Synonyme de diversitĂ© linguistique et signe de richesse culturelle, les langues rĂ©gionales occupent une place particuliĂšre en France et en Outre-Mer. Au fil des siĂšcles, elles ont forgĂ© leur propre histoire et, crois-nous, elles ont un tas de choses Ă te raconter. Aujourdâhui, on sort du placard ces langues oubliĂ©es en explorant leurs origines et leurs particularitĂ©s. Qui sait, peut-ĂȘtre que les dĂ©couvrir te donnera envie de te lancer dans leur apprentissage ! đ„
Les langues rĂ©gionales de la RĂ©publique française đ«đ·
Petite piqĂ»re de rappel ! đ
Pourquoi dĂ©finir cette notion linguistique, nous diras-tuâŻ? Eh bien, il faut ĂȘtre prĂ©cis pour ne pas confondre langage et langue. Le monde des langues rĂ©gionales regroupe les langues vivantes qui sont traditionnellement parlĂ©es sur une partie du territoire de la RĂ©publique française et dont lâappartenance au patrimoine français est inscrite depuis 2008 dans la Constitution.
âȘïž DĂ©finition
đ Langue : systĂšme de signes vocaux propre Ă une communautĂ© d’individus.
đ Langage : facultĂ© que tous les hommes possĂšdent dâexprimer leur pensĂ©e.
Tu seras sĂ»rement surpris dâapprendre quâil est impossible de dĂ©finir la notion de langue rĂ©gionale. Anthony Lodge, un linguiste qui est aussi professeur Ă lâuniversitĂ© de Saint Andrews en Ăcosse, pense quâon ne peut pas le faire de façon rigoureuse (il est pointilleux, hein đ«Ą).
đĄ Le savais-tu ?
En 1539, François Ier (le big boss) signe l’ordonnance de Villers-CotterĂȘts pour faire du français la langue officielle du droit et de l’administration. En clair, on dit stop au latin quâon ne parvient pas Ă maĂźtriser. Adieu les langues mortes, bonjours les langues vivantes ! đ
- Quelle est la diffĂ©rence entre une langue rĂ©gionale et un dialecteâŻ? đ€
On parle de patois ou de dialecte pour insister sur le caractĂšre local dâune langue, mĂȘme si le terme « patois » est perçu assez pĂ©jorativement de nos jours. En gĂ©nĂ©ral, ce qui diffĂ©rencie la langue rĂ©gionale du dialecte est le degrĂ© de reconnaissance officielle de leur statut, dĂ©crĂ©tĂ©e par l’Ătat ou une autre forme de pouvoir.
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đ„ DĂ©couvre les origines des noms de famille !
Quelles sont ces fameuses langues rĂ©gionales ? đ
Pour tâaider Ă te faire une idĂ©e, on tâa prĂ©parĂ© une carte des principales langues rĂ©gionales de la mĂ©tropole (celles qui existent toujours). Afin de dĂ©couvrir les plus anciennes, jette un Ćil Ă la liste de Bernard Cerquiglini qui a Ă©tĂ© créée en 1999. đ
âȘïž En mĂ©tropole, tu as par exemple…
- Lâalsacien, le basque, le breton et le catalan ;
- Le corse, le flamand occidental et le franco-provençal ;
- Le francique (luxembourgeois, mosellan et rhénan) ;
- Les langues dâoĂŻl (champenois, gallo, lorrain, picard, wallon, etc) ;
- Lâoccitan (auvergnat, gascon, languedocien, limousin, provençal, vivaro-alpin) ;
- Les parlers du Croissant et les parlers liguriens.
âȘïž En Outre-Mer, tu as par exempleâŠ
- Le créole guadeloupéen, martiniquais, réunionnais et de Saint-Martin ;
- Le nenge (aluku, ndyuka et pamaka) :
- Le palikur, le saamaka, le sranan tongo et le teko ;
- Le wayampi, le wayana, le mahorais et le kibushi ;
- Le drehu, le fagauvea et lâiaai.
đ Dis-toi bien que, lĂ , on nâa pas citĂ© la moitiĂ© des langues couramment pratiquĂ©es dans les territoires ultramarins. Il en existe plus dâune cinquantaineâŻ! Dans le cadre familial, ces langues rĂ©gionales sont encore transmises de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. đ«
Bien que le français soit la langue de lâadministration, des services publics et des mĂ©dias, certaines populations dâOutre-Mer considĂšrent que le français est une langue secondaire. Câest la raison pour laquelle le MinistĂšre de la Culture a organisĂ© en 2021, en partenariat avec le MinistĂšre des Outre-mer et le MinistĂšre de lâĂducation nationale, une Ă©dition des Ătats gĂ©nĂ©raux du multilinguisme dans les Outre-mer (EGM-OM) Ă La RĂ©union.
