Si je te disais que le tout premier programme informatique a été conçu il y a presque plus de 200 ans ? Et si en plus, je te disais que la personne à son origine était une femme ?
Très longtemps oubliée, son nom a presque été relégué à une simple note de bas de page dans la biographie de son paternel. Dans ce portrait, on te propose de découvrir l’histoire inspirante d’Ada Lovelace, une femme de science pionnière de l’informatique bien avant l’heure ! Let’s go ! 👊
Qui est Ada Lovelace ?
Des débuts pas très roses 🤔
Elle est née à Londres le 10 décembre 1815, fille du célèbre poète romantique Lord Byron et de la très pieuse Annabella Milbanke. Ada était la seule enfant légitime de George Gordon Byron, elle et ses parents faisaient partie de la haute société britannique.
Les géniteurs d’Ada ne partageaient absolument aucun point commun. La mère d’Ada était très douée pour les mathématiques tandis que Byron ne s’intéressait pas du tout aux nombres ou à la logique. Leur mariage n’a pas duré plus d’un an et Byron quitta le domicile familial et l’Angleterre alors qu’Ada était seulement âgée de quelques semaines.
L’anecdote 💡
Lord Byron était connu non seulement comme poète, mais aussi pour son comportement un peu loufoque. Il avait l’habitude de boire son vin dans une coupe faite à partir d’un crâne humain, il avait un ours domestique et il lui arrivait d’avoir des aventures amoureuses avec des femmes comme avec des hommes. Il a même été au centre d’un scandale incluant sa propre demi-sœur. 😐
Quand Ada fêta ses huit ans, il mourut d’une maladie en Grèce pendant la guerre d’indépendance de 1821. Ada n’a donc jamais connu son père, mais elle restera fascinée par le personnage et sa poésie.
Une éducation à contre-courant du patriarcat 🏊♀️
De ce fait, la mère d’Ada a fait en sorte que sa fille reçoive une éducation rigoureuse en mathématiques comme en sciences pour l’orienter aussi loin que possible des manies de son ex-mari qu’elle qualifiait de « malade mental ».
👉 À l’époque Victorienne, il était très inhabituel qu’on enseigne ces domaines aux jeunes filles ! Les hommes avaient l’exclusivité des sciences. On considérait que les femmes n’avaient pas l’énergie mentale nécessaire à la pratique des sciences.
Malheureusement pour Ada, elle hérita d’une santé fragile. Pendant son adolescence, elle se plaignait régulièrement de maux de têtes, de troubles de la vision, de nausées, de douleurs abdominales et de palpitations. Naturellement, ses problèmes de santé n’ont fait que renforcer l’idée préconçue qui suggère que les sciences ne sont pas faites pour les femmes…
👉 En 1831, elle attrape la rougeole, ce qui l’obligea à rester alitée plus d’un an avant de pouvoir remarcher à l’aide de béquille.
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La rencontre d’une vie 🌞
Alors qu’Ada est âgée de 17 ans, elle eut comme précepteurs les plus grands esprits intellectuels de son temps : le physicien William King, le politicien et réformateur William Frend et la fameuse Mary Somerville, une astronome et mathématicienne écossaise qui est la première dame admise dans la société royale d’astronomie !
Ada Lovelace et Mary Somerville sont rapidement devenues amies. En plus de l’algèbre et de la géométrie, Mary lui enseigna la littérature, les langues, la géographie, ou encore la musique. Somerville la fit présenter à la cour du roi ou elle ne manqua pas d’impressionner la galerie avec son brillant esprit. 😎
💡 En 1833, la Grande-Bretagne était en pleine révolution industrielle, une période riche en innovations technologiques, Joseph Niepce et Louis Daguerre invente la photographie, George Stephenson conçoit la première locomotive à vapeur et William Burt invente le typographe, l’ancêtre de la machine à écrire.
Ada avait alors tout pour réussir. Elle avait la chance d’avoir reçu une rigoureuse éducation, elle était entourée d’intellectuels, elle avait accès à des investisseurs et à des personnes à forte influence politique. Tout cela en raison de son rang dans la société.
Cette année-là, Ada eut la chance de faire partie d’un petit groupe d’élus en étant invitée à une soirée mondaine tenue par l’inventeur Charles Babbage. Lors de cet événement, Babbage présenta sa toute nouvelle invention qui, une fois construite, allait être capable de remplacer une armée de pros du calcul. Une invention qui fascina Ada, autant que son esprit fascinait Babbage.
Une amie d’Ada présente à cette soirée, Sophia Frend, écrivait à son propos :
Miss Byron, aussi jeune soit-elle, comprit son fonctionnement et vit l’immense beauté de cette invention
Sophia Frend
Ecrivaine
Un destin partagé entre passion et famille 🤷♀️
En 1835, Ada se marie avec William King. (Pas son tuteur, mais un homonyme de la même famille.) Trois ans après leur union, William est fait Comte de Lovelace, ainsi Ada obtient le très honorable titre de Lady Augusta Ada Byron King, Comtesse de Lovelace.
