Indispensable Ă la vie et Ă la santĂ© des hommes, lâeau est une ressource dâune importance cruciale pour le bon dĂ©veloppement des pays. Nous ne parlerons dans cet article que de lâeau douce et sa place dans la gĂ©opolitique des territoires et des Etats. Ainsi Ă chaque fois que tu verras le terme « eau », pense directement quâil sâagit de lâeau douce. đ
đĄ Cette question de lâeau recoupe dâautres interrogations, notamment celles sur la santĂ© (la question de lâeau potable), celles sur le dĂ©veloppement Ă©conomique et social ou encore celles sur la loi. Lâeau possĂšde ainsi de nombreux enjeux quâil faut avoir en tĂȘte pour apprĂ©hender au mieux ce sujet :
đđ» Un enjeu social et environnemental tout dâabord. La question de lâaccĂšs Ă une eau potable et lâĂ©vitement de tous les problĂšmes sanitaires liĂ©s Ă la pollution de lâeau sont des prĂ©occupations que connaissent tous les pays quel que soit leur dĂ©veloppement.
đđ» Un enjeu Ă©conomique transparaĂźt clairement. Lâeau est une ressource indispensable pour lâagriculture, pour lâindustrie ou encore le tourisme.
đđ» Un enjeu gĂ©opolitique majeur et non nĂ©gligeable Ă lâheure actuelle dans certaines parties du monde. Lâeau est vectrice de coopĂ©ration rĂ©gionale et est Ă la source de nombreux enjeux locaux plus ou moins conflictuels.
A travers cet article, nous allons tenter de répondre à diverses questions :
- Lâeau est-elle un bien commun de lâhumanitĂ© ? Dans quelle mesure est-elle privatisĂ©e ?
- Lâeau est-elle source de conflits intra et extra-Ă©tatiques ? Peut-elle ĂȘtre au contraire un moyen de rapprochement entre Etats ?
- Comment faire face Ă la rarĂ©faction de lâeau et aux difficultĂ©s sanitaires que rencontrent certains pays ?đ€
L’eau douce : un or bleu
Deux définitions importantes :
đĄ Eau potable : Câest un Ă©lĂ©ment indispensable Ă la vie et Ă la santĂ© des hommes et des Ă©cosystĂšmes et une condition fondamentale au dĂ©veloppement des pays. Cette dĂ©finition est celle donnĂ©e par le forum mondial de lâeau de La Haye dans les annĂ©es 2000.
đĄ Ressource naturelle : Il sâagit dâune substance prĂ©sente dans la nature et qui, une fois transformĂ©e (ou non), permet de satisfaire un besoin. Ce besoin peut ĂȘtre dâorigine alimentaire, Ă©nergĂ©tique ou mĂȘme un besoin « dâagrĂ©ment » (construction de bĂątiment, de vĂȘtement, de vĂ©hicule etcâŠ).
Lâeau est donc une ressource naturelle qui rĂ©pond Ă la demande de plusieurs besoins distincts : boire pour survivre, irriguer des champs, rĂ©cupĂ©rer des minerais par injection, refroidir le cĆur dâune centrale nuclĂ©aire⊠tant dâapplications qui rendent lâeau douce indispensable au bon dĂ©veloppement dâune sociĂ©tĂ©. Le problĂšme qui va se poser est celui de la rarĂ©faction de cette eau : lâeau est une ressource finie dans laquelle nous puisons toujours plus afin de rĂ©pondre aux besoins du monde entier. De cette rarĂ©faction vient naturellement la question dâune hausse des prix de cette ressource. Ces deux interrogations suffisent Ă amener une dimension gĂ©opolitique Ă lâeau et Ă voir naĂźtre de nombreux conflits pour les territoires oĂč cette ressource est prĂ©pondĂ©rante.
đĄïž Ces conflits vont tout dâabord naĂźtre Ă lâissue dâune premiĂšre affirmation : lâeau est une ressource inĂ©galement rĂ©partie sur terre. Seulement 2,5% de lâeau sur terre est utilisable, ce qui est vraiment peu pour une ressource aussi convoitĂ©e ! LâinĂ©galitĂ© peut ĂȘtre interĂ©tatique (En fonction de la taille des territoires et du climat), intraĂ©tatique (Plusieurs territoires dâariditĂ© diffĂ©rentes comme en Inde par exemple), ou mĂȘme temporelle : cette inĂ©gale rĂ©partition de lâeau Ă©volue temporellement avec lâaugmentation de la dĂ©mographie et lâessor de son utilisation : En effet, depuis les annĂ©es 1950, lâeau disponible/an/habitant a Ă©tĂ© divisĂ©e par 3 !
