Lorsque en plein orage, tu dis que « le tonnerre gronde » et que tu entends « le hurlement du vent », dans ta « vieille maison qui gémit », n’as-tu pas l’impression d’être un peu poète ? Un peu, et ça en jette, hein ? C’est normal, tu utilises une personnification, c’est une figure de style d’analogie très utilisée dans notre français quotidien et en littérature. Voici une fiche de cours afin de t’aider à la reconnaître, l’utiliser et l’analyser. Tu es prêt ? C’est parti ! 🚀
Une personnification, qu’est-ce c’est ? 👀
Définition d’une personnification 📖
D’après le dictionnaire de l’Académie française, la personnification est une figure de style (ou figure de rhétorique) « consistant à évoquer, à représenter une abstraction, une chose ou un animal sous les traits d’une personne, ou à lui en donner certains attributs. » En d’autres termes, elle permet d’attribuer des caractéristiques humaines à un objet, un élément abstrait, naturel ou encore un animal.
📖 Étymologie du mot
Ce nom féminin (ou « substantif », si tu souhaites employer un mot savant) est dérivé du verbe du premier groupe « personnifier ». Celui-ci provient de deux mots d’origine latine :
Le nom féminin « persona » qui désigne d’abord le masque de théâtre, puis le rôle ou le personnage.
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Le verbe « facio », faire.
Comment identifier une personnification ?
La personnification est une figure de style qui plaît beaucoup aux collégiens et lycéens car elle est facilement repérable, que ce soit dans un texte littéraire ou dans d’autres genres artistiques (surtout le cinéma !).
D’ailleurs, une grande partie du style poétique de Jean de la Fontaine, fabuliste français du XVIIe siècle, est fondée sur la personnification ! Tu connais donc cette figure de style depuis longtemps.
Cette figure de style rapproche un « comparé » (un animal, un végétal, une chose, une identité abstraite) à un « comparant » (un attribut humain physique ou psychologique comme une émotion).
💡As-tu remarqué ?
Le vocabulaire employé est le même que pour la comparaison ou la métaphore, autres figures de style d’analogie qui permettent de rapprocher deux éléments et créer une image forte.
Le mot est un verbe d’action. | Exemple : « La maison crie et chancelle penchée » ( « Les Djinns » , Victor Hugo). La maison (lieu inanimé) est comparée, par analogie, à un être humain grâce au verbe « crier ». |
Le mot est un nom commun. | Exemple : Écoute le chant du vent (Haruki Murakami). Le vent (élément naturel) est comparé, par analogie, à une personne qui chante grâce au nom « chant ». |
Le mot est un adjectif qualificatif. | Exemple : La jonquille, jalouse, regardait le rosier grimpant grandir et envahir le mur de pierre. La fleur est qualifiée de « jalouse », comme l’émotion ressentie par un homme. |
👉 La personnification peut être réalisée à l’aide d’une majuscule, surtout lorsqu’il s’agit de représenter concrètement une chose abstraite.
Elle peut servir à souligner, voire accentuer la personnification.
Elle peut servir à transformer un nom commun (celui du comparé) en nom propre.
❗Attention, cette majuscule n’est pas toujours le signe de la présence d’une personnification.
Exemples
« La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Boeuf » (Fables, La Fontaine) | La Grenouille et le Boeuf sont des personnages qui agissent comme des hommes. Leurs noms deviennent alors des noms propres. C’est une personnification ! |
Liberté, Egalité, Fraternité (devise de la France, tmtc !) | Aucun sentiment n’est attribué à ces notions abstraites. La majuscule sert uniquement à mettre en valeur ces valeurs qui incarnent les fondements de la République. Ce n’est pas une personnification ! |
👉 La personnification peut être réalisée à l’aide d’une apostrophe. Elle peut être accompagnée de l’interjection « ô », au sein d’une phrase exclamative.
Cette interpellation permet de souligner l’importance de la personnification.
« Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêts obscures !
Vous, que le temps épargne ou qu’il faut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir ! »
(« Le Lac », Méditations XIII, Alphonse de Lamartine)
D’ailleurs, les tonalités lyriques et élégiaques ont souvent recours à l’apostrophe, notamment en poésie.
Pourquoi utiliser une personnification ?
✅ Divertir le lecteur : elle sert à illustrer un discours, souvent afin de le rendre plus vivant et ainsi distraire le lecteur ou l’auditeur, notamment dans les descriptions.
✅ Simplifier le discours : elle facilite la compréhension d’un discours en rapprochant souvent l’abstrait d’une image plus concrète. C’est le cas, par exemple, des Fables de La Fontaine qui racontent l’histoire d’animaux développant des attitudes humaines.
✅ Susciter des émotions variées : les réactions du lecteur peuvent être nombreuses. Le choc d’un rapprochement incongru favorise la surprise, provoque parfois le rire, et sert de ressort comique à un texte. Au contraire, la personnification peut souligner l’étrange, et participer à la création d’une atmosphère étouffante, voire angoissante, et revêt une connotation inquiétante.
✅ Créer des effets sonores : la personnification favorise également la création de jeux de sonorités et permet aux auteurs de jouer avec la langue, notamment dans les textes poétiques (que ce soient des poèmes en vers, en prose ou en vers libres…).
✅ Jouer sur les sens et les émotions : la personnification crée ainsi une connivence avec le lecteur ou l’auditeur. La personnification favorise ainsi l’identification du public face aux personnages humanisés décrits par les auteurs.
💡 Le savais-tu ?
