Des statues déboulonnées et jetées à l’eau, Johnny Depp viré d’un tournage, en passant par la claque de Will Smith et son éviction de l’académie des Oscars, la Cancel Culture n’épargne personne. Dans cet article, on fait le point sur les origines de ce mouvement et on essaie d’en décrypter les enjeux !
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Cancel culture : définition 📖
On l’appelle aussi « Culture de l’effacement » ou « culture d’annulation ». La Cancel culture, c’est un mouvement qui est né aux États-Unis, son objectif est de dénoncer publiquement une personne, un groupe, ou une institution à cause d’un comportement ou de propos considérés comme inadmissibles. On parle également de « call out culture » ou d’une culture de dénonciation.
Cette pratique s‘attaque à tous les sujets qui peuvent pousser le public ou une communauté à l’indignation dans le but d’effacer une œuvre ou une parole jugée non conforme ou incompatible avec la défense d’une cause.
Une déclaration compromettante, un tweet un peu bancal, un post Facebook qui ressort des archives, une vidéo qui fait polémique…
Grâce aux réseaux sociaux, c’est devenu très facile de ternir une image ou une réputation. Aujourd’hui, personne n’est à l’abri, acteurs, grandes marques, entreprises, une personnalité politique, etc. Les exemples sont légion !
👉 En 2022, on retiendra la « gifle » de Will Smith au cours de la cérémonie des Oscars. À l’issue d’une blague de mauvais goût sur sa femme Jada, l’acteur est monté sur scène pour donner une correction à l’animateur Chris Rock
Deux semaines plus tard, la violence du geste a été condamnée par l’académie des Oscars qui a exclu l’acteur pour une durée de 10 ans. Cette décision fait débat, comme le rappel les internautes, l’académie a attendu près de 40 ans avant de choisir d’évincer le cinéaste Roman Polanski qui baigne dans plusieurs affaires d’agressions sexuelles depuis les années 1970.
👉 Le principe de la cancel culture, c’est de perturber l’activité d’une personne ou d’une entité au travers d’un boycott ou de ternir sa réputation en ligne jusqu’à ce qu’elle fasse amende honorable ou qu’elle essaie de réparer ses torts.
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Le contexte de son émergence 🧐
Le mouvement de la cancel culture est intimement lié à l’idéologie « woke » aussi appelée le wokisme. C’est une idéologie qu’on traduit en français par le terme « éveillé », c’est le fait de prendre conscience des injustices sociales et politiques !
L’idéologie woke rejoint l’ensemble des luttes antiracistes, féministes, le combat pour la reconnaissance des droits LGBT, la grossophobie et plus largement la protection de l’environnement.
À cet effet, la cancel culture est une des dernières armes dont disposent les militants pour faire entendre leurs voix. Elle permet aux victimes et aux personnes invisibilisées de dénoncer des discriminations et l’oppression subie par les minorités.
C’est quoi la cancel culture ? Une lutte contre le harcèlement sexuel 💪
Le mouvement de la cancel culture s’est développé au cours des années 2010 et s’apparente à la notion du « politiquement correct ». Il a pris une grande ampleur grâce aux manifestations numériques. Il s’est développé plus tardivement en France au travers de hashtag comme le célèbre #MeToo.
💡 Le savais-tu ?
Le terme « politiquement correct » désigne le fait d’utiliser une formulation alternative d’un propos pour ne pas heurter certaines catégories de personnes. C’est une notion qui s’inspire du droit et des critères de discrimination qui sont l’origine, le sexe, le handicap, la religion ou l’orientation sexuelle.
L’affaire Weinstein éclate en 2017, le producteur de cinéma est condamné pour viol, agressions et harcèlement sexuel. Après une vague de boycott à son encontre, le mouvement #MeToo émerge sur les réseaux sociaux.
Cette libération de la parole sur les réseaux sociaux a permis aux femmes de dénoncer leurs agresseurs au même titre que le harcèlement et les comportements qu’elles subissent au quotidien. Le mouvement #MeToo s’inscrit donc dans le combat féministe contre la « culture du viol » et le patriarcat.
