Tu l’as très probablement apprise par cœur à l’école primaire, ou du moins tu la reconnais dès ses premiers vers. Mais as-tu réellement pris le temps d’analyser complètement La Cigale et la Fourmi ? C’est ce qu’on te propose aujourd’hui. Prêt ? C’est parti ! 🐜
Fiche d’identité
Titre | La Cigale et la Fourmi |
Auteur | Jean de La Fontaine |
Date de publication | 1668 |
Genre | Fable (apologue) |
Recueil | Livre I des Fables de La Fontaine |
Il s’agit de la toute première fable du premier recueil de Jean de La Fontaine, l’un des poètes français du XVIIème siècle les plus connus. Ce recueil est composé de 22 fables dédicacées au Dauphin (âgé de six ans à l’époque), fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche.
C’est d’ailleurs dans ce recueil que l’on retrouve ses fables les plus célèbres (Le Corbeau et le Renard, La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf, etc.) !
À lire aussi
Pour en savoir plus sur le premier recueil des Fables de La Fontaine : lis ici notre fiche de lecture sur Le Loup et l’Agneau !
Résumé de la fable 📝
La Cigale a passé tout son été à chanter : elle n’a donc pas cherché à faire des provisions pour l’hiver ! En quête de nourriture, elle se rend chez sa voisine la Fourmi ; celle-ci a travaillé tout l’été, et a de quoi se nourrir pendant la saison froide. 😋
La Cigale lui demande peu, et promet de la dédommager avant l’été prochain. Mais la Fourmi reste insensible à son discours et refuse de lui venir en aide. 🙅
Si tu dois dégager les principaux mouvements du texte, voilà ce que l’on te propose :
Vers 1 à 6 | La Cigale démunie pour l’hiver |
Vers 7 à 14 | L’appel à l’aide de la Cigale |
Vers 15 à 18 | La Fourmi égoïste et sceptique |
Vers 19 à 22 | Le refus moqueur de la Fourmi |
Lexique 📌
La bise : l’hiver
Vermisseau : un petit ver
Intérêt : rémunération de l’emprunteur au prêteur
Principal : somme empruntée
Oût : mois d’Août
À tout venant : à quiconque se présente, à n’importe qui
Être fort aise (de) : se réjouir (de)
Une lecture vivante et dynamique 💫
La disposition des rimes 🎵
Vers 1 à 14 | Rimes suivies (AABB) |
Vers 15 à 22 | Rimes embrassées (ABBA) |
Jean de la Fontaine a choisi des rimes suivies et embrassées… de quoi varier les plaisirs ! En plus, cela rend le texte plus dynamique. 🏃
À lire aussi
Tu veux en savoir plus sur le genre littéraire de la poésie ? On vient tout juste d’écrire un article dessus !
L’omniprésence de l’heptasyllabe 7️⃣
Tout au long de la fable, les vers sont en heptasyllabes : cela signifie qu’ils sont composés de sept syllabes. On te donne ici un exemple :
Elle alla crier famine
Elle al-la cri-er fa-mine
Ces heptasyllabes rendent le récit plus vivant et rapide. Une seule exception : le deuxième vers composé de trois syllabes (appelé aussi trisyllabe). Le complément circonstanciel de temps permet d’accélérer le rythme encore plus.
Tout l’été,
À lire aussi
Haiku, sonnet… Découvre notre article sur les formes poétiques !
L’utilisation du discours direct 💬
Dans la première partie de la fable (les 11 premiers vers), La Fontaine utilise le discours indirect. Puis, hop, il utilise le discours direct ! Le dialogue entre les deux insectes dynamise le texte. Ils enchaînent les répliques avec de courtes phrases, comme dans une saynète. 🎭
🤔 C’est quoi une saynète ?
Il s’agit tout simplement d’une courte pièce de théâtre comique ; elle comprend un nombre très limité de personnages. Un sketch, quoi !
Besoin d’un prof particulier de français ? ✨
Nos Sherpas sont là pour t’aider à progresser et prendre confiance en toi !
Deux figures antagonistes ❌
T’es plutôt team Fourmi ou team Cigale ? Pour mieux comprendre chaque protagoniste, on te les présente ici, bien en détail : 🔍
La cigale oisive (mais altruiste) 🤗
Aaah la Cigale… Par où commencer ?
