pions, douter de sa lĂ©gitimitĂ© et sâentourer des grands noms de lâĂ©poque.
Miguel de Unamuno va tout dâabord dĂ©fendre dans un communiquĂ© le coup dâEtat de la junte militaire, croyant rĂ©ellement quâil sâagit dâune Ă©tape obligatoire dans le combat face aux communistes pour garantir la paix et la stabilitĂ© de la rĂ©publique. Il changera dâavis au fur et Ă mesure du film, alors que le mĂ©canisme fasciste se met en place.
đĄ Mientras dure la guerra aborde le dĂ©sarroi de la population par le prisme de ses intellectuels. TrĂšs fin dans son propos, il arrive tout de mĂȘme Ă faire ressentir la brutalitĂ© du changement politique qui se joue sous nos yeux. Son respect pour les Ă©vĂ©nements historiques assure une immersion totale dans les aspects les moins connus de lâhistoire espagnole. Tous ceux qui auront eu des cours dâespagnol connaissent Franco et sa dictature, mais peu peuvent parler du passage entre la rĂ©publique et la Guerre Civile. Peu peuvent expliquer la pression politique, les enfermements et les tueries. Si vous souhaitez connaĂźtre un peu mieux cette partie, foncez sur ce film. Pour lâavoir vu deux fois au cinĂ©ma, il vaut vraiment le coup. đ
Timbuktu : la Charia vue par lâart
đĄ LâAfrique est souvent un continent mis en marge et oubliĂ© lorsque lâon parle de gĂ©ostratĂ©gie Ă lâĂ©chelle mondiale. Trump ne la prenait pas en compte, elle nâavait pas son mot Ă dire pendant la Guerre Froide, elle a Ă©tĂ© spoliĂ©e de ses richesses et partagĂ©e par les grandes puissances europĂ©ennes⊠Pourtant, lâhistoire de lâAfrique peut ĂȘtre intĂ©ressante Ă observer et Ă dĂ©couvrir, et câest ce que je vais te proposer ici.
đđ» Timbuktu est un film rĂ©alisĂ© par Abderrahmane Sissako en 2014. Il raconte lâhistoire de la ville de Tombouctou, lorsque les islamistes lâenvahissent et y imposent la Charia. La Charia est la loi Islamique qui codifie lâensemble des droits et devoirs des musulmans au niveau collectif et individuel. Retenez bien ce mot, nous le reverrons plus tard. Du jour au lendemain, dans la ville de Tombouctou, la musique est interdite, le football aussi et les femmes sont persĂ©cutĂ©es. Des tribunaux se forment et rendent des sentences injustes et fermes. Pourtant, une partie de la population rĂ©siste, et font lâapologie dâune forme dâIslam diffĂ©rente et plus juste, plus ouverte.
đĄ Timbuktu dĂ©nonce la Charia et prĂŽne un modĂšle dâIslam plus compatible avec les besoins et les envies de la sociĂ©tĂ© actuelle. Le film ne rejette pas lâIslam bien au contraire : il montre que foi et modernitĂ© peut fusionner et parfaitement sâimbriquer. Ce film permet de dĂ©couvrir la face lugubre dâun monde que nous, occidentaux, nous ne connaissons pas (ou trĂšs peu).
Dans un pays oĂč plus de 90% de la population est musulmane, le film montre la difficile (sinon impossible) adaptation de la population croyante et pratiquante sous le fondamentalisme religieux. Ce film devrait ĂȘtre un passage obligĂ© pour tout Ă©lĂšve de collĂšge et lycĂ©e puisquâil montre diffĂ©rentes Islam et donc empĂȘche dâamalgamer et de mĂ©langer fondamentalisme stricte et la religion du quotidien. Câest une porte dâentrĂ©e dans un monde qui est souvent difficile dâaccĂšs aujourdâhui. Câest un pas vers la comprĂ©hension des sociĂ©tĂ©s islamiques, du petit et grand Djihad et de la religion musulmane en gĂ©nĂ©rale. đ
Valse avec Bachir : Quand la mémoire te protÚge
đđ» Valse avec Bachir est un film rĂ©alisĂ© par Ari Folman. Il sâagit dâun documentaire autobiographique mis sous forme dâanimation qui retrace le dĂ©sir du narrateur de comprendre pourquoi il fait le mĂȘme rĂȘve depuis plusieurs annĂ©es, et pourquoi il nâa que des souvenirs flous de certains moment de sa vie militaire. Le jeune Ari avait justement servi dans lâarmĂ©e durant lâopĂ©ration « paix en GalilĂ©e » provoquĂ©e par IsraĂ«l. Nous suivons lâinitiation du narrateur Ă travers sa rencontre avec dâanciens amis, ce qui lui permettra de reconstituer le puzzle quâest sa mĂ©moire. Son Ă©trange rĂȘve, des corps nus sortant de lâeau et traversant la plage, va peu Ă peu se muer en une effroyable vĂ©ritĂ© : celle des massacres de Sabra et Chatila en 1982.
đĄ Sabra et Chatila sont respectivement des quartiers et camps de rĂ©fugiĂ©s palestiniens situĂ©s Ă lâOuest de Beyrouth. Entre le 16 et le 18 septembre 1982 les milices chrĂ©tiennes des phalangistes ont massacrĂ© entre 460 et 3500 Palestiniens. Rappelons que « les Phalanges libanaises » est un parti politique libanais fondĂ© en 1936). Le narrateur nous fait dĂ©couvrir lâun des Ă©vĂ©nements les plus tristement funestes du conflit IsraĂ«lo-Palestinien, lâun des plus vieux conflits encore sans issus aujourdâhui.