DirigĂ©e par la DĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale Ă la langue française et aux langues de France (DGLFLF), cette deuxiĂšme Ă©dition avait pour objectif de promouvoir une politique favorable au multilinguisme dans les domaines de la vie sociale et culturelle dâOutre-Mer. âš
đ Autant te dire que cette discussion rĂ©unissant le gratin politique ressemblait Ă une rĂ©union Ă la mode Arthur Pendragon. Des tables rondes avaient Ă©tĂ© organisĂ©es pour rĂ©flĂ©chir Ă des thĂ©matiques rarement abordĂ©es et liĂ©es de prĂšs ou de loin au monde de la linguistique.
âȘïž Exemples de sujets
- Les politiques environnementales ;
- Les savoirs autochtones ;
- LâattractivitĂ© des territoires ;
- Les circulations et insertions régionales ;
- Les services administratifs.
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Quelle est l’origine des langues rĂ©gionales de France ? đ§
Quel est l’impact de l’histoire sur les langues rĂ©gionales ? đșïž
En France, l’histoire a eu un impact significatif sur nos chĂšres langues rĂ©gionales. Avant l’Ă©mergence du français en tant que langue officielle, le pays au drapeau tricolore Ă©tait caractĂ©risĂ© par une grande mosaĂŻque de langues perçues comme ayant de fortes identitĂ©s culturelles telles que le breton, le provençal, l’occitan, le basque, l’alsacien ou le corse.
đ DâoĂč viennent ces langues ?
En rĂ©alitĂ©, diffĂ©rents facteurs ont fait Ă©voluer certaines langues prĂ©existantes ou en ont fait apparaĂźtre de nouvelles. Les invasions, les migrations, les contacts avec d’autres cultures ou encore le dĂ©veloppement de particularismes rĂ©gionaux ont jouĂ© un rĂŽle clĂ©.
đ Durant lâAntiquitĂ©, par exemple, la conquĂȘte de la Gaule par Jules CĂ©sar a provoquĂ© une romanisation du territoire français. Avant cette occupation (petite pensĂ©e Ă AstĂ©rix et ObĂ©lix), la Gaule Ă©tait habitĂ©e par des populations qui parlaient des langues celtiques.
Avec lâarrivĂ©e des Romains, le latin s’est imposĂ© comme langue administrative, juridique et culturelle, et a donnĂ© naissance aux langues rĂ©gionales romanes parlĂ©es quâon connaĂźt aujourdâhui dans certaines rĂ©gions de la France. Ben oui, ce nâĂ©tait pas facile dâĂ©crire et de parler latin ! đ„”
âȘïž Exemples
- Sud : l’occitan ;
- Nord : le picard ;
- Provence : le provençal ;
- Normandie : le normand.
Dâailleurs, si tu adores les Vikings, sache que leur migration aux IXe et Xe siĂšcles a fait apparaĂźtre une langue rĂ©gionale. Les Vikings, qui Ă©taient originaires de Scandinavie, sâĂ©taient Ă©tablis le long des cĂŽtes normandes. En se mĂ©langeant Ă la population locale, ils ont intĂ©grĂ© l’ancien norrois, devenu plus tard la langue normande. đ
đ Pour le breton, câest un peu la mĂȘme histoire. Il ne trouve pas son origine dans le latin, contrairement aux langues rĂ©gionales romanes, mais il sâagit dâune langue celtique appartenant Ă la branche brittonique.
đ€š Britonnique, quĂ©saco ?
On utilise ce mot pour dĂ©signer un groupe de langues celtiques qui comprend le breton, le cornique, le gallois et le cambrien (une langue aujourd’hui Ă©teinte, snif đ).
Le breton est nĂ© des interactions que les peuples celtes ont eues entre eux et a continuĂ© de se dĂ©velopper en prĂ©servant les Ă©lĂ©ments linguistiques celtiques qui le distinguaient des autres langues romanes prĂ©sentes en France. đ
đ Quelques mentions honorables
1. En raison de sa situation gĂ©ographique, l’Alsace a Ă©tĂ© le théùtre de nombreux changements de souverainetĂ© entre la France et l’Allemagne. Cette situation compliquĂ©e a donnĂ© naissance Ă l’alsacien, une langue germanique appartenant Ă la famille des langues alĂ©maniques.
2. Le basque existait avant l’arrivĂ©e des langues indo-europĂ©ennes dans la rĂ©gion. Son origine prĂ©cise reste un sujet de dĂ©bat parmi les linguistes, mais il est gĂ©nĂ©ralement reconnu comme une langue autochtone distincte ayant une identitĂ© culturelle forte.