Déjà, la Cigale est une artiste. Dès les premiers vers, l’allitération en « t » et la rime en « é » donnent un caractère chantant à la description de l’insecte. 🎶
Mais en raison de son insouciance, la réalité finit par la rattraper rapidement :
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
👉 Le champ lexical de la pauvreté accentue sa condition précaire : « dépourvue » (vers 3), « pas un seul petit morceau » (v. 5), « crier famine » (v. 7), « subsister » (v. 10)… la situation est critique ! 😬
👉 L’auteur insiste bien sur l’absence de nourriture : la Cigale est « fort dépourvue » (hyperbole au vers 3) et ne trouve « pas un seul petit morceau » (négation au vers 5) à se mettre sous la dent.
👉 La Cigale revoit en plus ses attentes à la baisse : il n’y a pas de « mouche » (v. 6), alors autant manger du « vermisseau » (v. 6)… mais pas moyen de s’en procurer ! Elle va donc quémander « quelque grain » (v.10) auprès de sa voisine la Fourmi ; mais comme tu peux le constater, elle n’en demande pas plusieurs, mais un seul (utilisation du singulier). ☝️
👉 Par la périphrase « cette emprunteuse » (v. 18), la Cigale est réduite à sa situation de nécessiteuse. Bref, on la perçoit sous le regard péjoratif de la Fourmi. 😒
🪞 Un parallèle avec le mécénat
Depuis l’Antiquité, il est courant que des personnes riches fassent du mécénat : par générosité (et intérêt pour l’art), elles soutiennent financièrement des artistes dans le besoin. En demandant à la Fourmi de la nourriture pour subsister, la Cigale ressemble donc à un artiste ayant besoin d’un mécène, ce qui la met en situation d’infériorité. Bon, après, la Fourmi n’a pas l’air très convaincue…
Mais la Cigale, considérée jusque-là comme négligente et dépensière, est également pourvue de certaines qualités. 😊
👉 Elle fait preuve de politesse avec la Fourmi, en lui demandant respectueusement de l’aide (« La priant de lui prêter » au vers 9). Elle demande peu et s’engage à la rembourser avant l’été prochain (« Je vous paierai, lui dit-elle, / Avant l’Oût, foi d’animal, / Intérêt et principal. » des vers 12 à 14 ). 💰
👉 Par ailleurs, elle est présentée comme altruiste. Bien qu’elle soit regardée comme paresseuse, la Cigale n’hésite pas à partager son chant avec les autres : « — Nuit et jour à tout venant / Je chantais (…), » (v. 19-20). Son oisiveté n’est donc pas de la pure paresse : elle tire parti de la période estivale pour développer sa créativité et s’échapper de la réalité. 🎨
La Fourmi prévoyante (mais égoïste) 🤫
Elle, c’est la pro de l’organisation. Incarnation du monde réaliste, elle vit par le travail et l’économie. Et ça, la Cigale le sait avant même de frapper à sa porte !
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La Fourmi a donc la réputation d’être une bosseuse hors pair. Cela la place en position de force. Pourtant, elle n’est pas si irréprochable…
👉 En effet, elle a un vice : l’égoïsme. Cela rappelle bien le comportement de l’Avare qui refuse de dépenser et partager ses biens. D’ailleurs, la pièce de théâtre homonyme de Molière est sortie la même année, en 1668 !
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
👉 Dans les vers cités ci-dessus, le ton du fabuliste est presque satirique (« C’est là son moindre défaut. » au vers 16) : ne pas être « prêteuse » (v. 15), est-ce son plus petit défaut ? Si oui, c’est quand même un gros petit défaut… 🤔
💡 L’adjectif « prêteuse » (v. 15) rime avec l’adjectif « emprunteuse » (v. 18) qui désigne la Cigale. Cela permet de bien mettre en avant l’opposition des deux personnages !
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
(…)
— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Dansez maintenant. »
👉 Quand vient le dialogue entre les deux protagonistes, la Fourmi enchaîne les questions rhétoriques ; elle connaît très bien la réponse de la Cigale mais souhaite simplement l’humilier en lui faisant avouer ses torts.