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Ce film est une trĂšs belle aventure Ă vivre. Le style du dessin et le mouvement appuient fortement le propos. LâapogĂ©e de ce film, câest-Ă -dire le moment oĂč le narrateur se souvient parfaitement du massacre, est Ă la fois poignant et dĂ©chirant. Le pari du cinĂ©aste est rĂ©ussi : on dĂ©couvre, on comprend, on apprend. Vous passerez forcĂ©ment un bon moment en le regardant, quitte Ă y verser une petite larme. đ
TambiĂ©n la lluvia : lâeau comme source de guerre
đđ» TambiĂ©n la lluvia est un film rĂ©alisĂ© par IcĂar BollaĂn, cĂ©lĂšbre rĂ©alisatrice espagnole. Il raconte lâhistoire dâune Ă©quipe de tournage arrivĂ©e Ă Cochabamba en Bolivie pour mettre en scĂšne leur prochain film. Sebastian et Costa, rĂ©alisateur et producteur, ont pour objectif de raconter lâhistoire de lâarrivĂ©e de Christophe Colomb en AmĂ©rique ainsi que la mise en esclavage des indigĂšnes. Retiens ça pour la suite, tu vas comprendre le parallĂšle qui sera fait tout au long de lâĆuvre.
Seulement lâĂ©quipe de tournage, ayant choisi la Bolivie pour des raisons de coĂ»ts (ironique lorsque lâon tourne un film qui traite de lâasservissement des peuples autochtones !), va rapidement se retrouver au cĆur dâun soulĂšvement populaire liĂ© Ă la privatisation de lâeau de la ville par Bechtel, une multinationale amĂ©ricaine. Les manifestations Ă©clatent alors, et gĂȘnent le tournage. Encore pire, le hĂ©ros quâa choisi Sebastian pour son film est aussi lâun des leaders des manifestations ! LâĂ©quipe de tournage se retrouve malgrĂ© eux au cĆur de la guerre de lâeau Ă Cochabamba.
Lâaccent est mis tout le long du film sur le parallĂšle entre lâĆuvre que tourne lâĂ©quipe de tournage, et le film dans lequel il se trouve : lâasservissement des premiers colons arrivant en AmĂ©rique nâest pas diffĂ©rent de celle des grosses compagnies faisant passer le prix de lâeau Ă un seuil impossible pour la majoritĂ© des habitants de Cochabamba.
đĄ Ces Ă©vĂ©nements se sont rĂ©ellement dĂ©roulĂ©s. « La Guerre de lâEau » est le nom donnĂ© aux violentes manifestations qui se sont dĂ©roulĂ©es Ă Cochabamba en 2000. Lâentreprise Bechtel a rĂ©ellement augmentĂ© le prix de lâeau Ă un seuil Ă©pouvantable pour la population. LâĆuvre est donc engagĂ©e et dĂ©montre que ce refoulement des citoyens dâAmĂ©rique Latine par les Etats-Unis continue encore.
đĄ Cette Ćuvre permet dâentrer en douceur dans des siĂšcles de relations unilatĂ©rales entre les Etats-Unis et lâAmĂ©rique Latine. Et câest franchement intĂ©ressant. De la doctrine Monroe en passant par la United Fruit Company ou encore la prise de pouvoir de Pinochet, les Etats-Unis ont toujours eu une influence sur lâAmĂ©rique Latine, pour le meilleur⊠et bien souvent pour le pire ! đ¶
LA GEOPOLITIQUE DANS LES ĆUVRES MUSICALESđ”
Lâinternationale : le chant rĂ©volutionnaire par excellence
Qui dit gĂ©opolitique au XXe siĂšcle dit bien entendu communisme et Guerre Froide. Tu connais sans doute le gros de ce sujet : les deux blocs, lâURSS, Les Etats-Unis, lâidĂ©ologie libĂ©rale et communiste⊠Mais connais-tu lâhistoire du communisme en France ? Savais-tu que le PCF (Parti Communiste Français) possĂ©dait un Ă©lectorat fort ? Etais-tu au courant que le PCF faisait partie du Kominform, le regroupement des Ătats et parti politique communistes ?
đđ» Incarnation du mouvement socialiste, lâInternational est pourtant nĂ© en 1871, Ă la suite dâune insurrection populaire qui a durĂ© pendant plus de deux mois Ă Paris. Loin dâĂȘtre restĂ© dans les frontiĂšres françaises, lâInternationale sâentend Ă travers le monde depuis plusieurs siĂšcles. Elle est un terreau propice pour le mouvement communiste : historique, facile Ă comprendre et ayant dĂ©jĂ fait ses preuves, lâInternationale rĂ©sonne aujourdâhui comme le chant des ouvriers prolĂ©taires en colĂšre. đĄ
LâInternationale servira mĂȘme dâhymne nationale Ă lâURSS entre 1922 et 1944 !
Que lâon se sente socialiste ou non, force est de constater que la force du mouvement rĂ©sonne dans cette musique. Cette musique est une bonne maniĂšre de dĂ©couvrir Ă la fois lâidĂ©ologie socialiste et son impact au XXe siĂšcle mais permet de dĂ©couvrir toutes les luttes qui ont prĂ©cĂ©dĂ© la Guerre Froide. Et autant dire que pour tout connaĂźtre, il va te falloir beaucoup de passion et de temps, mais le jeu en vaut la chandelle. đ
Hasta Siempre : révérence au Che
đĄ VĂ©ritable icĂŽne des rĂ©volutions, tu as forcĂ©ment entendu parler de Che Guevara. Sa tĂȘte est aujourdâhui absolument partout : t-shirt, mug et goodies en tout genre, drapeaux⊠il est lâune des plus grandes reprĂ©sentations de la lutte populaire, et Ă raison !