Alors qu’elle commençait à se faire une place dans le monde scientifique, Ada Lovelace est rapidement rattrapée par la vie d’une femme de son époque, à savoir : tenir un foyer et faire des enfants. Elle a eu 3 enfants au cours de sa vie. Byron, né en 1836, Annabella en 1837 et Ralph Gordon, né en 1839.
Chacune de ses grossesses a mis sa santé à rude épreuve. En raison de sa condition physique et de ses nouvelles responsabilités de parent, elle consacra très peu de temps aux mathématiques pendant cette période. Évidemment, les scientifiques hostiles à une présence féminine dans leurs cercles privés ne manquaient pas de mettre ses soucis de santé sur le compte des mathématiques, « beaucoup trop éprouvant pour une femme ». 😑
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Elle reprend finalement ses études des mathématiques en 1839, sous la tutelle d’Augustus de Morgan, un ami mathématicien qui lui a été recommandé par Babbage !
Les inventions de Charles Babbage 🔬
La Machine à Différences
Avant l’électricité et qu’on soit tous habitués à presser des boutons pour obtenir des résultats, en astronomie et en navigation, il fallait faire les calculs à la main, ce qui était particulièrement laborieux !
Pour se repérer en mer ou corriger un cap, il fallait se repérer à l’aide de l’astronomie, même si les opérations se résumaient à des additions et des soustractions, ça demandait des quantités de calculs… astronomiques ! Pour se simplifier la tâche, les navigateurs utilisaient des tables de logarithmes pour obtenir plus rapidement les informations sur la position des astres qu’ils observaient.
Babbage avait pour ambition d’éradiquer l’erreur humaine ! Son objectif était de remplacer les tables logarithmiques par une machine beaucoup plus précise capable d’exécuter des calculs arithmétiques. Selon lui, les tables de logarithmes comportaient beaucoup trop d’erreurs et elles en causaient beaucoup !
En même temps passer sa journée à lire des lignes et des colonnes de chiffres interminables ça fatigue ! On aurait pu se dire que faire des relectures résoudrait le problème, mais elles étaient soumises aux mêmes risques d’erreur. 🙄
La Machine à différence au Science museum de Londres
Table de logarithmes, début du XIXème siècle | École polytechnique fédérale de Zurich
👉 Unité centrale de calcul, mémoire, lecteur de cartes, imprimantes, etc. En bref, Babbage venait d’inventer le concept d’ordinateur. D’où son surnom de « père des ordinateurs » !
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À la suite de cette rencontre, Lovelace et Babbage ont noué une forte amitié. Ils correspondaient régulièrement et Ada Lovelace lui rendait régulièrement visite pour constater les avancées de ses travaux. C’est là que Babbage lui confia que ce n’était qu’un prototype et qu’il travaillait sur une deuxième machine beaucoup plus ambitieuse !
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La machine Analytique 🧐
Charles Babbage avait eu l’idée de cette nouvelle machine en observant un métier à tisser conçu par Jacquard en 1803. Le métier à tisser fonctionnait avec un système de cartes perforées qui permettait de guider des crochets pour tisser des motifs complexes à la chaîne.
Comment ça marche ? 💡
Pour expliquer simplement son fonctionnement : une carte perforée est poussée contre une série de tiges qui sont reliées à des crochets. Si une tige passe dans un trou de la carte, le crochet ne bouge pas, sinon la carte pousse la tige ce qui met le crochet en mouvement ! Le mouvement du crochet fait ensuite tourner des engrenages numérotés qui traitent des opérations !
En 1842, le physicien Charles Wheatstone propose à Lovelace de traduire un article en français décrivant la machine de Babbage.
L’article est écrit par Luigi Federico Menabrea, un mathématicien et ancien ministre italien ! Il est publié dans le journal académique « Bibliothèque Universelle de Genève », sous le titre « Notions sur la machine analytique de Babbage », c’est en quelque sorte le premier article d’informatique !
Après avoir lu son article en français, Menabrea constate que la traductrice, s’est permis d’ajouter des notes supplémentaires très détaillées pour décrire les travaux de Babbage. Dans une lettre à son éditeur, Menabrea écrivait à propos d’elle :
Les notes qui accompagnaient la traduction de mon petit mémoire étaient extrêmement remarquables et annonçaient dans leur auteur, une sagacité peu ordinaire.
Luigi Federico Menabrea
Mathématicien & ancien premier ministre Italien
Charles Babbage a été très impressionné par les notes de Lovelace et il la poussa à approfondir ses notes. Elle y détaille précisément le fonctionnement de la machine, le système de cartes perforées, les emplacements et les fonctions des rouages, etc.