« Vous chantiez ? » (v. 21) fait directement écho à la réponse de la Cigale (« Je chantais » au vers 20). L’humiliation se poursuit par la suite avec ses propos ironiques et moqueurs (« J’en suis fort aise. / Eh bien ! Dansez maintenant. » des vers 21 et 22). On peut également noter que l’impératif « Dansez maintenant » (v. 22) clôt la discussion : la fable s’achève sur les paroles de la Fourmi, sur un ton autoritaire. 😤
Des comportements typiques de l’être humain 🧍
Si on devait résumer tout ce qu’on a dit, ça donnerait ça :
Cigale | Fourmi |
---|---|
Oisiveté | Travail |
Partage | Égoïsme |
Univers artistique | Univers économique et matérialiste |
Dépense | Épargne |
Tu l’as bien compris, les deux insectes représentent différents archétypes humains. Comme le dit un certain Jean de la Fontaine (cet homme te dit quelque chose, n’est-ce pas ? 😉) :
Je me sers d’animaux pour instruire les hommes
Jean de La Fontaine (1621-1695)
Poète et fabuliste français
Les deux protagonistes de la fable ne sont pas là par hasard : en utilisant des animaux anthropomorphes, La Fontaine met en scène des comportements existants. Cela explique déjà pourquoi la « Fourmi » et la « Cigale » ont des majuscules à leurs noms : les noms communs deviennent noms propres (comme des prénoms !) ; les personnages sont humanisés. 👫
Le lecteur va pouvoir mieux comprendre la critique faite sur la société et sur les défauts humains : en prenant de la distance, il peut tirer une leçon de l’apologue. 📝
À lire aussi
C’est quoi la poésie engagée ? Lis notre article pour le savoir 😉
Une morale implicite et ambiguë 🤔
Pas de bol : la morale n’est pas explicite. Il va falloir se creuser un peu la tête pour déchiffrer le message de l’auteur !
🧐 C’est normal ça, pas de morale ?
La fable est un apologue, un court récit visant à donner un enseignement au lecteur. Dans une grande partie des fables, une morale claire et explicite est indiquée en début ou en fin de texte. Le récit vise à l’illustrer. Ici, ce n’est pas le cas. Elle est remplacée par une chute, avec la Fourmi ayant le dernier mot : « — Vous chantiez ? J’en suis fort aise. / Eh bien ! Dansez maintenant. » (v. 21-22).
Il n’est pas facile de savoir quelle est la véritable leçon à retenir, vu l’ambiguïté du texte. À l’école primaire, on a tendance à faire apprendre aux enfants que la Fourmi a raison, alors que la Cigale est en tort : il faut travailler et prévoir l’avenir, ne pas trop rêvasser dans le moment présent. 💭
Évidemment, c’est plus compliqué que ça.
👉 La Fontaine ne prend pas parti dans son récit : difficile de distinguer le bon du mauvais comportement. Le lecteur doit donc formuler lui-même la morale, en interprétant librement le texte. 🧐
Comme on l’a vu plus tôt, la Fourmi est effectivement travailleuse. Mais elle est aussi égoïste. Son principal défaut, le fait de ne pas être « prêteuse » (v.15), la dévalorise. Son ton moqueur (« Eh bien ! Dansez maintenant. » au vers 22) contribue également à renforcer la mauvaise image qu’on a d’elle.
Quant à la Cigale, certes, elle fait preuve d’oisiveté et n’anticipe pas les difficultés de la saison froide, mais elle témoigne d’une plus grande générosité que sa voisine, en partageant son art du chant avec les êtres qu’elle rencontre. Et, cela, « nuit et jour » (v. 19) !
Peut-être que La Fontaine n’a pas explicité sa prise de position, mais il semble avoir un regard plutôt bienveillant envers la Cigale. Pas étonnant : il est tout autant artiste qu’elle !
Mais encore une fois, ce n’est qu’une interprétation parmi tant d’autres. Il ne s’agit pas de mettre les deux insectes dans des cases figées ! On peut interpréter les personnages à notre guise, en bien comme en mal.
💡 Le savais-tu ?