đđ» Effectivement, Che Guevara est lâun des « hĂ©ros » qui a permis lâimplantation du pouvoir communiste Ă Cuba. Je mets le terme hĂ©ros entre parenthĂšses car, bien entendu, sa perception change en fonction du camp. Je ne parlerai pas spĂ©cialement de lâhistoire de Cuba, câest suffisamment dense pour en faire un article peut-ĂȘtre un jour. Si cela tâintĂ©resse, je te mets quelques liens pour dĂ©couvrir cette belle (et parfois funeste) histoire.
đđ» Hasta Siempre est une chanson de Carlos Puebla qui a autant servi Ă la gloire du Che quâĂ diffuser Ă tort son dĂ©cĂšs⊠Cela ne semble pas clair ? Je vais tout t’expliquer !
En 1965, Che Guevara quitte Fidel Castro (le dictateur mis au pouvoir Ă la suite de la rĂ©volution cubaine) afin de continuer le combat communiste en Afrique, plus prĂ©cisĂ©ment au Congo. Il laissera une lettre dâadieu au peuple cubain, et demandera Ă Castro de la lire devant tout le peuple cubain. Cependant, Castro voyait le Che comme une potentielle gĂȘne pour la consolidation de son pouvoir sur Cuba. Il va donc lire la lettre, mais de maniĂšre Ă laisser sous-entendre la mort du Che, afin de rester le seul pilier solide de cette rĂ©volution. Carlos Puebla, ayant cru Ă la mort du Che, composera alors une musique Ă sa gloire Ă partir de sa propre mĂ©lancolie⊠et cela 2 ans avant la mort de Che Guevara !
đĄ Cette musique est donc la douce et lente souffrance lyrique dâun peuple qui a profondĂ©ment aimĂ© lâun de ses plus grands hĂ©ros. Une musique qui rĂ©sonne encore aujourdâhui, et qui possĂšde toujours du sens pour de nombreux pays dâAmĂ©rique Latine.
These boots are made for walking : Quand lâĆuvre est dĂ©tournĂ©e pour la guerre
đđ» Cette chanson de Nancy Sinatra nâest Ă proprement parler pas une rĂ©elle chanson qui traite de gĂ©opolitique, du moins ce nâĂ©tait pas son but initial.
La chanson parle dâune jeune fille refusant les avances dâun homme. Elle menace de le piĂ©tiner avec ses bottes. Difficile dây voir une analyse gĂ©opolitique ! Et pourtant, elle fut rĂ©utilisĂ©e dans un contexte⊠un peu particulier.
La chanson a Ă©tĂ© enregistrĂ©e en 1966. Nous sommes en pleine Guerre Froide. Les guĂ©rillas communistes Ă©clatent un peu partout mĂȘme si lâon est dans la pĂ©riode que lâon appela la DĂ©tente (du fait de la nette amĂ©lioration des relations diplomatiques entre le bloc soviĂ©tique et le bloc amĂ©ricain, sans quâil nây ait pour autant un arrĂȘtĂ© rĂ©el des compĂ©titions⊠au contraire !). Cette pĂ©riode est surtout pour les amĂ©ricains celle de la guerre du Vietnam, dĂ©faite mĂ©diatiquement cuisante en 1975. Ici, nous sommes en 66. Nous sommes donc en plein milieu de cette guerre. La fatigue des troupes se fait ressentir. Les mĂ©contentements augmentent. LâAmĂ©rique doit trouver des solutions pour garder le moral des troupes dans une guerre dans laquelle elle commence Ă sâembourber et qui est finalement plus difficile que prĂ©vu. La meilleure solution dans ce cas lĂ est trĂšs simple et tient en trois syllabes : PRO-PA-GANDE.
đĄ Lâutilisation des stars sera justement lâun de ces outils efficaces visant Ă soutenir lâeffort de guerre. La musique de Nancy Sinatra sera utilisĂ©e de nombreuses fois en tant que bande sonore dans les reportages et les films sur le Vietnam. Elle sera notamment utilisĂ©e dans Full Metal Jacket de Kubrick. Le film Ă©tant sorti en 1985, il ne sâagit pas lĂ de propagande spĂ©cifiquement mais on peut voir la place quâavait ce film Ă lâĂ©poque, Kubrick ne faisant rarement de places aux hasards dans ses films.
đĄ Bien entendu, Nancy Sinatra ira elle-mĂȘme chanter pour les soldats, directement au Vietnam.
Cette musique est assez reprĂ©sentative dâune Ă©poque assez singuliĂšre. La moindre petite allusion permettant dâenflammer le cĆur des peuples, et voici que la musique change de vocation, dĂ©tourne son propos, et finit par changer de sens dans lâimaginaire de tous.
We are the World : Quand les artistes sâengagent
đđ» « We are the world » est la chanson incontournable dâun disque Ă©crit en collaboration par Harry Belafonte et Lionel Richie. Lâobjectif de ce disque Ă©tait simple : venir en aide Ă lâEthiopie, qui connaĂźt une terrible famine au milieu des annĂ©es 1980. VĂ©ritable tube de lâĂ©poque, « We are the World » rassemble une quarantaine de stars amĂ©ricaines chantant pour rĂ©colter des fonds pour lâEthiopie (puisque les bĂ©nĂ©fices du disque iront au pays).
Michael Jackson, Billy Joel, Tina Turner, Stevie Wonder, Bob Dylan, Ray Charles⊠autant de grands noms qui ont offert leur voix pour la bonne cause.
