“La régénération impériale” (“Minzu Fuxing”) de la Chine, c’est l’idéal du “père de la Chine moderne”, Sun Yat-sen, et l’objectif ultime de la République Populaire de Chine de Xi Jinping. Une telle renaissance reposait notamment pour Sun Yat-sen sur l’effacement de l’humiliation des traités inégaux imposés par les puissances colonisatrices européennes au XIXe siècle. 📜
L’un de ces traités, le traité de Nankin de 1842, cède Hong Kong au Royaume-Uni aux dépens de la Chine. Ce n’est que 155 ans après, en 1997 que Hong Kong est rétrocédé à la Chine, tout en conservant un statut particulier : le libéralisme politique propre à la Région Administrative Spéciale (RAS) forge alors l’expression “un État, deux systèmes”.
Une telle rétrocession constitue alors une étape majeure du “Minzu Fuxing”. Mais la Chine de Xi Jinping ne semble pas se contenter du “un Etat, deux systèmes”. 😯
Hong Kong Chine : la “régénération impériale” doit-elle passer par la fin du statut politique spécial de Hong Kong ? Les libertés des hongkongais sont-elles menacées ? Retour sur la crise qui frappe Hong Kong depuis 2019. 💥
Durcissement de la politique de Pékin et revendications démocratiques ✊
La “Loi fondamentale” de 1997 📃
La rétrocession de Hongkong à la Chine en 1997 passe par l’adoption d’une “Loi
Fondamentale” définissant le statut de l’ancienne colonie. C’est cette loi qui forge le principe “un État, deux systèmes”.
Elle définit alors le système politique qui régit la nouvelle RAS, celui d’une démocratie libérale : les droits sociaux et civiques ainsi que et les libertés individuelles (liberté d’expression, d’opinion, de la presse notamment) sont maintenus. Le multipartisme s’oppose à la domination de l’unique PCC (Parti Communiste Chinois) à Beijing, et la Loi promet également l’élection au suffrage universel de l’exécutif de la région.
👉 Ce statut particulier est prévu pour 50 ans, jusqu’à 2047 et une réintégration au sein du système politique chinois.
Un durcissement de la politique de la Chine à l’égard de Hong Kong sous Xi Jinping 😬
Alors que le virage économique libéral de la Chine de 1979 n’a pas mis fin à l’autoritarisme chinois, l’arrivée de Xi Jinping à la tête de la RPC en 2012 a renforcé le caractère autoritaire et nationaliste de l’Etat chinois.
La répression des opposants et des minorités, lancée depuis des années, se renforce : la communauté ouïghoure (minorité musulmane turcophone), notamment, en fait les frais. 👊
👉 La répression politique des opposants au pouvoir central de Pékin touche l’ensemble de la Chine, et en particulier le dernier bastion libéral de Chine continentale : Hongkong. Ainsi, en 2015, cinq éditeurs hongkongais publiant des ouvrages interdits en Chine ont été enlevés.
Un renforcement des revendications démocratiques à Hong Kong 💪
La volonté de Pékin de renforcer son autorité sur la Région Administrative Spéciale suscite la vive contestation des pro-démocrates hongkongais. En 2014, alors que Pékin souhaite imposer un contrôle absolu de la RPC sur les candidats à l’exécutif de 2017, le “mouvement des parapluies” qui s’y oppose entre octobre et décembre constitue une première étape de la montée du mouvement pro-démocratie à Hong Kong.
Ces protestations, qui réunissent 1 million de personnes, sont un échec, puisqu’elles n’empêchent pas la Chine d’accroître son droit de regard sur les élections de l’exécutif local.
👉 Mais elles sont à l’origine d’une radicalisation des revendications démocratiques dans la région : le mouvement pro-démocratie prend de l’ampleur et devient, en partie, un courant indépendantiste.
Ainsi, les partis “localistes” montent progressivement en puissance et signent une première victoire électorale en 2016, avec l’entrée de députés indépendantistes au parlement hongkongais.
