Il y a dix ans, le peuple syrien se soulevait contre le régime de Bachar El-Assad, le point de départ d’une guerre dévastatrice. Alors que la question de la renaissance des villes détruites se pose avec acuité, des manifestations à Idlib, dans une région encore sous le contrôle des djihadistes, ont fait rage lundi 14 mars avec toujours le même objectif : renverser le régime. Les Sherpas te proposent de retracer l’évolution de cette crise profonde, pour tout comprendre sur un conflit qui a anéanti une nation toute entière… 🔎
2011 : La genèse du conflit ⏮
Le 15 mars 2011 marque généralement le point de départ du conflit ; à cette date, le peuple se soulève contre le régime de Bachar El-Assad, chef du parti Baas (parti socialiste de la résurrection arabe), en plein Printemps arabe (révoltes survenues dans le monde arabe de 2010 à 2011).
Ce jour-là, d’importantes manifestations ont lieu dans plusieurs grandes villes telles que Damas, la capitale, Homs, Deraa et Banias. Elles sont, de fait, l’aboutissement de plusieurs mois de fortes tensions. Dès le 18 mars, ces rassemblements essentiellement pacifiques se heurtent à une forte répression du régime : entre 50 et 100 morts recensés le 22 mars !
Peu à peu, les manifestations s’étendent à travers le pays et ce, avec l’appui des militaires. Ce que confirme la création de l’ASL (Armée Syrienne Libre) fin juillet. Ainsi, deux « clans » s’opposent : l’armée de Bachar El-Assad (soutenue par la minorité chiite) d’une part et d’autre part, l’ASL (qui regroupe principalement des musulmans sunnites).
Quelle est la différence entre les sunnites et les chiites ? 🤔
La différence majeure entre les deux courants repose sur leur vision du Coran (livre sacré des Musulmans). Contrairement aux sunnites (largement majoritaires), les chiites proposent l’interprétation du Coran ; c’est la “Sunna” qui remplit cette fonction pour les sunnites.
Le 15 septembre, le Conseil national syrien, dont l’objectif est d’organiser l’opposition au régime en place, et de légitimer ainsi les revendications, est créé à Istanbul. Dans le même temps, l’ONU (Organisation des Nations Unies) s’avère incapable de trouver un terrain d’entente sur la question syrienne. Quant à la Chine, elle soutient le régime en place, de même que la Russie !
2012-2013 : Le terrorisme s’immisce dans le conflit 🔎
En 2012, l’ASL et le CNS (Conseil National Syrien) ne sont désormais plus les seuls opposants au régime de Bachar El-Assad : les groupes djihadistes Front Al-Nosra et Al Qaïda s’invitent dans le conflit, au nom de la défense des sunnites. Il faut cependant préciser qu’aucun lien n’existera jamais entre les deux camps d’opposition, qui resteront indépendants l’un de l’autre.
Très vite, les bombardements commencent à Homs, où 260 civils perdent la vie. Après deux échecs d’un plan de paix, un cessez-le-feu sera malgré tout instauré en avril : sans plus de succès… Les propositions de règlement du conflit faites par Bachar El-Assad début 2013 sont rejetées par l’Etat Islamique (Front Al-Nosra et Al Qaïda).
En mars, les djihadistes s’emparent de Raqqa, la capitale du centre-est de la Syrie. Cette victoire amène la fusion du groupe Etat Islamique en Irak (qui vient de pénétrer sur le territoire syrien) et du groupe Front Al-Nosra (qui représente aussi Al Qaïda). Cette « union » s’appelle l’Etat islamique en Irak et au levant (EILL). Cette entité nouvelle éclatera rapidement en deux parties, qui deviendront ennemies.
💡 Pour simplifier, retiens que deux groupes terroristes s’opposent (bien qu’ils aient le même objectif) : Al Qaïda et EILL.
L’été 2013 est marqué par les premiers massacres (avec armes chimiques), de l’armée du dictateur, dans les banlieues de Damas, alors sous contrôle de l’ASL (Armée Syrienne Libre).
Le conseil de sécurité de l’ONU exigera la destruction de cet arsenal chimique ayant engendré la mort de milliers de Syriens : injonction, une fois de plus, ni entendue ni appliquée par le régime de Bachar El-Assad.