Selon Ada, la machine pourrait reproduire tout ce que fait un humain, à savoir de la musique, de la poésie, ou de l’art pictural à condition qu’on lui fournisse le bon programme pour y arriver ! En comparant la machine avec le métier à tisser elle écrit :
Nous pouvons dire avec la plus grande justesse que la Machine Analytique tisse des motifs algébriques comme le métier de Jacquard tisse des fleurs et des feuilles.
A. Lovelace
Notes Additionnelles à la Description de la Machine Analytique, 1842
Dans ses notes, Ada Lovelace n’oublie pas d’inclure le tout premier algorithme écrit, prévu pour être exécuté par une machine, ce qu’on appelle communément aujourd’hui : un programme informatique !
Le manuscrit du premier programme rédigé par Ada Lovelace | image wikipédia
Un métier à tisser Jacquard | Maquette du CNAM à Paris
Première maquette de la machine Analytique au Science museum de Londres
Le savais-tu ? 💡
En juillet 2018, lors de ventes aux enchères qui se sont tenues à Londres, une copie du manuscrit de la traduction d’Ada Lovelace a été vendue pour 97.000 £, soit l’équivalent d’un peu plus de 100.000 euros. On estime qu’il n’existe aujourd’hui plus que 6 copies de cet ouvrage.
Une révolution étouffée dans l’œuf 🌍
Pour comprendre l’envergure de cette innovation, il faudra attendre 1930 pour connaître d’autres avancées dans le domaine informatique, près de 100 ans plus tard ! Les progrès auraient pu intervenir beaucoup plus tôt, mais Lovelace et Babbage avaient particulièrement besoin d’argent, ce qui freinait leurs projets.
Le gouvernement britannique avait financé le prototype de Babbage. Un groupe de recherche du London Science Museum a estimé son coût à un demi-million de dollars, soit l’équivalent de deux navires de guerre de la période victorienne ! Cette fois-ci, on leur a refusé des fonds cruciaux pour développer la machine analytique, Charles Babbage n’en avait construit qu’un morceau tandis qu’elle devait atteindre une taille équivalente à celle d’une locomotive à vapeur.
Pour financer ses recherches et trouver des fonds, elle ira jusqu’à s’initier aux paris hippiques. Elle a eu l’idée de développer des algorithmes dans l’espoir de gagner, mais les maths ne lui ont pas fait de cadeau cette fois-ci et se retrouve rapidement criblée de dettes.
Une Punk chez les aristos ? 💡
Les paris hippiques et ses problèmes de dettes s’ajoutent à son mode de vie considéré comme « dépravé ». Elle jure, elle fume, elle est agressive, Ada trompe même son mari ! Elle a très peu la côte dans les cercles de l’aristocratie britannique.
Hommages posthumes 🪦
Pour soigner ses problèmes de santé récurrents, elle utilise du Laudanum. C’est une sorte de préparation à base d’opium qui la rend très vite ‘addict‘. En 1852, elle décède prématurément à 36 ans à cause d’un cancer de l’utérus.
Aujourd’hui, on se souvient d’Ada Lovelace comme d’une femme trop en avance sur son temps et qui a fini dévorée par son époque. Imagine un monde où la machine aurait été financée et construite, un monde où Ada ne serait pas décédée si jeune et où l’ordinateur aurait été inventé 100 ans plus tôt. Dingue non ?
Le savais-tu ? 💡
Dans la fiction, Ada Lovelace est l’un des principaux personnages du roman La Machine à différences de Bruce Sterling et William Gibson. C’est une histoire qui décrit un univers alternatif dans lequel l’invention de Babbage aurait été produite de manière industrielle et où l’ère informatique aurait commencé un siècle plus tôt. C’est un exemple très connu du mouvement Steampunk !
Longtemps oubliés, les travaux d’Ada Lovelace sont revenus sur le devant de la scène lors de l’avènement de l’ère informatique. Entre 1977 et 1983, le département de la défense américain à développé un langage de programmation qui a été nommé Ada en son hommage. On a également donné son nom à un des supercalculateur du CNRS ! De son côté, Microsoft avait fait imprimer un portrait d’Ada Lovelace sur les certificats d’authenticité de ses produits Windows.
Qui est Ada Lovelace : les dates clés 💡
| 1815 | Naissance d’Ada |
| 1832 | 17 ans, elle reçoit des cours de nombreux précepteurs |
| 1833 | Rencontre avec Charles Babbages et découverte de sa Machine |
| 1835 | Elle se marie avec William King |
| 1836 | Naissance de son premier enfant Byron |
| 1837 | Naissance de sa fille Annabella |
| 1839 | Naissance de son deuxième fils Ralph Gordon et reprise de ses études |
| 1842 | Elle rédige sa traduction et son manuscrit |
| 1852 | Elle décède d’un cancer de l’utérus à 36 ans |