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2019 (l’espoir) : avant la COVID-19, “la révolte des masques” 😷
L’année 2019 a été une année marquée par de nombreuses contestations partout dans le monde, y compris en Chine : aux protestations contre le renforcement de la répression contre les ouïghours, il faut ajouter la révolte des citoyens hongkongais. ✊
Celle-ci est née début 2019 d’une proposition de loi d’extradition à Hongkong, autorisant donc les extraditions de prisonniers hongkongais vers la Chine. Le projet de loi est alors vivement critiqué comme une réduction de l’indépendance judiciaire de la RAS de Hongkong. D’autant plus que l’on craint que ces extraditions soient souvent d’ordre politique et concernent des activistes indépendantistes.
Des manifestations historiques 🙌
Des manifestations sont organisées à partir de mars, puis les premières protestations majeures surviennent en juin 2019 :
1️⃣ Le 9 juin, une manifestation organisée par le CHRF (Front civil des droits de l’homme) réunit 1 million de personnes.
2️⃣ Elle est suivie de la “marche noire” du 16 juin, qui réunit cette fois 2 millions de personnes, soit plus du quart de la population de HK, et aboutit à la suspension du projet de loi controversé. Il s’agit alors de la plus grande manifestation de l’histoire de Hong Kong, dépassant le taux de participation des protestations en soutien aux manifestants de la place Tian’anmen en 1989.
Les contestations se maintiennent les mois suivants. Les hongkongais demandent la démission du chef de l’exécutif Carrie Lam, à l’initiative du projet de loi, et la libération de manifestants arrêtés. En conséquence, la répression se poursuit et les violences policières sont dénoncées par des organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International.
3️⃣ Le 31 octobre, de nouvelles contestations ont lieu pour protester contre l’interdiction du port du masque, alors qu’Halloween allait être l’occasion de nouvelles revendications. Le masque devient alors un symbole et le mouvement devient “la révolte des masques”.
Deux États, deux systèmes ? 🤔
L’année 2019 se solde surtout par une victoire écrasante des pro-démocrates (80% des voix) contre les soutiens du pouvoir central pékinois aux élections législatives locales. Les hongkongais ont fait leur choix : pour eux, ce sera la démocratie, et si besoin, l’indépendance.
👉 Ils ont donc opté pour le maintien du principe “un État, deux systèmes”. Et s’il devait prendre fin, ce serait pour être remplacé par “deux États, deux systèmes”.
Il n’en sera rien.
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2020 (la terreur) : la loi sur la sécurité nationale 😮
Début 2020, le mouvement va s’essouffler. Hong Kong souffre d’une crise économique, liée à la chute du tourisme (la grande majorité des touristes étant chinois) et à une stratégie du PCC visant à privilégier des régions comme Shenzhen et Macao pour asphyxier économiquement la région rebelle.
Surtout, les manifestations vont être très affectées par le contexte sanitaire liée à la pandémie du Covid-19. L’épidémie, cachée dans un premier temps par le gouvernement chinois, joue ici dans son intérêt.
C’est dans ce contexte que la Chine prépare, discrètement, dans les coulisses de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), sa revanche : les hongkongais seront punis. Le 30 juin 2020, la “loi sur la sécurité nationale” entre en vigueur.
Une opposition réduite au silence 🤐
Officiellement, la loi réprime les actes de “sécession, subversion, terrorisme et collusion avec des forces extérieures étrangères”.
👉 Dans les faits, elle réduit les opposants au régime de Xi Jinping au silence et porte une atteinte sans précédent aux libertés des hongkongais. 😱
La loi est en effet très vague et générale : “l’atteinte à la sécurité nationale” n’est pas clairement définie et peut être vue quasiment partout. N’importe quel geste, n’importe quel acte, n’importe quelle parole, peuvent être vus comme une atteinte à la sécurité de l’Etat.
👉 Elle est donc utilisée pour réprimer toute opposition, même si elle est parfaitement pacifique : toute personne qui critique le gouvernement chinois est menacée. Par exemple, le slogan “Libérez Hong Kong, révolution de notre temps” a tout simplement été interdit, et dans les faits, aucun slogan de ce type n’est toléré.
Déjà près de 120 personnes ont été arrêtées depuis l’entrée en vigueur du texte, il y a un peu plus d’un an. Elles encourent une peine allant de 3 ans de prison à la perpétuité.