Ton premier cours particulier est offert ! 🎁
Nos profs sont passés par les meilleures écoles et universités.
2014-2015 : Internationalisation du conflit 🌎
L’Etat Islamique continue progressivement d’envahir la Syrie. Le 29 juin 2014, leur chef, Abou Bakr al-Baghdadi, annonce la création du califat de l’Etat Islamique, entre la Syrie et l’Irak. Il s’agit tout simplement d’un territoire qui sera soumis à l’autorité de l’EI.
Dans la même période, l’EIIL change de nom (une fois de plus) et devient Daech. Ce groupe livre, en septembre, à Kobané en Syrie, sa première bataille, contre les forces kurdes, qui deviennent les protecteurs du peuple.
Sur le plan international, ce conflit, toujours soutenu par la Chine et la Russie, devient au fil du temps une préoccupation majeure pour les grandes puissances mondiales.
Les Etats-Unis, dont le plan d’intervention avait été annulé en 2013, déclenchent des frappes contre l’EI en septembre, sous couvert d’une coalition arabo-occidentale qui soutient dès lors les forces kurdes.
Pourquoi ce revirement ? Un événement dramatique les a poussés à s’immiscer dans le conflit : A Raqqa, James Foley, un journaliste américain, alors retenu en otage avec douze autres occidentaux, a été décapité un mois auparavant par des rebelles de l’Etat Islamique.
Le début de l’année 2015 marque la première défaite de l’Etat Islamique lorsque les Kurdes récupèrent le contrôle de Kobané. Mais cette victoire est occultée par celle de Daech qui s’empare de la ville de Palmyre, célèbre pour le magnifique temple de Bêl, qui sera volontairement détruit.
👉 L’état des destructions volontaires ou non causées par dix ans de conflit est considérable. Certaines villes ne sont plus que ruines ! Selon un cabinet d’études indépendant, et également selon les autorités russes et syriennes, la facture de reconstruction dépasserait les 400 milliards de dollars (soit presque huit fois le PIB du pays). Les Occidentaux accepteraient de débloquer des fonds pour aider la Syrie si une réelle transition politique s’opérait.
En l’espace de deux mois (août et septembre 2015), la Turquie, la France et la Russie vont décider d’intervenir. Alors que la Turquie et la France combattent contre Daech et soutiennent de fait, bien involontairement, le régime de Bachar El-Assad, la Russie maintient son soutien envers le dictateur et lutte contre les forces qui lui sont hostiles (c’est-à-dire l’ASL). Malgré cela, un plan de paix américano-russe sera décidé le 18 décembre par le conseil de sécurité de l’ONU 🤝
2016 : Le régime reprend le contrôle 📍
Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation politique et militaire kurde, est l’auteur d’un attentat en Turquie, le 17 février 2016. En représailles, le président turc Erdogan intensifie les bombardements des forces kurdes en Syrie. Dix jours plus tard, l’accord américano-russe permettra la mise en place d’un cessez-le-feu. Les combats « cesseront » un mois seulement, permettant la reprise de Palmyre, la cité antique, par le régime de Bachar El-Assad.
Au même moment, au Nord-Est de la Syrie, la ville d’Alep est assiégée. Elle devient le cœur même de combats extrêmement violents, opposant l’ASL à l’armée du régime.
A la suite d’une opération turque, un troisième cessez-le-feu américano-russe est décidé. Et cette fois, la Syrie est d’accord pour l’appliquer pendant…. six jours !
A la suite du bombardement d’un convoi humanitaire par des djihadistes, les affrontements reprennent, en particulier à Alep, victime de raids aériens russes et syriens. 350 civils seront tués en une semaine. L’armée du régime reprendra le contrôle d’Alep et des principales villes du pays.
2017-2018 : Combattre Daech, la priorité n°1️⃣
Pendant qu’Amnesty International dénonce des « crimes contre l’Humanité » à la prison de Saidnaya en Syrie, les attaques syriennes par armes chimiques reprennent, provoquant le bombardement d’une base syrienne par l’aviation américaine.
Il est temps pour la communauté internationale de trouver un accord pour agir contre l’ennemi commun : Daech. Il devient urgent de libérer les civils syriens de l’emprise djihadiste. Résultat positif pour les forces internationales et démocratiques, qui peuvent annoncer mi-octobre la libération totale du territoire syrien occupé par Daech !