đđ» Le single est certes trĂšs bon mais il prend tout son sens lorsque lâon retrace un peu lâhistoire de lâEthiopie Ă cette Ă©poque. Cette famine (qui est en rĂ©alitĂ© une double-famine qui sâopĂšre sur 2 ans) est Ă la fois un rĂ©sultat environnemental (Ă cause des faibles prĂ©cipitations de lâannĂ©e 1984) mais aussi et surtout un rĂ©sultat politique puisque la cause principale fut lâinsurrection du FLPT (Front de LibĂ©ration du Peuple du TigrĂ©, un groupe armĂ© social-dĂ©mocrate) et lâinsurrection du Front de LibĂ©ration Oromo (un groupe politique qui se base sur la reconnaissance de lâethnie Oromo en Ăthiopie) dans le Sud du pays.
đĄ LâĂ©conomie de lâEthiopie Ă©tait basĂ©e Ă 90% sur lâagriculture. Le peu de pluie de ces deux annĂ©es, couplĂ©es aux difficultĂ©s politiques, ont dĂ©couragĂ© les agriculteurs et mis Ă mal lâĂ©conomie. Les diffĂ©rentes offensives armĂ©es ont dĂ©truit les rĂ©coltes qui Ă©taient tout sauf abondantes. Les sĂ©cheresses Ă rĂ©pĂ©tition durant toute la prĂ©cĂ©dente dĂ©cennie expliquent pourquoi cette situation de famine a Ă©tĂ© aussi catastrophique mais il faut bien comprendre que câest avant tout la situation politique de lâEthiopie qui explique en grande partie la famine que connaissait le pays.
Tu lâas compris, cette chanson est une porte dâentrĂ©e Ă toutes les Ă©tudes gĂ©opolitiques sur les liens qui existent entre le dĂ©veloppement africain et la cause (et les consĂ©quences bien entendus) des nombreuses disettes et famines.
Cette idĂ©e selon laquelle la majoritĂ© des famines africaines ne sont uniquement que le rĂ©sultat du champs politique en Afrique est explicitĂ©e dans le livre de Sylvie Brunel : Famine et Politique (2002). TrĂšs intĂ©ressant, je te conseille vivement de lâavoir dans ta bibliothĂšque !
Sunday Bloody Sunday : La violence policiĂšres Ă son paroxysme
đđ» La cĂ©lĂšbre musique de U2 est dĂ©jĂ un bijou en elle-mĂȘme. Elle devient doublement plus apprĂ©ciĂ©e quand on connaĂźt lâhistoire derriĂšre. Sunday Bloody Sunday est une composition lyrique qui relate lâĂ©vĂšnement du 30 Janvier 1972 en actuelle Irlande du Nord. Cet Ă©vĂšnement est appelĂ© « Bloody Sunday » (le Dimanche sanglant) : durant une manifestation pacifique des droits civiques Ă Londonderry, 28 personnes ont Ă©tĂ© prises pour cible par lâarmĂ©e britannique.
On dĂ©nombre alors 14 morts et 14 blessĂ©s. Ce drame qui hante encore la mĂ©moire irlandaise est survenu durant la marche pacifique pour les droits civiques. Il faut savoir que le contexte Ă©tait trĂšs tendu en Irlande Ă cette Ă©poque. Les catholiques, minoritaires, Ă©taient discriminĂ©s. Cette discrimination conduira la NICRA (Association Irlandaise pour les Droits Civiques) Ă mener diverses marches et actions afin de promouvoir lâĂ©galitĂ© entre les catholiques discriminĂ©s, et les protestants majoritaires. Cette question sâest poursuivie sur plusieurs annĂ©es alors que les Ă©meutes se multipliĂšrent.
đĄ Cette question est Ă mettre en relation avec la crĂ©ation des deux Irlande (sud et nord) lors de leur sĂ©paration par la Guerre dâIndĂ©pendance Irlandaise en 1921. Câest dans ce contexte (Ă cela sâajoute le fait que Londonderry est une ville proche de la frontiĂšre entre les deux pays en tensions) que les revendications religieuses vont atteindre des proportions terribles. Le climat gĂ©nĂ©ral en Irlande, ainsi que les divers ordres et annonces des chefs de police Ă lâarmĂ©e vont propulser au rang de massacre une journĂ©e qui nâaurait dĂ» ĂȘtre quâune Ă©niĂšme manifestation.
đĄ La musique du groupe U2 est un hommage Ă la mĂ©moire des civils tuĂ©s ce jour. Il sâagit dâune dĂ©nonciation des violences policiĂšres en Irlande qui Ă©tait une honte nationale. Le groupe a su mettre les mots sur ce sentiment de gĂȘne qui collait Ă la peau de nombreux citoyens irlandais.
đĄ There’s many lost, but tell me who has won
Il y a beaucoup de pertes, mais dis-moi, qui a gagné ?
The trench is dug within our hearts
La tranchĂ©e est creusĂ©e dans nos cĆurs
And mothers, children, brothers, sisters
Et des mĂšres, des enfants, des frĂšres, des sĆurs
Torn apart
Ont chacun Ă©tĂ© dĂ©chirĂ©s đĄ
Gagne 4 points sur ta moyenne gĂ©nĂ©rale ! đ
En étant accompagné par un Sherpa, nos élÚves gagnent 4 points sur leur moyenne en un an.
LA GEOPOLITIQUE DANS LES ĆUVRES LITTĂRAIREđ
Si câest un homme : La dĂ©shumanisation des camps
đđ» Si câest un homme est un livre de Primo Levi qui retrace sa vie dans les camps de concentrations nazi. Il sâagit dâun rĂ©cit autobiographique, ce qui donne de la force Ă cette Ćuvre. Mais pourquoi avoir choisi ce roman en particulier ? Eh bien parce que son style dĂ©contenance et est assez intĂ©ressant Ă observer.