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Contrôle accru sur la presse, l’éducation et les réseaux sociaux 👀
1️⃣ La presse hongkongaise est bâillonnée : la loi a permis aux autorités chinoises de s’attaquer aux journaux pro-démocratie. Apple Daily, “le dernier quotidien pro-démocratie à Hong Kong” à en croire le site indépendant « Hong Kong Free Press”, a dû fermer ses portes fin juin 2021.
De fait, non seulement son fondateur, Jimmy Lai, a été condamné à 28 mois de prison quelques semaines plus tôt pour avoir participé à des protestations interdites, mais les avoirs du journal ont surtout été gelés, précipitant sa fermeture.
2️⃣ Les étudiants, autres groupes d’opposants potentiels, sont dans le viseur de Pékin. La censure règne sur les campus : les chansons ou slogans contenant des slogans politiques sont interdits, le débat à caractère politique est dangereux.
En Juillet 2020, quatre étudiants ont été arrêtés pour “incitation à la sécession” après avoir créé une antenne étrangère de leur organisation indépendantiste Studentlocalism (“Initiative Independence Party” à l’étranger). Ils sont donc condamnés pour avoir « récemment fait état de la création (à l’étranger) d’organisation(s) prônant l’indépendance de Hong Kong », leur accusation reposant sur de simples posts Facebook.
3️⃣ Enfin, les libertés des internautes sont aussi menacées sur les réseaux sociaux. Les autorités peuvent non seulement supprimer du contenu en ligne, mais également recueillir des données personnelles d’utilisateurs sans mandat judiciaire.
L’autonomie judiciaire de Hong Kong réduite à néant ❌
🔙 La loi d’extradition de 2019, qui avait été abandonnée par l’exécutif hongkongais, est reprise par le texte de 2020 : les personnes arrêtées peuvent désormais être jugées, non plus à Hong Kong, mais en Chine continentale. L’autonomie judiciaire de la RAS, chère aux manifestants hongkongais et garantie par la Loi Fondamentale de 1997, est perdue.
Or, selon le droit chinois, ces personnes peuvent être détenues hors du système officiel pendant 6 mois, sans pouvoir consulter leur famille ni avoir droit à un avocat. Une telle détention secrète pourrait alors donner lieu à de durs traitements et des formes de torture.
Par ailleurs, les autorités peuvent même exiger des personnes inculpées qu’elles fournissent des informations qui les incriminent. Un tel changement marque la fin du droit au silence, donc de la présomption d’innocence et de l’équité procédurale. Il s’agit là d’une grave atteinte aux droits humains des personnes détenues.
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“Une seule Chine” 🇨🇳
Affirmer l’unité de la Chine et taire toute opposition intérieure 🤫
L’affirmation du pouvoir chinois sur Hong Kong s’inscrit dans le principe d’”une seule Chine”, au cœur de la politique chinoise post-Mao. Énoncé dès 1979 par Deng Xiaoping dans sa “politique de réunification pacifique”, ce principe a notamment été repris par Jiang Zemin, président de la RPC de 1992 à 2002, puis par les autres dirigeants du pays.
Il concerne d’abord Taïwan, ancienne île chinoise occupée en 1949 par les nationalistes du Guomindang vaincus lors de la guerre civile : Taïwan et la Chine continentale ne forment qu’”une seule Chine”, qui est vouée à être réunifiée. Zemin déclare notamment en 1995 :
Le maintien du principe d’une seule Chine constitue la base et la condition préalable pour réaliser la réunification pacifique.
Jiang Zemin
Ancien président de la République chinoise
Or, ce principe s’applique à Taïwan mais aussi très bien à Hong Kong (et on peut même étendre cette idée à la question des minorités en Chine). Hongkong, tout comme Taïwan, est une marge chinoise qui a pu échapper à son contrôle, et il s’agit donc de réunifier Hongkong et le reste de la Chine.
La RPC veut, de plus en plus, non seulement affirmer, mais accomplir l’unité de la nation. Xi Jinping a toujours affirmé sa doctrine visant à “s’efforcer à des accomplissements” (“fenfa you wei”).
