Le génocide arménien est l’un des épisodes de l’histoire du XXe siècle les plus terribles et pourtant assez méconnu. Dans cet article, on va te donner les clefs pour comprendre comment et pourquoi le génocide arménien a été perpétré. 🗝️
Contexte historique
Pour bien comprendre l’ordre des choses, il faut poser un peu de contexte. 🪑
L’Empire ottoman
Au IVe siècle, l’empereur Constantin fonde sur l’ancienne ville grecque Byzance la nouvelle ville de Constantinople. L’Empire ottoman, qui s’étend au Moyen-Âge, conquiert Constantinople en 1458, qui devient sa capitale, située en Anatolie.
Les frontières évoluent au fil des conquêtes et des guerres. Des territoires s’ajoutent ou se retirent. Quoi qu’il en soit, l’Arménie fait partie des pays occupés pendant plusieurs siècles par l’Empire ottoman.
Tensions politiques
L’Empire ottoman était composé à ses débuts d’une majorité de chrétiens : Grecs, Slaves, Assyriens, Arméniens, Caucasiens… Et ce y compris en Anatolie, région centrale de la Turquie.
Au fil du temps, les musulmans deviennent majoritaires et le régime ottoman met en place un système d’impôt. Les chrétiens doivent payer cher et ne peuvent pas posséder d’armes.
Un chrétien ne peut pas obtenir justice si un musulman lui a causé du tort. De plus, des bébés chrétiens sont raflés régulièrement pour garnir le corps des janissaires, soldats élevés dans l’islam au service de l’armée impériale.
Cependant, il faut apporter de la nuance : certains sultans se sont montrés assez tolérants voire magnanimes envers les minorités selon les époques. En effet, l’Empire ottoman est connu dans l’histoire pour avoir reconnu les « dhimmis » (« protégés ») en les laissant pratiquer leur religion, leur langue et leurs traditions. 👅
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Tensions ethniques et religieuses
Dès le XIXe siècle, notamment après la guerre de Crimée en 1856, de plus en plus de conflits intestins animent l’Empire. 🥺
Par exemple, au Liban, alors sous domination ottomane, les Druzes (ethnie qui pratique une religion dérivée de l’islam) affrontent les maronites (chrétiens vivant dans les montagnes) car leurs droits ne sont pas les mêmes. L’Empire ottoman attise les tensions entre les deux camps. Diviser pour mieux régner…
Les confrontations grandissent et la relative tolérance des siècles passés tend à s’effacer dans l’Empire. De plus en plus de régions soumises se révoltent contre l’oppression, dont des pays balkaniques comme la Serbie, la Bosnie, la Bulgarie et le Monténégro.
Le génocide Arménien
Génocide : destruction méthodique et systématique d’un groupe d’humains.
Dictionnaire Robert
Pourquoi a-t-il eu lieu ?
La place des Arméniens dans l’Empire
Les Arméniens sont soumis aux règles de l’Empire turque dès l’invasion au XVe siècle. L’Arménie n’est plus un pays en tant que tel : la communauté arménienne est noyée dans un ensemble hétérogène. C’est une minorité ethnique. Les historiens estiment qu’il y avait entre 1.5 million et 2.5 millions d’arméniens parmi 36 millions de gens au total dans l’Empire. Les Arméniens sont considérés comme des habitants de seconde catégorie. 👎
Signes précurseurs
En 1828, la Russie remporte une guerre contre l’Empire ottoman, annexant une partie de l’Arménie, ce qui laisse espérer une libération du joug musulman au sein du peuple. Un premier désir d’autonomie voit le jour.
Aux alentours de 1878, les Arméniens commencent à fonder des partis politiques pour faire respecter leurs droits. Ils protestent contre les impôts abusifs et l’usurpation de leurs terres par les nomades kurdes.
Le sultan Abdül-Hamid II (aussi appelé le sultan rouge ou le « saigneur » pour sa cruauté) organise une première répression contre les Arméniens dont les premières velléités d’affranchissement grandissent. Il veut tuer dans l’œuf la pseudo-rébellion.
L’armée orchestre le premier massacre des Arméniens en 1894. S’ensuivent deux années de tueries, incendies et pillages de villages entiers. Cette boucherie est méconnue et on estime à 300 000 le nombre de victimes, dont un grand nombre de femmes, d’enfants et de vieillards. Un million d’Arméniens sont dépouillés de leurs biens, des églises sont brulées ou transformées en mosquées, et plus de 300 villages sont rayés de la carte. 🗺️
En 1908, le sultan Abdül-Hamid II est renversé par un putsch fomenté par de jeunes officiers révolutionnaires nationalistes, les « Jeunes-Turcs ». Les Arméniens soutiennent la révolution car ils croient en l’amélioration de leur sort. Erreur…
Les Jeunes-Turcs procèdent à des exactions dès leur investiture au pouvoir. Ils se débarrassent de 30 000 Arméniens à Adana en 1909. Ils cultivent la haine ethnique.
Cela dit, le monde occidental ne réagit pas.
Déroulement du génocide
Le 24 avril 1915, le génocide débute : l’Empire ottoman – qui est en guerre depuis 1910 – retire du front les soldats arméniens qui combattaient pour lui et les déplace dans des corps auxiliaires. C’est une stratégie pour les destituer de leurs armes. 🗡️
Dans la foulée, ils sont exécutés discrètement, sans pouvoir se défendre. Les déserteurs ralliés aux russes « libérateurs » sont également ciblés.
