La liberté de la presse en France est encore remise en cause, cette fois par une pétition sur des posts Instagram de France TV Slash qui seraient trop engagés politiquement. L’occasion de se pencher sur la liberté de la presse : qu’est-ce que c’est et où en est-on en France ?
Encore un média accusé de ne pas respecter la neutralité. En effet, une pétition vient de naître, accusant France TV Slash de manquer à leurs devoirs en termes d’objectivité et de pluralité sur le compte Instagram d’actualité destiné aux jeunes.
Arthur Monnet, l’auteur de la pétition, relève plusieurs posts, qui selon lui, sont orientés politiquement et militants : un appel aux dons pour l’association Comité pour Adama ou encore une prise de partie de France TV Slash sur le déboulonnage des statues en juin 2020.
Le droit à un traitement honnête de l’information pour se forger une opinion.
Arthur Monnet
À l’initiative de la pétition contre France TV Slash
Ce n’est pas la première fois qu’un média est accusé de subjectivité. On pense à CNews, dont Eric Zemmour, qui est aujourd’hui candidat à l’élection présidentielle, était chroniqueur. Depuis, la chaîne a été accusée de nombreuses fois de continuer à “faire de la publicité” pour le candidat.
Selon le classement annuel de Reporters sans frontières relatif à la liberté de la presse, la France est 34e sur 180 pays après le Ghana et l’Uruguay. La liberté de la presse existe-t-elle toujours en France ?
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Ce que la loi dit sur la liberté de la presse en France
Qu’est-ce que la liberté de la presse ?
Pour établir un classement le plus juste possible, Reporters sans frontières base la liberté de la presse sur une appréciation du pluralisme, de l’indépendance des médias, de la qualité du cadre légal et de la sécurité des journalistes dans ces pays et régions.
👉 Attention, le classement par rapport à la liberté de la presse n’est pas un indicateur de la qualité de la production des journalistes.
Qu’est-ce que la liberté d’expression ?
En bref, chaque personne a le droit de s’exprimer librement. Si on se réfère à la loi, la liberté d’expression, sous toutes ses formes, qu’elle soit parlée, écrite ou encore imprimée, est en France la plus totale sauf si elle engendre un délit.
La liberté d’expression en France est, de ce fait, appliquée à tous les citoyens et correspond à toutes manifestations d’expressions publiques.
La loi relative à la liberté d’expression et la liberté de la presse
Largement inspirée par l’article 11 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du citoyen, la loi relative à la liberté d’expression voit le jour en 1881.
Cette loi définit les libertés et les responsabilités de la presse française et impose un cadre légal à toute publication. La loi de 1881 a aussi pour mission de sanctionner a posteriori ce que l’on appelle les délits de presse.
Les différents délits de presse ❌
La procédure en cas de litige est extrêmement minutieuse dans le but de protéger la liberté d’expression de chaque individu et entité.
- La provocation qui constitue une incitation à commettre un acte illégal avec des circonstances aggravantes (racisme, homophobie…)
- La diffamation et la diffusion de propos diffamatoires
👉 Le fait d’affirmer un fait qui porte atteinte à l’honneur ou la réputation d’une personne
- L’injure adressée délibérément à une personne
Exemple d’un cas💡
Dans le cadre d’une incitation à commettre un crime ou un délit, si l’incitation est suivie d’effets (si une personne commet le crime) il y a complicité de délit ou de crime.
Par exemple, si un journaliste écrit dans un journal qu’il faut tuer tous les chats, et qu’après avoir lu cet article, un individu tue des chats, il y a complicité de crime.
👩⚖️ Quelles sont les sanctions pour un délit de presse ?
Dans la plupart des cas, il est question d’une amende. Plus rarement d’une peine de prison.
Est-ce qu’il existe des organes de contrôle concernant la liberté d’expression et la liberté de la presse ?
- La radio et la télévision : contrôlées par l’ARCOM.
- Presse écrite : aucun organe de contrôle
- Internet : aucun organe de contrôle
L’Ère numérique face à la loi de 1881
Avec l’apparition de nouveaux médias et de nouvelles plateformes, qui hébergent des formes de liberté d’expression, se pose la question de la responsabilité en cas de délit.
La liberté d’expression constitue la plus grande manifestation de la démocratie. Ainsi, le contrôle et la gestion des délits dans la sphère numérique est une chose délicate.
Facebook est-il responsable lorsqu’un de ces membres commet un délit ? Est-ce exclusivement à chaque individu de répondre de ses actes ou aux plateformes de contrôler les manifestations d’expressions ?
La liberté de la presse en France est-elle bafouée ?
Maintenant que tu sais ce que dit la loi, on te propose de réfléchir sur la liberté de la presse en France. Certains éléments sont à analyser pour comprendre le débat public.
Le facteur économique
L’un des plus grands changements au sein du secteur médiatique, c’est le facteur financier. La grande majorité des médias est privée. Par conséquent, la presse est moins libre, non pas à cause d’un contrôle de l’État, mais bien à cause du facteur économique.
Dans un premier temps, les médias appartiennent à de grands groupes. Suivant la logique d’une entreprise, ils ont pour mission de rapporter de l’argent. En plus de cela, les médias doivent fonctionner, et pour cela, ils ont donc besoin d’annonceurs. Le système économique qui régit l’existence des médias limite d’une certaine mesure les libertés.
La ligne éditoriale est déterminée par le groupe/ la personne qui détient le média. Les journalistes doivent en conséquence respecter ces prises de positions.
Les médias de Vincent Bolloré 👤
À lui seul, le milliardaire possède des chaînes de télévision, de radio et aussi de la presse écrite…
- Canal +, Cnews, C8, Europe 1, RFM, Virgin Radio, Voici, Capital, Gala, Paris Match et le JDD
Est-ce que la liberté de la presse peut être assurée dans un contexte de concentration des médias ?