👉 La loi de 2020 en est un : se rapprocher d’ “un seul État, un seul système”, c’est se rapprocher de l’idéal d’ “une seule Chine”.
Affirmer et accomplir cette unité de la Chine, c’est une façon de taire ou d’affaiblir les forces centrifuges concentrées sur son territoire et à ses marges (de Hong Kong à Taïwan en passant par le Xinjiang et le Tibet), à même de limiter son projet de puissance.
Mais, en voulant mettre fin à toute opposition intérieure par la répression, la RPC risque, non seulement de radicaliser de telles oppositions – la montée du terrorisme djihadiste au Xinjiang en atteste -, mais aussi de renforcer les oppositions extérieures à la Chine.
Hong Kong Chine : une répression intérieure qui attise les oppositions extérieures 💥
Le cas de Hong Kong a suscité de vives réactions à l’international, et en particulier au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Ces deux puissances occidentales ont non seulement pris position en soutenant Hong Kong dès la révolte de 2019, mais ont également pris des dispositions en conséquence.
La suspension des traités d’extradition ❌
À la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, les deux pays, tout comme l’Australie et le Canada, ont mis fin aux traités d’extradition qui permettaient à Hong Kong de demander l’extradition de l’un de ses ressortissants depuis l’un de ces pays pour être jugé à Hong Kong.
Les mesures britanniques 🇬🇧
Le gouvernement britannique a surtout étendu l’accès à son sol à près de 3 millions de hongkongais éligibles à un BNO (passeport d’outre-mer britannique) : celui-ci leur permettrait de travailler 5 ans au Royaume-Uni et de demander, à terme, la citoyenneté britannique.
La décision d’exclure Huawei du réseau 5G britannique n’a pas non plus été du goût des chinois.
Les mesures des Etats-Unis 🇺🇸
De leur côté, les Etats-Unis de Donald Trump ont mis fin au statut commercial préférentiel de Hong Kong et adopté une loi appelant à des sanctions contre les représentants chinois ou tout individu impliqués dans la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.
La réaction du G7 💬
Enfin, les membres du G7, y compris le voisin japonais, ont signé une déclaration officielle exhortant à la Chine de réviser la loi controversée en juin 2020.
Autant de déclarations et de mesures censées nuire aux intérêts chinois, et qui témoignent surtout d’une montée des tensions entre chinois et occidentaux. A force de chercher à être unie, à n’être qu’”une”, la Chine risque surtout d’être “seule” sur la scène internationale : si elle reste un partenaire incontournable pour n’importe quel Etat du monde, elle n’a pas d’allié (ou presque), et suscite la crainte de ses partenaires.
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Hong Kong Chine : les dates à retenir 💡
1997 | Loi Fondamentale de la RAS de Hongkong |
---|---|
2012 | Arrivée de Xi Jinping à la tête de la RPC |
2014 | Le “mouvement des parapluies” à Hongkong |
Mars 2019 | Projet de loi d’extradition |
2019 | L’année de la “révolte des masques” |
16 juin 2019 | La “marche noire” réunit 2 millions de hongkongais |
2020 | Loi sur la sécurité nationale entre en vigueur le 30 juin |
Juin 2021 | Fermeture du quotidien “Apple Daily” |
Conclusion sur la relation Hong Kong Chine 🌏
En définitive, après l’espoir d’émancipation porté par la révolte de 2019, la loi sur la sécurité nationale de 2020 permet à la RPC de mettre Hong Kong au pas, d’y imposer son autorité.
L’indépendance s’éloigne, tout comme la démocratie et les libertés octroyées par la Loi fondamentale. 💨
“Un Etat, deux systèmes” ? Plus vraiment. “Un État, un seul système” ? Sûrement. Mais la répression des hongkongais et autres opposants intérieurs ne joue pas en faveur du “soft power” de la Chine. 🇨🇳
La RPC ambitionne de devenir LA puissance mondiale et d’influencer le reste du monde ? Le “modèle chinois”, autoritaire et nationaliste, semble difficilement exportable.
A bientôt pour un prochain article ! 👋