Néanmoins, malgré cette annonce, il reste une région sous l’emprise des rebelles islamistes : la Ghouta orientale (Sud-Ouest de la Syrie). Sur ce territoire assiégé par le régime syrien de Bachar El-Assad, les rebelles utilisent la famine pour affaiblir les civils. Des photos d’enfants affamés vont engendrer une action de l’ONU et de la communauté internationale.
Le territoire de la Ghouta orientale est finalement repris par le régime syrien, qui enchaîne désormais les victoires, notamment dans la partie Sud de la Syrie. Au Nord, une nouvelle bataille s’engage entre l’ASL (Armée Syrienne Libre) et les Turcs, pour s’emparer de la ville d’Afrine, située à proximité de la frontière Turco-syrienne !
Les combats entre Daech et les forces démocratiques syriennes (coalition anti-Daech) continuent également à Hajine (Sud-Est de la Syrie). Cette guérilla se solde par une victoire du djihad, qui, bien que fortement affaibli, continue sa lutte.
Cependant, Daech n’est pas le seul groupe terroriste encore présent en Syrie. Deux organisations contrôlent la région d’Idlib, au Nord-Ouest de la Syrie. Face à cette menace, les intervenants en présence ne sont pas d’accord sur la stratégie à adopter. Tandis que la Syrie, l’Iran et la Russie veulent intervenir pour éradiquer ces islamistes, la Turquie refuse pour éviter une migration des Syriens d’Idlib vers son territoire car, pour Erdogan, « la Turquie n’a pas les moyens pour les accueillir ».
Aujourd’hui, la région d’Idlib est la seule partie du territoire syrien encore sous la coupe des djihadistes. En effet, la partie Nord-Ouest autour d’Idlib est tombée entre les mains du groupe Hayat Tahrir Al-Cham qui réfute la qualification « d’organisation terroriste ».
Ton premier cours particulier de géopolitique est offert ! 🎁
Tous nos profs sont passés par les meilleures écoles de France !
2019-2020 : Fin de la guerre ? 🤔
Alors que les Etats-Unis se désengagent du conflit syrien début 2019, Daech ne domine plus aucun territoire syrien fin mai ; le Califat créé cinq ans plus tôt n’existe plus ! C’est une victoire majeure pour les coalitions internationales, ainsi que pour le régime syrien de Bachar El-Assad. Cette victoire sera parachevée par la mort du dirigeant de Daech, le 26 octobre 2019 : Abou Bakr Al-Baghdadi (une immense fierté pour Donald Trump !).
En 2020, la question des réfugiés syriens devient centrale, notamment ceux présents en Turquie. Ils sont invités à migrer vers d’autres pays occidentaux, comme la Grèce ou la Bulgarie ; un moyen de pression pour le président turc Erdogan envers ses voisins européens.
Qu’en est-il du conflit aujourd’hui ? Est-il terminé ? Que retenir d’une décennie de combats ? 📝 Rappelons-le, la guerre a commencé par des manifestations contre le régime en place de Bachar El-Assad. Le conflit s’est, ensuite, fortement orienté vers la lutte contre les organisations terroristes ou autres (Kurdes et Turcs). Mais l’ASL, ou les civils protestataires des premiers jours, n’ont pas obtenu satisfaction : Bachar El-Assad est toujours au pouvoir.
CONCLUSION 🏁
Le conflit n’est donc pas terminé ; il entre dans sa onzième année. Pourtant, le bilan est déjà très lourd !
Au plan humain plus de 388 000 morts (dont 117 000 civils) ont été recensés ; bilan manifestement sous-estimé ; par exemple, les prisonniers morts d’exactions dans les prisons (actes dénoncés par Amnesty International) ne figurent pas dans ces chiffres. Un million et demi de Syriens souffrent de handicaps causés par les combats. La moitié de la population syrienne d’avant-guerre (20 millions de personnes), a dû fuir le pays.
Enfin, des sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco ont été ravagés par les conflits et sont irrémédiablement perdus. Aujourd’hui, le régime syrien contrôle environ 70% du territoire, mais la menace terroriste est toujours bien présente.