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Les médias deviennent de plus en plus éditorialistes ?
Un éditorialiste et un journaliste ne font pas la même chose. L’éditorialiste, c’est celui qui donne son avis, qui écrit un commentaire.
Au sein des médias, apparaissent de plus en plus de personnages affirmant leurs opinions. Dans cette course au “buzz” et aux scandales, le journalisme est-il en train de devenir de plus en plus éditorialiste ? C’est une hypothèse sur laquelle il est possible de réfléchir.
Les raisons de notre classement Reporters sans frontières💡
- La couverture médiatique des manifestations publiques est devenue compliquée (violence des forces de l’ordre à l’encontre de journalistes).
- La législation relative au secret des sources qui demeure insuffisante
- Concentration verticale des médias (les groupes possédant les médias ayant des intérêts dans d’autres secteurs de l’économie)
- Débat sur la liberté d’expression et l’intolérance religieuse remis au premier plan en France depuis les attaques de Charlie Hebdo ainsi que l’assassinat de Samuel Paty.
Un pays où les journalistes ont le droit de s’exprimer
En France, le statut de journaliste est défini. Les journalistes reconnus sont ceux qui possèdent la carte de presse (soumis à de nombreuses conditions). Dans l’exercice de leur métier, les journalistes ont des droits, mais aussi des devoirs.
La déontologie du journalisme
La déontologie du journalisme est relative aux devoirs et aux droits des journalistes. Il s’agit de chartes déclaratives. Ainsi, le non-respect des devoirs ou des droits (à l’encontre des journalistes) ne peuvent être sanctionnés par la justice.
La déontologie du journalisme en France est constituée à partir de deux textes fondamentaux : La charte de Munich (1971) et la charte d’éthique professionnelle des journalistes (révisée en 2011).
Les devoirs des journalistes ✅
- Respect de la véracité des faits
- Défense de la liberté d’expression (et de critique)
- Publication uniquement avec des informations validées et connues (à défaut, notifier qu’il y a une réserve sur les informations)
- L’interdiction d’obtenir des informations, dans le but de les publier, de manière déloyale
- Respect de la vie privée des personnes
- Rectification immédiate en cas d’informations inexactes publiées
- Le secret des sources
- Interdiction du plagiat, de la calomnie, de la diffamation et d’accusations infondées
- Pas de communication publicitaire ou de publications de propagande
- Ne pas céder à la pression et répondre aux directives seulement de sa rédaction
Les droits protégeant les journalistes
- Le libre accès aux sources/informations et le droit d’enquêter librement sur des faits d’actualité publique
- Le refus de suivre des indications données par la rédaction qui iraient à l’encontre de la ligne éditoriale pour laquelle le journaliste a signé un contrat.
- L’interdiction de contraindre un journaliste à exprimer un avis contraire à son opinion
- Le droit aux bénéfices des conventions collectives, à un contrat assurant sa sécurité personnelle, matérielle et morale et son indépendance économique.
Le statut du journaliste
Un journaliste est considéré comme “professionnel” s’il détient la carte de presse. La carte de presse est soumise à certaines conditions :
- Exercer la profession depuis 3 mois consécutifs
- Plus de 50% des revenus tirés de la profession de journaliste
- L’employeur doit être une entreprise de presse écrite ou audiovisuelle
👉 Pour faire la demande d’une carte de presse, les journalistes doivent déposer une candidature auprès de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels.
Cependant, le métier de journaliste est libre. Ainsi, même sans carte de presse, il est possible d’exercer cette activité. En revanche, ces journalistes ne bénéficient pas de la protection du statut de journalistes professionnels.
La neutralité en journalisme, est-ce que c’est réellement possible ?
En général, quand on parle de journalisme d’information (et non pas de journalisme d’opinion, éditorialiste), on parle souvent du devoir de neutralité et d’objectivité.
Un journaliste se doit en effet de transmettre une information en étant le plus objectif possible. En réalité, c’est très compliqué, même impossible d’être complètement objectif.
- Choisir d’aborder un sujet sous un angle particulier, c’est un choix (conscient ou non). Il s’agit donc d’une prise de position.
- Les mots employés sont porteurs de sens et d’interprétation
- Il est très difficile de rendre visible tous les facteurs et d’être dans la pluralité totale
En théorie le rôle du journaliste est, par conséquent, de transmettre une information, de relater un fait en étant le plus objectif possible et en montrant les multiples facettes et enjeux d’un sujet.
De cette manière, on parle davantage d’honnêteté intellectuelle. Le rôle du journaliste est de tendre au maximum vers la neutralité, et de ne pas chercher à affirmer son opinion ou à orienter l’avis du public.
Les chaînes d’information publiques sont soumises à cette obligation d’objectivité et de pluralité. Cela consiste à représenter tous les points de vue et à faire preuve d’honnêteté et de neutralité dans la restitution d’un fait.
C’est tout chaud 🔥
Saisissant le droit de réponse, le directeur des antennes de France TV, Florent Dumont répond : “On peut se dire qu’on a manqué de recul, qu’il y a eu quelques erreurs ponctuelles” mais également “On ne fait pas du militantisme, mais de l’engagement contre les discriminations.” [Source Télérama]
Est-ce que l’engagement est un manquement à l’objectivité ?
La liberté de la presse en France
On espère avoir pu t’aider à y voir plus clair, ainsi que t’avoir donné matière à réfléchir. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, et en continuant à te renseigner sur ses sujets aussi nécessaires qu’intéressants, tu forgeras ton opinion. ☀