Jâaime beaucoup ce livre car sa forme colle parfaitement au message de fond que lâauteur essaie de nous faire passer. On a une Ćuvre dâĂ©poque qui arrive Ă faire comprendre ce quâĂ©taient les camps de concentration au-delĂ des mots⊠et de la maniĂšre la plus inattendue qui soit !
Le livre ne respire pas la vie. Par-lĂ , je veux signifier quâil nây a rien qui permet de discerner lâhumanitĂ© dans ce quâelle a de fort. La peine, la douleur, la terreur, lâhorreur : tout ceci correspond Ă des traits humains, et lâhorreur la plus absolue est une Ă©motion forte qui permet justement de dĂ©montrer la puissance de lâhumanitĂ©. Ce nâest pas ce que montrera Primo Levi.
đĄ Ce livre est la simple et froide description factuelle, presque mĂ©dicale, de ce quâĂ©tait lâincarcĂ©ration dans les camps. Ancien chimiste, Primo Levi savait analyser tout en plaçant la juste distance entre lui et son travail. Ce travail mĂ©canique et froid que nous a livrĂ© Primo Levi met rapidement mal Ă lâaise. HabituĂ© dĂšs la naissance Ă pleurer, crier et vivre la souffrance (autrement dit, Ă lâhumaniser), lâauteur nous offre la parfaite et dĂ©rangeante description du gĂ©nocide juif. Aussi mĂ©canique que la bureaucratie nazie, aussi inhumain que les camps de la mort, Primo Levi rĂ©duit son essence et celle de ses compagnons aux morceaux de chair et Ă la force de travail quâils reprĂ©sentaient. Cela met en lumiĂšre cette perte dâhumanitĂ©, aussi bien chez les nazis que chez les prisonniers.
đĄ Câest une Ćuvre Ă lire dans sa vie, ne serait-ce quâune fois. Elle apporte un autre regard que celui que lâon a habituellement. A la pitiĂ© et la tristesse, Primo Levi choisit lâindiffĂ©rence qui nous scandalise. đĄ
When the Emperor was divine : A la dĂ©couverte dâune AmĂ©rique mĂ©connue
đđ» Si je te dis Seconde Guerre Mondiale, racisme et camps, Ă quoi penses-tu ? Hitler ? Les Nazis ? Et si je te disais quâil sâagissait aussi de lâAmĂ©rique !
Loin dâĂȘtre des camps de la mort, les Etats-Unis avaient effectivement construit des camps afin de regrouper toute la population dâorigine japonaise du pays. A la suite de lâattaque sur Pearl Harbor le 7 dĂ©cembre 1941, un rapport affirmait que les AmĂ©ricains d’origine japonaise Ă©taient « inassimilables » et quâil fallait les dĂ©porter pour la sĂ©curitĂ© globale du pays. Et câest parfaitement ce qui a Ă©tĂ© fait : prĂšs de 120 000 ressortissants dâorigines japonaises furent dĂ©portĂ©s et internĂ©s dans des camps de relogements sordides.
đđ» When the Emperor was divine est un roman de Julie Otsuka. Il sâagit dâun rĂ©cit qui sâinspire en grande partie de son histoire familiale. MĂȘme si elle ne lâa pas vĂ©cu, elle a rĂ©ussi Ă parfaitement retranscrire ce dĂ©nuement provoquĂ© par lâinternement forcĂ© des AmĂ©ricains dâorigines japonaises dans les annĂ©es 40. On y suit lâhistoire dâune mĂšre de famille et de ces deux enfants qui, du jour au lendemain, doivent quitter leur domicile pour monter dans un train partir vivre dans des camps spĂ©cialement conçus pour les accueillir avec le strict minimum. La famille va connaĂźtre le racisme des citoyens, la prĂ©caritĂ© malgrĂ© leur relative richesse avant les Ă©vĂšnements, lâemprisonnement du pĂšre Ă cause de ses origines et surtout le difficile retour Ă la vie normale, alors que leur maison est devenue un squat oĂč tous les objets de valeurs ont disparu.
đĄ Il sâagit dâun roman historique qui marque au fer une AmĂ©rique qui a connu la division et le racisme dans lâurgence de la Seconde Guerre mondiale. Une AmĂ©rique victorieuse, mais qui nâaura pas Ă©tĂ© exempte de tout scandale. Julie Otsuka lance un appel Ă la reconnaissance des erreurs qui ont Ă©tĂ© commises envers une partie de la population, et au nom de la sĂ©curitĂ© nationale.
Chaque chapitre nous plonge dans ces petits moments anodins qui, mis bout Ă bout, reprĂ©sente lâexĂ©crable ambiance qui rĂ©gnait alors. Une famille qui sâest appauvrie et dont les enfants tentent de sâaccrocher au moindre symbole pouvant leur rappeler leur pĂšre ou leur vie normale, voilĂ ce quâa aussi Ă©tĂ© lâAmĂ©rique de la Seconde Guerre.
Me Llamo Rigoberta Menchu : La véritable vie des indiens
đđ» Me Llamo Rigoberta Menchu est un livre traitant de la vie des indiens actuels en AmĂ©rique. Son auteure Rigoberta Menchu (il sâagit bien entendu dâune autobiographie) a reçu le prix Nobel de la paix en 1992 pour ses nombreuses luttes en faveur des peuples autochtones. Cette leader indigĂšne nâest pas n’importe qui, bien au contraire.
đĄ Cette Ćuvre explique en grande partie les mĆurs de la communautĂ© indigĂšne que connaĂźt Rigoberta Menchu ainsi que sa prise de conscience et sa lutte pour son Ă©mancipation.