Si nos pays dĂ©veloppĂ©s ne ressentent pas le contrecoup de cette surexploitation (il suffit de regarder le prix dâun pack dâeau en magasin), câest uniquement car dâautres Ătats en portent tout le poids sur leurs Ă©paules ! Selon lâONU, 1 milliard de personnes nâont pas accĂšs Ă un point dâeau protĂ©gĂ©. De plus, nous pouvons ajouter quâactuellement 4 personnes sur 10 sont touchĂ©es par la rarĂ©faction de lâeau Ă travers le monde. Cette question de lâeau reflĂšte les clivages Nord-Sud existants. Certains pays restent Ă©pargnĂ©s tandis que dâautres connaissent dĂ©jĂ de grandes difficultĂ©s : en 2018, les autoritĂ©s de lâAfrique du Sud proclament lâĂ©tat de catastrophe naturelle dans tout le pays alors que le Cap a atteint son « jour 0 », câest-Ă -dire le jour oĂč la ville a Ă©tĂ© totalement privĂ©e de ses ressources personnelles en eau. Encore aujourdâhui, le Cap doit rationner de maniĂšre drastique son eau.
En plus de cette inĂ©gale rĂ©partition de lâeau, on assiste Ă de nombreux conflits pour son usage. Au sein dâun mĂȘme Etat, des conflits entre les diffĂ©rents secteurs peuvent avoir lieu puisquâils ne sont pas tous aussi gourmands en eau : lâagriculture utilise actuellement 70% des ressources en eau contre 23% pour lâindustrie et seulement 7% pour le tourisme. Ces conflits entre secteurs peuvent devenir rapidement des conflits entre zones puisquâil existe des divergences de consommations entre les villes et les campagnes. Mais bien plus que des conflits au sein dâun mĂȘme Ătat, cela peut dĂ©gĂ©nĂ©rer entre plusieurs : le cas dâĂ©cole classique est celui du conflit liĂ© au Nil entre lâEgypte et lâEthiopie, mais nous en reparlerons lorsque nous observerons la question de lâeau en Afrique.
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Face Ă toutes ces inĂ©galitĂ©s et cette surexploitation, quel avenir possĂ©dons-nous au milieu de tout cela ? La pĂ©nurie semble impossible Ă contrer Ă lâheure actuelle : Ă cause du rattrapage des pays en voie de dĂ©veloppement, dont certains (comme lâInde ou la Chine) dĂ©passent le milliard dâindividus, on ne peut quây voir une hausse de la demande en eau pour lâagriculture, lâindustrie et les infrastructures. Les prĂ©lĂšvements sont inquiĂ©tants alors que les aquifĂšres (nappes dâeau naturelles) se tarissent. Cela reprĂ©sente alors un dĂ©fi puisque la ressource est trĂšs fragile. Il sâagit dâun dĂ©fi gĂ©opolitique tout dâabord, puisque la question de lâeau amĂšne des mouvements armĂ©s importants pour protĂ©ger les rĂ©serves les plus importantes (comme avec lâIndus dans le Cachemire). Le dĂ©fi sanitaire aussi sera important Ă prendre en compte : 8% des maladies dans les pays les moins dĂ©veloppĂ©s sont liĂ©es Ă lâeau qui nâest pas assainie. Enfin, le dĂ©fi environnemental sera non nĂ©gligeable et pourra aussi se rapporter dans une certaine mesure au dĂ©fi sanitaire.
Depuis la prise de conscience de toutes ces problĂ©matiques, lâhomme a-t-il trouvĂ© des solutions ? La rĂ©ponse sera Ă la fois oui⊠et non. De nouvelles pratiques sâimposent afin de freiner cette utilisation dâeau massive et le monde cherche Ă obtenir la formation dâun modĂšle mondial de gestion de lâeau : le Conseil mondial de lâeau naĂźt en 1994, le Forum mondial de lâeau apparaĂźt en 1997⊠Cependant, le bilan reste mitigĂ©. On y a appris quâil fallait mĂ©nager la ressource et la traiter efficacement, mais rien nâa Ă©tĂ© mis en place officiellement : tout se joue sur le bon-vouloir des Etats. En 2010, lâONU dĂ©clare lâeau comme un bien mondial car fondamentale pour lâhomme mais la ressource reste payante et devient un marchĂ© de plus en plus juteux.