La culture du viol est l’environnement social qui permet de normaliser et de justifier la violence sexuelle, alimentée par les inégalités persistantes entre les sexes et les attitudes à leur égard.
ONU Femmes
Organisation de l’ONU pour la défense du droit des femmes
Depuis l’apparition du mouvement #MeToo, les luttes féministes ont pris plus d’ampleur notamment vis-à-vis de la dénonciation du patriarcat dans la société.
Par peur d’être la victime d’un potentiel « cancel », beaucoup d’entreprises et d’organisations se sont mises à adopter une nouvelle pratique : le pinkwashing. Un stratagème marketing pour se prémunir d’un éventuel boycott du public tout en affichant un soutien (vrai ou non) à une cause.
👉 À titre d’exemple, en juin 2018, la célèbre marque de chaussures Nike avait été fortement critiquée pour avoir fait la promotion d’une nouvelle collection (vraiment pas donnée) aux couleurs de la lutte pour les droits LGBT.
💡 Le savais-tu ?
À l’image du « Greenwashing », le « Pinkwashing » est une pratique adoptée par les grandes marques et les entreprises qui visent à se réapproprier des convictions féministes dans le but de promouvoir leur image pour mieux vendre leurs produits ou leurs services.
La cancel culture c’est quoi ? Un combat contre le racisme ✊🏾
La cancel culture est également présente par le mouvement militant Black Lives Matter (BLM) qui est né aux États-Unis en 2013, porté par les communautés afro-américaines.
Le mouvement milite contre les violences policières envers les personnes racisées, et pour la dénonciation du « racisme systémique » aux États-Unis. Le mouvement est apparu en réponse aux nombreuses affaires où des afro-américains sont morts lors de leur détention par la police. La Ligue des Droits et des Libertés définit le racisme systémique comme tel :
Le racisme n’est ni nécessairement conscient, ni exclusivement individuel et fait autant partie des institutions que de la socialisation.
Ligue des Droits et des Libertés
Une lutte contre le « privilège blanc » 📣
La cancel culture permet aux mouvements antiracistes de combattre le « privilège blanc » dénoncé par les militants. Ils soutiennent l’idée que les personnes blanches sont privilégiées justement parce qu’elles n’en ont pas conscience. À l’opposé des militants woke ou « éveillés », les personnes qui n’auraient pas connaissance de leurs privilèges seraient donc « endormies ».
💡 Traduit de l’anglais «white privilege», le concept établi que les personnes blanches bénéficient d’avantages sociaux et/ou économiques que les personnes non-blanches n’ont pas en raison de leur origine ou de leur appartenance ethnique.
Le « privilège blanc » est un concept qui tire son origine de la lutte raciale aux États-Unis et du Civil Right Movement. Le concept était utilisé pour critiquer les lois « Jim Crow » dans les États du Sud, permettant d’établir la séparation entre les personnes blanches et noires dans l’espace public.
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✅ 8 moments qui ont marqué la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis
Avec la montée du mouvement BLM, la cancel culture s’est attaquée à des œuvres cinématographiques, littéraires ou artistiques. En dénote la polémique autour du film de Victor Fleming : Autant en emporte le vent.
En 2020, plusieurs historiens avaient taxé le film de « révisionniste” et porteur de préjugés racistes. Après de nombreux appels à la censure en ligne, le film a été provisoirement retiré du catalogue de la plateforme de streaming HBO Max, avant d’être rétabli avec une contextualisation :
Le film est le produit de son époque et dépeint des préjugés racistes qui étaient communs dans la société américaine.
Un porte-parole de HBO Max
Le retrait de statues 🗿
Le déboulonnage de statues aux États-Unis est un mouvement de protestation qui est apparu après le tragique décès de l’américain George Floyd lors de son arrestation par un policier blanc.