đĄ Elle a rapidement compris lâexploitation des Espagnols envers son peuple et nâa eu de cesse de chercher comment lutter activement pour retrouver sa souverainetĂ© perdue il y a longtemps. Cette autobiographie relate et fait dĂ©couvrir la vie des peuples exploitĂ©s en AmĂ©rique Latine. Le roman raconte comment le combat se mĂšne sur le terrain, et comment il est rĂ©primĂ©. Son frĂšre est torturĂ© et brĂ»lĂ© vif devant sa propre famille. Sa mĂšre est elle-aussi torturĂ©e et mutilĂ©e Ă vie. Bref, Rigoberta Menchu nous montre ce que câest rĂ©ellement quâĂȘtre indien au XXe et XXIe siĂšcle.
đđ» Elle a luttĂ© toute sa vie, et ce livre est un tĂ©moin quâelle donne au reste de lâhumanitĂ©. Il sâagit dâune voix diffĂ©rente, qui montre lâAmĂ©rique Latine de lâintĂ©rieur. Ce ne sont pas les Ă©crits dâun homme blanc qui exploite le paysan. Ce nâest pas le rĂ©cit fantasmĂ© dâun occidental imaginant la difficile vie des indiens. Il sâagit dâune femme qui fait partie de ce monde, qui lâa vĂ©cu et apprĂ©hendĂ©. Il sâagit dâune femme qui dĂ©crit son entourage, son peuple et ses tortionnaires avec toute lâardeur que lui donne son combat et sa personnalitĂ©.
Persepolis : LâIran aprĂšs le Chah
Persepolis est une cĂ©lĂšbre BD autobiographique de Marjane Satrapi. Le film a permis une trĂšs grande reconnaissance de cette Ćuvre, mais je lâaborderai sous sa forme littĂ©raire.
đđ» Marjane Satrapi, franco-iranienne, invite le spectateur dans son passĂ© en Iran. Encore enfant, elle a vĂ©cu la transformation de la sociĂ©tĂ© Iranienne. De la chute du Chah jusquâĂ la mise en place de la rĂ©pression des symboles occidentaux par la Charia, nous suivons alors lâhistoire dâune ado dans la fleur de lâĂąge de la rĂ©bellion. Ses doutes, ses peurs, sa difficultĂ© Ă percevoir correctement lâavenir, son affirmation en tant que femme qui se retrouve inhibĂ©, ses dĂ©sirs, Marjane Satrapi nous fait dĂ©couvrir comment elle a apprĂ©hendĂ© lâarrivĂ©e des extrĂ©mistes Ă la suite de la rĂ©volution de 1979.
Ce film est une trĂšs belle maniĂšre de prendre connaissance des Ă©vĂ©nements qui ont secouĂ© lâIran durant le XXe siĂšcle. Tu ne le sais peut-ĂȘtre pas, mais lâIran a Ă©tĂ© lâun des pays les plus progressistes du monde musulman, avec la Turquie ! Il Ă©tait mĂȘme lâun des prĂ©curseurs en matiĂšre dâĂ©galitĂ© des sexes. Le pouvoir dans les mains de Mohammad Reza Pahlavi, dernier Chah dâIran (titre portĂ© par le roi iranien), fut dĂ©robĂ© Ă la suite de la RĂ©volution Iranienne de 1979. Cette RĂ©volution a mis au pouvoir les islamistes. LâIran devient une RĂ©publique Islamiste, et certaines lois liberticides sont imposĂ©s. Pour la femme, il sâagit dâune rĂ©gression considĂ©rable. Marjane Satrapi va vivre cette injustice qui, du jour au lendemain, lui imposera le voile intĂ©gral, la soumission au mari ou encore lâinterdiction dâĂ©couter de la musique Rock.
đĄ Si tu veux regarder le film, tu peux totalement. Que tu choisisses le cinĂ©ma ou la BD dans les deux cas, tu passeras un trĂšs bon moment devant cette Ćuvre. đ
Les hirondelles de Kaboul : LâAmour et lâAfghanistan
Tout comme Persepolis et Timbuktu, les hirondelles de Kaboul montre le monde musulman sous la Charia. Pourquoi lâavoir choisi alors ? Eh bien pour deux raisons principales:
đđ» La premiĂšre est le fait que cette Ćuvre, Ă©crite par Yasmina Khadra, montre la Charia vĂ©cu dans un autre pays encore. Timbuktu raconte la Charia au Mali, Persepolis en Iran, et Les hirondelles de Kaboul en Afghanistan. On peut dĂšs lors observer des similaritĂ©s et des diffĂ©rences, ce qui permet de croiser les sources, renforcer son idĂ©e sur la question et affiner sa connaissance sur le sujet.
đđ» De plus, le sujet va se traiter diffĂ©remment et nous faire voir de nouvelles choses. Lâamour sera au cĆur du livre. Un amour rendu plus difficile (voire impossible) avec la Charia. Je ne raconterai rien particuliĂšrement sur la trame principale, mais je te recommande chaudement de le lire. En plus de cela, lâĆuvre explique certains principes dâeffet de groupe qui sont assez importants Ă connaĂźtre : lâĆuvre dĂ©bute sur lâun des personnages principaux, Mohsen, qui participe Ă une lapidation publique. DĂ©goutĂ© de ce quâil a fait, il nâa pourtant pas pu sâempĂȘcher, dans la folie gĂ©nĂ©rale, de jeter lui aussi une pierre contre une femme Ă moitiĂ© enterrĂ© dans le sol.
đĄ Ce livre raconte la honte et le dĂ©goĂ»t que procure certaines lois islamiques envers la condition des femmes. Mohsen, trĂšs amoureux de Zunaira sa femme, se sentira humiliĂ© et honteux de ne pas pouvoir empĂȘcher les autoritĂ©s de placer sa femme sur un rang infĂ©rieur au sien. La honte, la colĂšre, la rĂ©volte⊠tout ceci est exacerbĂ© dans ce roman par lâamour. Câest cette Charia qui compromet l’amour qui est dĂ©noncĂ© dans ce roman. Et câest lâune des principales raisons qui doit te pousser Ă aller le lire de ce pas.