3. Le corse, quant Ă lui, appartient Ă la branche italienne des langues romanes. Son dĂ©veloppement est liĂ© Ă l’influence linguistique de l’italien et aux particularitĂ©s historiques et gĂ©ographiques de la Corse en tant que territoire insulaire.
âđ© Rappel : lâalĂ©manique est un ensemble de langues qui s’est dĂ©veloppĂ© dans le bassin de peuplement des Alamans, une ancienne confĂ©dĂ©ration de tribus germaniques. Ces dialectes de langue allemande Ă©taient parlĂ©s au Bade, en Souabe, en Alsace et en Suisse germanophone.
đ€ OĂč parle-t-on le crĂ©ole ?
- En Guadeloupe ;
- En Martinique ;
- Sur La Réunion ;
- En Guyane française ;
- Ă Mayotte ;
- Aux CaraĂŻbes ;
- Etc.
âđ© Note : pour ce qui est du crĂ©ole d’Outre-Mer, cette langue est issue de la rencontre de dialectes locaux avec les langues europĂ©ennes, africaines, asiatiques et amĂ©rindiennes, qui Ă©taient parlĂ©es par les populations autochtones et les travailleurs migrants.
En fait, l’origine du crĂ©ole d’Outre-Mer remonte Ă l’Ă©poque de la colonisation française, Ă©poque durant laquelle des esclaves africains Ă©taient dĂ©portĂ©s pour travailler dans des plantations. Comme ils Ă©taient contraints de communiquer avec les colons, ils ont utilisĂ© un mĂ©lange de français et de langues africaines (le crĂ©ole Ă©tait nĂ© !). đ
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đŁïž Quiz : es-tu fait pour des Ă©tudes de langues ?
Comment les langues rĂ©gionales ont-elles Ă©voluĂ© au fil du temps ? â±ïž
Chronologiquement, il est trĂšs difficile de donner des dates prĂ©cises concernant lâhistoire des langues rĂ©gionales. Cependant, pour tâaider Ă y voir un peu plus clair, on a tentĂ© de retracer lâĂ©volution des langues rĂ©gionales par siĂšcle. DĂ©couvre notre rĂ©cap ! đ
- Au XVIe siĂšcle âïž
Ă cette Ă©poque-ci, le français Ă©tait en concurrence directe avec diffĂ©rentes langues rĂ©gionales. Au nord, on parlait des langues d’oĂŻl comme le picard, le normand ou le champenois, tandis qu’au sud, les langues romanes d’oc Ă©taient prĂ©sentes.
đ En plus de ces langues romanes, des dialectes nĂ©s de l’influence du gallois et du nĂ©erlandais tels que le flamand ou le breton faisaient la loi. Bref, il ne fallait pas chercher ceux qui les maĂźtrisaient ! Chaque population avait sa propre identitĂ© culturelle et sociale.
- Au XVIIe siĂšcle đ
Gros changement, iciâŻ! La cour royale s’est installĂ©e Ă Paris, ce qui a conduit Ă lâapprentissage du français parlĂ© Ă la cour. Cette langue, qualifiĂ©e de classique et perçue comme un modĂšle de prestige et de pouvoir, Ă©tait utilisĂ©e par l’Ă©lite du pays. En clair, on pensait que le langage parisien Ă©tait au top et que les autres langues rĂ©gionales sentaient le pĂątĂ©âŠ
đ En vĂ©ritĂ©, la suprĂ©matie du français Ă cette Ă©poque Ă©tait en grande partie due aux politiques linguistiques mises en place par le roi Louis XIV et son entourage. Louis XIV a favorisĂ© l’utilisation du français Ă la cour de Versailles, ce qui a favorisĂ© son adoption par les cercles aristocratiques et intellectuels.
đą Les usages de ce français
- Pour des enjeux diplomatiques ;
- En littérature ;
- Lors de procĂšs de justice ;
- Dans lâadministration ;
- En sciences.
đ Bon⊠niveau diversitĂ©, on a dĂ©jĂ vu mieux. LâidĂ©e des rois, câĂ©tait dâunifier le pays en imposant aux gens de parler une seule et mĂȘme langue. Le problĂšme, câest que beaucoup de Français Ă©taient analphabĂštes ou nâavaient pas les moyens dâapprendre la langue. Et le français du XVIIe siĂšcle, ce nâĂ©tait pas le français moderne que tu connais aujourd’hui !
âȘïž Exemples de difficultĂ©s
– Le français de la cour possĂšde un vocabulaire empruntĂ© au latin, Ă l’italien et Ă d’autres langues Ă©trangĂšres, ainsi que des tournures poĂ©tiques compliquĂ©es.