Jean de La Fontaine s’est inspiré de la fable d’Ésope (moraliste du VII-VIème siècle avant J.-C.) pour écrire sa fable. Mais contrairement au fabuliste français, Ésope énonce une morale claire et explicite : « Cette fable montre qu’en toute affaire il faut se garder de la négligence, si l’on veut éviter le chagrin et le danger. ». Pas de doute, la cigale est en tort dans cette version. Elle n’a plus qu’à danser pour ne pas avoir des fourmis dans les jambes ! 😉
Ton premier cours particulier de français est offert ! 🎁
Tous nos profs sont passés par les meilleures écoles de France !
Quelques anecdotes 🥸
Des détournements de la fable 😜
Au fil des époques, la plus célèbre des fables françaises s’est retrouvée maintes fois remaniée et parodiée. On te partage ici quelques exemples de détournements :
- La parodie de Pierre Perret : Perret modifie le registre de langue en utilisant l’argot contemporain et le langage familier. Cela modernise le récit, tout en changeant totalement le ton de la fable 😉
Extrait
La Fourmi qui était sa voisine
Avait de tout, même du caviar
Malheureusement cette radine
Lui offrit même pas un carambar
- Fable électorale de Roland Bacri : par le remaniement du vocabulaire et du contexte du récit, Bacri critique certains problèmes politiques actuels, tel que le « trou » de la Sécurité Sociale. Et ici, la Cigale est candidate à une élection ! 🗳
La cigale ayant chanté tout l’été
Son programme à satiété
Se trouva fort dépourvue
Quand l’élection fut venue.
Pas un seul petit morceau
Prévu dans son bel canto.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi à l’usine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour affronter
La conjoncture nouvelle.
« Voyez mes trous ; lui dit-elle
De Sécu, de Crédit Lyonnais
Dans quelle chienlit on est !
Je vous rendrai l’abondance
Au premier temps de croissance
Trois quatre ans, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La fourmi n’est pas prêteuse,
C’est là son moindre défaut :
« Que faisiez-vous au temps show
D’élection si prometteuse ?
– Nuit et jour à tout venant,
Je chantais « La Marseillaise »,
– Vous chantiez ? j’en suis fort aise :
Présidensez maintenant ! »
À lire aussi
Apprends tout sur les différents systèmes électoraux dans le monde !
- Une réécriture de Édouard Jouin (XVIIIème) avec une happy end pour la Cigale. Enfin ! 😇
Par un soleil d’hiver, hélas ! bien court été,
La Fourmi butinait parmi l’herbe flétrie.
Elle voit la Cigale à la mine amaigrie
Qui se mourait de faim pour avoir trop chanté.
Prends ce grain, lui dit-elle, et qu’avec la gaieté
Il te rende la vie.
Tu ne trouves plus rien, mais j’ai dans mon grenier
Les trésors du beau temps dernier :
Ne crains donc plus la faim : chante encore, pauvre amie.
Cigale et fourmi : quelques erreurs scientifiques… 🔬
Quid de la science dans tout ça ? Bah oui, on parle de cigale et de fourmi. Et qui dit insectes… dit entomologie (la science des insectes, voyons !).🐛
Jean-Henri Fabre (1823-1915), un célèbre entomologiste du XIXème siècle, s’est penché sur la question. Et selon lui, La Fontaine est un peu loin de la réalité scientifique 😉 :
- Déjà, en hiver, la fourmi dort au fond de sa fourmilière. Impossible qu’elle ait pu entendre la cigale ! 🙉
- Question nourriture, une cigale ne mange ni « mouche » ni « vermisseau ». Et sûrement pas du « grain » ! En réalité, elle se nourrit de la sève des plantes. La Fourmi ne lui aurait pas été d’une grande utilité…
- De toute façon, la Cigale meurt à la fin de l’été (eh oui, malheureusement…) ! Durant la saison estivale, « le chant » des cigales mâles est associé à la parade nuptiale. Une fois la période de reproduction terminée, la cigale meurt. 👻
Voilà, cet article est terminé ! Tu connais maintenant La Cigale et la Fourmi mieux que personne. N’hésite pas à consulter nos autres fiches de lecture sur les fables de La Fontaine !
À lire aussi