En outre, les soldats turcs ratissent les quartiers arméniens, capturent les intellectuels, et les tuent ou les déportent massivement. Toute la population active, à peu près un tiers des Arméniens, à été éliminée en un temps record. ⌚
Le reste de la population, femmes et enfants notamment, est déporté sous prétexte que les arméniens sont à moitié sur le territoire de la Russie, en guerre contre l’Empire, et qu’ils constituent des éléments suspects d’avoir de la sympathie pour l’ennemi.
La police encercle des villages entiers, rassemble la population, et les gens sont poussés comme du bétail à travers toute la Turquie dans une marche de la mort qui cause des centaines de milliers de victimes.
Les rescapés sont des habitants exilés pour sauver leur peau, des chanceux de l’histoire ayant échappé à la déportation, et des chrétiens convertis de force à l’islam pour survivre.
Les turcs s’en lavent les mains, rejettent la responsabilité sur la guerre, les Kurdes, les montagnards, en faisant passer le génocide sur le compte d’un phénomène naturel (manque de nourriture par exemple) aux yeux de la communauté internationale.
Au total, le génocide arménien compte au moins 1.2 millions de victimes.
Reconnaissance internationale
Lutte des Arméniens pour la reconnaissance…
L’Arménie lutte depuis la fin de la seconde guerre mondiale – où la justice internationale a passé un cap grâce au procès de Nuremberg – pour la reconnaissance du génocide qui a frappé son peuple.
Des documents politiques de l’époque révèlent que les Jeunes-Turcs visaient intentionnellement la population arménienne d’Anatolie, ce qui correspond à la définition d’un génocide.
Pour des résultats mitigés
L’Empire ottoman se délite après la défaite de la première guerre mondiale, et la République turque est créée en 1923. Celle-ci ne reconnaît pas le génocide sous cette appellation, affirmant que les déportations et les massacres sont dus à l’ancien régime politique – le sultanat – et aux faits de guerre.
La République turque dément formellement le fait qu’il s’agisse d’un crime planifié dont la volonté était d’exterminer tout un peuple, ce qui entraine la négation du génocide.
La France a reconnu officiellement le génocide arménien le 18 janvier 2001, après trois ans de procédure par une loi votée à l’Assemblée nationale. La Turquie a pris ça comme une épine qui aurait pu compromettre sa position géostratégique, économique et diplomatique si d’autres grands pays d’Europe s’étaient mis tour à tour à reconnaître le génocide.
Néanmoins, d’aucuns ont pu voir là – outre le devoir de mémoire – une occasion pour permettre à la Turquie de faire un pas vers l’Occident en reconnaissant ses torts à l’heure où son entrée dans l’Europe est loin de faire consensus. ⚖️
Finalement, 29 autres pays ont reconnu le génocide, très tardivement, comme les États-Unis en 2021.
Héritage
Témoignage des survivants
Évidemment, un événement aussi dramatique entraîne des séquelles psycho-culturelles. Le peuple arménien, chez qui la dignité survit à la souffrance, a pourtant encore le traumatisme du génocide et de la haine.
Des survivants ont pu témoigner de l’horreur et de la dureté qu’ils ont vécues. Ils sont plutôt rares. L’un des témoignages les plus importants est celui de Grigoris Balakian, le Golgotha arménien, récit de son expérience lors de la déportation. C’était un évêque arménien. 📕
Un policier turque est venu frapper à la porte. Boom, boom boom. « Demain vous partez. Préparez-vous ! »
Yevnine Salibian
Rescapée
La Bibliothèque Nationale de France possède également un des rares témoignages des marches de la mort dans un journal écrit par Serpouhi Hovaghian.
Ô quelle vie ! Quelqu’un arrive, tu fuis en haut, tu te caches dans le coin le plus inhabité pour ne pas être vue, ton cœur est continuellement en émoi.
Serpouhi Hovagian
Rescapée, autrice
Les conséquences du génocide
La Turquie est devenue le premier État du Moyen-Orient à n’avoir presque plus de chrétiens sur son sol – là où historiquement les populations étaient relativement mélangées.
En outre, les relations diplomatiques entre la Turquie et l’Arménie sont au point mort encore aujourd’hui à cause de cet historique. Les Arméniens déplorent 1.5 million de morts tandis que les turques n’en reconnaissent que 300 000.
La société civile turque a conscience que le rétablissement de la vérité historique est un des gages indispensables pour atteindre une vraie démocratie.
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L’importance de la mémoire
Le Génocide n’est presque pas enseigné en occident. Pourtant, la sensibilisation et la mémoire constituent des éléments indispensables à l’histoire, aussi bien dans sa dimension finie que dans le futur qui va s’écrire. Car les hommes répètent les erreurs passées lorsqu’ils n’en tirent pas les conséquences. 😢
🧠
Le 24 avril est désormais un jour férié en Arménie.
Il y a également des monuments commémoratifs partout dans le monde, là où des Arméniens se sont réfugiés.
La commémoration se fait bien sûr aussi à travers l’art : 🎼
– Aznavour a dédié une chanson à la rafle de Constantinople de 1915, Ils sont tombés ;
– le film Ravished Armenia ;
– le livre Les quarante jours de Musa Dagh.
Et voilà, on espère que cet article t’a été utile et que tu as appris des choses sur l’histoire du génocide arménien. Si tu veux faire décoller ta moyenne cette année, tu peux prendre un cours particulier d’histoire en ligne avec l’un de nos Sherpas, et aller consulter notre blog. À bientôt ! 😉