– La cour royale avait ses propres normes de prononciation, de diction et dâĂ©locution, qui diffĂ©raient parfois de celles des autres rĂ©gions de la France.
– Ce français se caractĂ©risait par une complexitĂ© grammaticale et il suivait des rĂšgles strictes concernant la syntaxe, la conjugaison et la concordance des temps.
Tu tâen doutes, les Français ont finalement tapĂ© du poing sur la table. Quand tu ne comprends mĂȘme pas ce que racontent ceux qui te dirigent, ça ne peut pas fonctionner. Durant la RĂ©volution française, on a remis en cause cette langue afin de prĂŽner l’Ă©galitĂ© des citoyens.
- Aux XVIIIe et XIXe siĂšcles đ«
Gros bond en avant, les Ă©coles sont chargĂ©es dâapprendre aux enfants la langue qui sera la norme linguistique en France. On ne parle plus le français classique, la langue officielle devient le français moderne qui circulera plus tard Ă lâĂ©chelle europĂ©enne.
đ Si on connaĂźt Ă cette pĂ©riode un effacement progressif des langues rĂ©gionales en France, câest parce que le XIXe siĂšcle a Ă©tĂ© marquĂ© par une forte envie de « bĂątir une nation ». Le gouvernement souhaitait normaliser lâapprentissage dâun français destinĂ© Ă unifier le pays et Ă , concrĂštement, rivaliser avec les autres langues europĂ©ennes. Objectif : Ă©pater le voisin !
- Au XXe siĂšcle đș
Plus tard, cette suprĂ©matie du français sur les dialectes rĂ©gionaux s’est consolidĂ©e. Les guerres mondiales ont favorisĂ© la diffusion du parlĂ© de la bourgeoisie parisienne Ă destination des classes moyennes et des habitants des provinces. Câest quand mĂȘme sympa de se dire que la radio et la tĂ©lĂ©vision ont contribuĂ© Ă l’unification de notre langue adorĂ©e !
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La situation actuelle des langues rĂ©gionales đ
On ne va pas se mentir, les langues rĂ©gionales sont en dĂ©clin continu et ne sont souvent parlĂ©es que par les personnes ĂągĂ©es. Selon le rapport du ComitĂ© consultatif pour la promotion des langues rĂ©gionales et de la pluralitĂ© interne Ă©tabli en 2013, certaines langues rĂ©gionales sont toujours parlĂ©es tandis que dâautres sont peu Ă peu mises aux oubliettesâŠ
đ Pour prĂ©server la richesse culturelle et patrimoniale que nos langues rĂ©gionales françaises reprĂ©sentent, diffĂ©rentes initiatives ont vu le jour Ă partir de 1951 pour ENFIN les sauvegarder et pĂ©renniser leur usage.
âȘïž Exemples
11 janvier 1951 : la loi Deixonne est la premiĂšre loi française autorisant l’enseignement des langues rĂ©gionales de France.
11 juillet 1975 : la loi Haby stipule quâun « enseignement des langues et cultures rĂ©gionales peut ĂȘtre dispensĂ© tout au long de la scolaritĂ© ».
19 septembre 1991 : cet arrĂȘtĂ© explique que : « Les concours du CAPES comportent notamment la section « langue corse » et la section « occitan-langue dâoc ».
Aujourdâhui, certaines langues sont enseignĂ©es dans les rĂ©gions oĂč elles sont en usage, de la primaire au lycĂ©e, en France et en Outre-mer. Tu as par exemple le basque, le breton, le catalan, le corse, le crĂ©ole, le gallo, les langues rĂ©gionales dâAlsace, lâoccitan-langue dâoc, le tahitien, le wallisien et le futunien.
đĄ Le savais-tu ?
Depuis 2008, la Constitution reconnaĂźt dans lâarticle 75-1 que les langues rĂ©gionales font partie intĂ©grante du patrimoine national. La France a signĂ© le 7 mai 1999 la Charte europĂ©enne des langues rĂ©gionales ou minoritaires. Ă travers ce geste, le gouvernement tâincite Ă apprendre et employer ces langues qui, on lâespĂšre, ne disparaĂźtront pas comme le gaulois ! đ„ș
Conclusion đ
Maintenant que tu sais tout sur les langues rĂ©gionales françaises, tu peux te lancer dans lâapprentissage de la langue de ton choix. Corse, basque, breton, tu as lâembarras du choixâŻ! Et si tu souhaites rester classique et apprendre la langue des signes europĂ©enne ou des langues vivantes comme lâanglais, lâallemand ou lâespagnol, prends des cours particuliers en langues !