Cette bavure policière a engendré une vague de protestations menées par le mouvement Black Lives Matter. Les manifestations contre les discriminations raciales n’ont pas hésité à rappeler que le racisme d’aujourd’hui est la conséquence directe de l’esclavagisme et de la ségrégation raciale.
Les vidéos de déboulonnage fusent en ligne et sur les réseaux sociaux permettant au mouvement de s’exporter en France et dans le reste de l’Europe où sont visées de nombreuses figures de l’histoire qui ont eu rapport avec la traite d’esclaves. Léopold II colonisateur du Congo recouvert de tags à Bruxelles, Edward Colston jeté dans le port de Bristol ou encore Jean-Baptiste Colbert, l’auteur du « code noir » sur la traite d’esclaves, tagué de la mention « négrophobie d’état » devant l’Assemblée nationale.
💡 Le débat arrive en France
En juillet 2020, la statue de Napoléon place de l’hôtel de ville à Rouen est retirée pour subir une restauration. Le maire de la ville avait alors proposé de la faire remplacer par une statue de Gisèle Halimi, avocate et figure de la lutte féministe.
À la suite d’une pétition, 68% des rouennais ont voté pour le retour de Napoléon sur son socle. Pour le moment la statue n’est pas revenue et serait toujours en restauration.
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La cancel culture : Un militantisme 2.0 👨💻
Un mouvement très critiqué 📢
Les détracteurs de la cancel culture, dénoncent une forme de censure qui se ferait justice elle-même.
Dans une pétition signée par une centaine de personnalités « cancelled » pour la plupart, les signataires alertent sur les dangers et les dérives de ce mouvement. On reproche à la Cancel Culture de porter atteinte à la liberté d’expression, le mouvement est également décrit comme intolérant à l’égard d’opinions divergentes.
💡 Pour rappel, l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, précise que toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des idées.
Pour autant, beaucoup de personnes semblent oublier bien rapidement que ces libertés comportent des devoirs et des responsabilités prévues par la loi pour la protection des personnes, des groupes ou des valeurs. D’où le célèbre proverbe français :
La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.
Proverbe français
Bien que le mouvement ait pour vocation de sensibiliser le public sur les questions de justices sociales et les formes de discriminations, les méthodes liées à la cancel culture restent questionnables quant à leur efficacité.
En 2019, lors du sommet de la fondation Obama, l’ancien président des États-Unis déclarait :
Il y a des gens qui pensent que pour changer les choses, il suffit de constamment juger et de critiquer les autres. Mais ce n’est pas vraiment de l’activisme.
Barack Obama
Ancien président des États-Unis
Faut-il séparer l’œuvre de l’artiste ? 🤔
C’est l’éternel débat qui tourne autour de la cancel culture. Une personne fait un pas de travers et c’est l’ensemble de sa carrière qui est remis en question ! L’exemple le plus emblématique est celui de l’autrice J.K Rowling, la plume à l’origine des aventures du célèbre sorcier Harry Potter.
Dans ce tweet, l’autrice affirmait son soutien à une chercheuse britannique qui avait été licenciée pour avoir déclaré « on ne peut pas changer son sexe biologique ».
À la suite de cette déclaration, l’autrice a subi une vague d’accusation de « transphobie » et un appel au boycott de ses livres. Quitte à se dédouaner du succès de la saga, les acteurs Emma Watson et Daniel Radcliffe ont également condamné les propos de l’autrice.
👉 La réponse à la question « peut-on dissocier l’œuvre de l’artiste ? » reste donc à ta discrétion, il ne peut pas y avoir une unique réponse en raison du nombre de cas de figure. C’est avant tout une question d’ordre moral et d’éthique propre à chacun.
Est-ce qu’on doit juger le contenu de l’œuvre ou le comportement de l’auteur ? Est-ce qu’on doit boycotter les œuvres d’un artiste même s’il est décédé ? Est-ce du pareil au même si l’œuvre enfreint une loi ou la morale ? 🤔
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