La ville devient un thème privilégié de la poésie moderne au XIXe siècle. De nombreux auteurs, notamment des poètes français, écrivent sur la ville de Paris, capitale française alors en pleine métamorphose. La personnification devient alors un outil au service de la description de Paris mais aussi un moyen d’en faire un personnage à part entière, agissant comme une héroïne humaine de roman. Elle est tour à tour lumineuse et vivante, mais aussi grise, sale et inquiétante.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
(« Paysage », Charles Baudelaire)
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Quelques exemples connus
Voici quelques exemples afin tu puisses améliorer ta culture générale et identifier facilement les personnifications présentes dans un texte durant tes études littéraires et dans ton quotidien (et tu pourras même en dire quelques-unes bien placées si tu veux, pour crâner un peu). 😃
Si cela t’intéresse et si tu veux aller plus loin, il existe un livre chouette qui est le Dictionnaire du Gradus de Bernard Dupriez, une véritable Bible des procédés littéraires !
Dans la littérature
En Poésie
- « La rue assourdissante autour de moi hurlait. » (« A une passante », Les Fleurs du mal, Baudelaire)
- « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai insultée. » (Une Saison en enfer, Arthur Rimbaud)
- « Les sanglots longs / Des violons / De l’automne. » (« Chanson d’automne », Poèmes saturniens, Paul Verlaine)
- « Accroupis sous les dents d’une machine sombre, / Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre. » (« Melancholia », Victor Hugo,)
Au théâtre
- « Hélas, mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie, tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. » (L’Avare, Molière)
- « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! » (Le Cid, Corneille)
- « Avec quelle rigueur, destin, tu me poursuis ! / Je ne sais où je vais, je ne sais où je suis. » (Phèdre, Racine)
Dans le roman
- « La mort devait la prendre petit à petit, morceau par morceau, en la traînant ainsi jusqu’au bout dans la sacrée existence qu’elle s’était faite. » (L’Assommoir, Emile Zola)
- « La Mort en resterait enfermée dedans avec la tendresse. » (Voyage au bout de la nuit, Céline)
- « C’était une de ces coiffures d’ordre composite, […] une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. » (Madame Bovary, Gustave Flaubert)
Dans ton quotidien
Maintenant que tu es un boss, amuse-toi à créer tes propres personnifications ! 🤪
Pour aller plus loin
Le contraire de la personnification
La réification transforme une idée abstraite ou un être vivant en une chose concrète. Cette figure de style consiste à attribuer une forme de fixité du mouvement et une impersonnalité de l’homme ou de la notion transformés.
❗Attention, certains ouvrages font une différence entre réification et chosification ! Si les deux termes semblent être devenus parfaitement synonymes, le terme réification est le terme qui convient au procédé littéraire. Le nom chosification serait davantage réservé à la sociologie, au fait de rabaisser les êtres vivants au niveau d’une chose.
L’animalisation
L’animalisation consiste à attribuer des caractéristiques animales à une notion abstraite, un objet ou un être vivant.
« Bergère, o, tour Eiffel, le troupeau des ponts bêle ce matin. » (« Zone », Guillaume Apollinaire)
🚨 Personnification VS anthropomorphisme VS allégorie
Afin que tu sois le plus calé en figures de style, nous te proposons de te pencher sur les petites subtilités qui différencient ces trois procédés.
👉 L’anthropomorphisme est en quelque sorte une forme de personnification totale : c’est le fait d’attribuer des comportements, apparences, et attributs des hommes à tout ce qui ne l’est pas (divinités, animaux, notions abstraites…).
Par exemple, la plupart des films d’animation Disney (et là, tu chantes « je voudrais déjà être roi ! » ) mettent en scène des animaux qui se comportent exactement comme des êtres humains (émotions, démarche, apparence…). Eh bien, c’est ça, l’anthropomorphisme ! Cela fonctionne aussi avec les dieux de la mythologie qui prennent l’apparence des hommes !
En résumé, l’anthropomorphisme est une personnification poussée à l’extrême.
💡 Le savais-tu ?
On a tendance à humaniser nos animaux de compagnie.
C’est aussi une forme d’anthropomorphisme !
👉 L’allégorie et la personnification sont deux figures de style d’analogie qui se ressemblent beaucoup. Difficile de les différencier !
L’allégorie consiste à représenter de manière concrète une notion, une réalité ou une idée abstraite. Mais il ne s’agit pas forcément de lui attribuer les attributs d’une personne ! L’allégorie permet de créer des symboles que tous peuvent comprendre.
Si je te demande un exemple d’allégorie de la paix, tu me réponds quoi ? La colombe ? Le rameau d’olivier ? T’as compris, c’est ça, une allégorie ! 👏
On pourrait dire que les allégories sont en quelque sorte des « personnifications universelles » et tout le monde en comprend rapidement et totalement la signification.
Il y a une allégorie bien connue des philosophes, c’est l’allégorie de la caverne de Platon. N’hésite pas à aller lire cela si tu veux en apprendre davantage. 👍
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🚨 Personnification VS prosopopée
👉 La prosopopée est une figure de style qui consiste à faire parler un personnage absent, mort, ou inventé, un être inanimé, une chose ou une notion abstraite.
Ce procédé peut se servir de la personnification pour mettre en scène le personnage et lui attribuer un comportement humain.
Dans tous les cas, ce discours est fictif, entièrement inventé par l’auteur pour servir son récit.
Je m’appelle Bagdad
Et je suis tombée […]
Je vis sur mes terres comme une pauvre mendiante sous les bulldozers.
(« Je m’appelle Bagdad », Tina Aréna)
💪 Avoue, maintenant t’es calé sur la personnification ! Mais peut-être que tu veux t’entraîner ?
On te propose un petit quizz 📝 :
N’oublie pas qu’il existe d’autres figures de style que tu peux découvrir et apprendre. N’hésite pas à nous dire si cet article t’a plu !