đĄ Si tu es fĂąchĂ© avec la lecture, pas de panique ! Le film existe ! đ
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LA GEOPOLITIQUE DANS LES ĆUVRES PICTURALESđŒïž
David OlĂšre et les inaptes au travail : Quand on ne peut mettre des mots, on y met des images
đđ» Le style assez morbide de David OlĂšre en dĂ©range encore aujourdâhui plus dâun, et Ă raison ! Ce peintre nâaura pas fait quâimaginer lâhorreur quâil mettra sur ses diffĂ©rentes Ćuvres puisquâil les aura rĂ©ellement vĂ©cues. En tant que peintre juif, David OlĂšre fut dĂ©portĂ© au camp dâAuschwitz entre 1943 et 1945. Puisquâil avait une assez bonne consistance, il trouva (tout comme Primo Levi) du travail sur le camp ce qui lui permit dâĂ©viter les chambres Ă gaz. Son travail consistait, pendant les deux annĂ©es quâil a passĂ©es Ă Auschwitz, Ă se dĂ©barrasser des cadavres des chambres Ă gaz. Tu commences Ă comprendre pourquoi les dĂ©tails sont aussi rĂ©alistes. Câest la vĂ©ritable mort qui hante chacun des tableaux du peintre, celle de tous les ĂȘtres quâil aura vu passer entre ses mains. En tant que tĂ©moin, David OlĂšre sâest donnĂ© pour mission dâĂ©tendre sa vision des camps grĂące Ă sa technique et au rĂ©alisme de ses Ćuvres.
Il s’agit d’une oeuvre trĂšs souvent analysĂ© en 3e dans le cadre de l’histoire des arts, voici une analyse assez sommaire du tableau.
La Guerre dâOtto Dix : Lâenfer sur Terre
đđ» Otto Dix est un peintre expressionniste Allemand. Ayant reçu une formation militaire et ayant combattu durant de nombreuses campagnes au XXe siĂšcle, il sera profondĂ©ment marquĂ© par lâhorreur de la mort. Sous le rĂ©gime nazi, il est lâun des premiers professeurs dâart Ă ĂȘtre renvoyĂ©. Ses Ćuvres sont dĂ©clarĂ©es comme Ă©tant « dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es » et il sera enfermĂ© pendant deux semaines par la Gestapo. Il fut obligĂ© de participer Ă la Seconde Guerre Mondiale et sert sur le front Occidental. Il sera capturĂ© par les Français en Alsace.
đĄ Son Ćuvre La Guerre prend la forme dâun triptyque, câest-Ă -dire une Ćuvre peinte en trois diffĂ©rents « panneaux » reprĂ©sentant chacun une partie diffĂ©rente dâun mĂȘme tout. La forme en triptyque a pris son essor initialement dans un cadre religieux en Europe dĂšs le XIIe siĂšcle. Otto Dix utilise les modĂšles de la religion dans lâune de ces plus macabres peintures. LâĆuvre possĂšde en rĂ©alitĂ© 4 parties, comme de nombreux triptyques, puisquâelle possĂšde une prĂ©delle, une partie infĂ©rieure servant gĂ©nĂ©ralement de support. Cette prĂ©delle est intelligemment utilisĂ©e par Otto Dix comme lâemplacement dâun cercueil.
đĄ Ce triptyque doit ĂȘtre analysĂ© de maniĂšre temporelle. La partie Ă gauche reprĂ©sente lâarrivĂ©e au front par les soldats. La partie centrale est une illustration du champ de bataille qui est habitĂ© par la mort et la dĂ©solation. La partie de droite correspond au retour des survivants, bien amochĂ©s.
Si tu souhaites connaĂźtre un peu mieux ce tableau, je te conseille de jeter un oeil Ă l’analyse qui en a Ă©tĂ© faites ici
Lâarsenal. La distribution des armes : amour, communisme et talent
đđ» Difficile de parler de peinture politique et dâamour sans mentionner Diego Rivera et Frida Kahlo. TrĂšs cĂ©lĂšbres peintres mexicains, ils jouissent dâune vĂ©ritable reconnaissance internationale. Ils ont vĂ©cu la RĂ©volution Mexicaine entre 1910 et 1920 contre Porfirio Diaz, dictateur depuis 1876. Ils ont tous les deux fui le pays pour revenir en 1921, continuant le combat et crĂ©ant des Ćuvres Ă vocation plus ou moins politique. Celle dont je vais te parler est justement lâune d’entres elles.
đĄ On peut voir sur cette peinture Frida Kahlo et Diego Rivera, militant ensemble et distribuant des armes aux peuples. Les faucilles et les marteaux sur drapeaux rouges nous indiquent bien entendu de quel bord sont Rivera et Kahlo. LâĆuvre a Ă©tĂ© peinte en 1928.
Cette Ćuvre est une invention de la part de Diego Rivera, puisquâil nâa pas participĂ© Ă la rĂ©volution mexicaine (il se trouvait en Europe). Cependant, il est attachĂ© au parti communiste et conçoit des Ćuvres Ă la gloire des rĂ©voltes et des travailleurs.
Le contexte politique est important Ă connaĂźtre. Plus que la RĂ©volution Mexicaine, il sâagit aussi de la rĂ©volution russe de 1917, lorsque le communiste reprit le pays aux mains du Tsar. Ce nâest donc pas tant une image de la RĂ©volution Mexicaine quâune Ćuvre vouĂ© Ă montrer le combat dâune vie, celui du communisme contre la structure capitalistique profondĂ©ment inĂ©gale.
đđ» Pour aller plus loin, il est important de mentionner que Diego Rivera est lâun des prĂ©curseurs du muralisme qui est nĂ© au Mexique. Il sâagit dâun style de conception dâĆuvre picturale reprenant lâidĂ©e de la fresque murale que lâon offre au peuple. Câest un style de peinture teintĂ© dâidĂ©ologie. Plus encore, le principe du muralisme garde un cĂŽtĂ© un peu traditionnel qui vante la culture et la tradition prĂ©colombienne. Ce mix parfait entre rĂ©volution politique et rĂ©appropriation de sa culture traditionnelle explique lâessor de ce style et son ancrage avec le monde qui lâentoure.
Rappelle-toi quâun style ne naĂźt jamais sans aucune raison. C’est le cheminement des pensĂ©es des hommes. Un style apparaĂźt chaque fois que lâart est en dĂ©faut pour exprimer une nouvelle sensation. Câest pour cela que les atrocitĂ©s des Guerres du XXe siĂšcle ont amenĂ© lâessor de lâexpressionnisme et du surrĂ©alisme. Câest pour cela que les injustices et la modification profonde des rapports entre les hommes ont fait naĂźtre le primitivisme chez Basquiat par exemple. La culture et la politique de lâAmĂ©rique Latine au dĂ©but du XXe siĂšcle expliquent parfaitement les choix esthĂ©tiques de Diego Rivera et de Frida Kahlo dans leur combat pour le communisme.
De mĂȘme que pour les prĂ©cĂ©dents tableaux, voici une analyse que l’on peut retrouver facilement sur internet.
Guernica : lâengagement contre le Franquisme
đđ» Je vais te parler de lâun des tableaux les plus connus de lâun des peintres les plus connus, donc je me doute que tu dois potentiellement le connaĂźtre, et peut-ĂȘtre mĂȘme que tu lâas Ă©tudiĂ© ! CâĂ©tait mon cas en 3e, mais un petit rappel ne fait jamais de mal.
Pablo Picasso est un peintre du XXe siĂšcle, immensĂ©ment connu et qui a créé son propre style : le cubisme. Il a montrĂ© ses talents en peinture bien avant de crĂ©er le cubisme. La Celestina, par exemple, est une Ćuvre de Picasso dĂ©montrant sa technique.
đĄ Picasso est un peintre Espagnol qui a connu les combats visant le retour de la RĂ©publique, puis la Guerre Civile (1936-1939) et le rĂ©gime dictatorial de Franco. Câest un peintre qui a Ă©tĂ© marquĂ© par la Guerre et les massacres dans son pays. Guernica, lâune de ses Ćuvres majeures, est justement la reprĂ©sentation de cette lutte contre la violence. Il sâagit dâune Ćuvre engagĂ©e qui dĂ©nonce les horreurs du nazisme et du franquisme. En effet, le 26 avril 1937, lors de la Guerre dâEspagne, la ville de Guernica fut bombardĂ©e par les troupes nazies sous les ordres des nationalistes espagnols. Ce tableau est donc une initiation vers une Ă©poque tourmentĂ©e oĂč les arts pouvaient servir de relais Ă la dĂ©nonciation et au combat des idĂ©ologies mortifĂšres.
« La peinture n’est pas faite pour dĂ©corer les appartements ; c’est une arme offensive et dĂ©fensive contre l’ennemi »
Pablo Picasso, Ă propos de Guernica
Clique ici si tu veux une analyse assez complĂšte de l’oeuvre de Picasso
The Problem We All Live With : le racisme Ă lâĂ©preuve du XXe siĂšcle
đđ» Nous nâavons que peu montrĂ© dâĆuvres en rapport avec le racisme anti-noir, et pourtant il sâagit dâun fait majeur du XXe siĂšcle. Le rapport Ă lâautre, notamment Ă cet autre « noir » qui nâa dâĂ©tranger que sa couleur de peau, a grandement Ă©voluĂ© durant la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle et aujourdâhui. Câest pourquoi je pense quâil est important de parler du cĂ©lĂšbre tableau « The Problem We All Live With » de Norman Rockwell.
Ce tableau est un symbole et met en lumiĂšre un fait historique qui sâest rĂ©ellement dĂ©roulĂ©. Il reprĂ©sente la petite afro-amĂ©ricaine de 6 ans Ruby Bridges se rendant pour la premiĂšre dans une Ă©cole frĂ©quentĂ©e par des enfants blancs en 1960. Tu nâes pas sans savoir quâĂ une Ă©poque les Noirs et les Blancs Ă©taient sĂ©parĂ©s aux Etats-Unis : on nomme cette pĂ©riode la sĂ©grĂ©gation. Ce tableau ne porte pas spĂ©cifiquement sur cette pĂ©riode. Il traite en rĂ©alitĂ© de la pĂ©riode oĂč le processus de dĂ©sĂ©grĂ©gation fut mis en place.
đĄ On peut voir la petite Ruby Bridges escortĂ©es par des adjoints du Marshal (un Ă©quivalent de shĂ©rif) de la ville. On comprend rapidement quâil sâagit dâune protection nĂ©cessaire : la tomate jetĂ©e sur le mot et les lettres N I G G E R nous le font rapidement comprendre. Elle nâest pas la bienvenue. Et pourtant, son intĂ©gration est cruciale pour la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine.
đĄ Ce tableau est donc une porte dâentrĂ©e vers toute la complexitĂ© que fut la question noire aux Etats-Unis et qui, encore aujourdâhui, continue de poser problĂšme. Si tu veux en savoir plus, tu trouveras des informations utiles dans notre article sur Trump et sa politique intĂ©rieure
Voici une petite analyse type histoire des arts sur cette peinture de Norman Rockwell