L’eau en Afrique
đĄ LâAfrique est le seul continent oĂč le pessimisme est bien ancrĂ© dans notre reprĂ©sentation. Quand je souhaite parler de lâeau en Afrique, trois fois sur quatre, mes interlocuteurs vont penser directement Ă un manque. Des zones arides, des dĂ©serts, peu de pluies, des sĂ©cheresses mortelles⊠oui, lâAfrique câest tout cela, mais pas que !
Lâeau en Afrique, câest avant tout 10% des ressources mondiales pour 16% de la population. Rien que sur ce chiffre, on voit que la pĂ©nurie nâest pas forcĂ©ment le souci ! Le continent se trouve en rĂ©alitĂ© entre abondance et raretĂ© : effectivement il existe des zones sĂšches qui vont couvrir des territoires gigantesques tel le dĂ©sert du Sahara mais on peut apercevoir quelques rares zones humides : la Turquie (avec le Delta du Gediz) ou les Grands Lacs.
đĄ En rĂ©alitĂ©, les principaux soucis de lâAfrique concernent la dĂ©mographie explosive de certains pays ainsi que les dĂ©fauts structurels que le continent connaĂźt. La croissance dĂ©mographique et urbaine va poser le problĂšme dâun Ă©chec du dĂ©veloppement des infrastructures, ainsi que celui du manque dâapprovisionnement des villes.
La réalité en chiffre :
đđ» 1/3 des habitants de Madagascar ne sont pas approvisionnĂ©s en eau potable.
đđ» 1/3 de lâeau Ă Lagos (Nigeria) est perdue Ă cause des dĂ©fauts structurels du systĂšme dâassainnissement.
đđ» DĂ©mographie : la population du NigĂ©ria est de 198 millions dâhabitants. En 2050, elle dĂ©passera les 400 millions ! Comment donc les politiques vont pouvoir amĂ©liorer cet approvisionnement en eau dans une ville dĂ©jĂ saturĂ©e ?
Nous en sommes donc dĂ©jĂ Ă un stade avancĂ© dans ce marasme structurel qui ne peut se dĂ©velopper aussi vite que la population. Les villes connaissent le mĂȘme sort : les bidonvilles se dĂ©veloppent bien plus rapidement que les structures solides, les entreprises de BTP Ă©tant incapables de construire suffisamment rapidement pour contrer lâexode rural.
đĄ Dans les milieux ruraux, les structures manquent et sont bien souvent le dĂ©part de nombreux problĂšmes. Les maladies se dĂ©veloppent et demeurent un problĂšme endĂ©mique du continent (notamment sur la Corne de lâAfrique et dans lâOuest de lâAfrique Subsaharienne) qui passe par un manque dâassainissement de lâeau.
đĄïž Lâeau est aussi un facteur de compĂ©tition entre les diffĂ©rents Etats africains. Les fleuves allochtones (câest-Ă -dire ceux qui traversent plusieurs pays) sont bien souvent sources de discordes entre les pays en amont et en aval.
đĄïž Câest le cas de lâEgypte qui est en conflit avec lâEthiopie : le Nil est important pour lâEthiopie et la construction de barrage en amont comme souhaitĂ© par lâEtat Ă©gyptien amĂšne immanquablement une rarĂ©faction de lâeau du Nil pour les pays en aval. Lâex-prĂ©sident Ă©gyptien Anouar El-Sadate (aux commandes du gouvernement entre 1970 et 1981) a insinuĂ© que « Le seul mobile qui pourrait conduire lâEgypte Ă entrer de nouveau en guerre est lâeau ». Et cela est un fait ! En 2013 lâex-prĂ©sident Mohammed Morsi a laissĂ© prĂ©sager une guerre de lâeau face Ă lâEthiopie. On ne rigole pas avec les besoins en eau des Etats.
đĄïž Les enjeux environnementaux et sanitaires sont cruciaux en Afrique quand on aborde la question de lâeau. Les villes et lâutilisation de lâeau dans lâagriculture polluent les fleuves et lâingestion dâune eau impure apporte de nombreuses maladies graves (le cholĂ©ra pour nâen citer quâune). De plus, le paludisme se dĂ©veloppe lorsque les moustiques sont en contact avec une eau impropre.
OĂč en est-on aujourd’hui ?
Nous avons parlĂ© des enjeux environnementaux et gĂ©opolitiques, il nous reste Ă dire deux mots sur lâenjeu Ă©conomique. Comme dit prĂ©cĂ©demment, lâeau est une ressource fortement liĂ©e au dĂ©veloppement et Ă la mise en valeur des territoires. Par lâagriculture ou encore lâindustrie, lâAfrique devra se dĂ©velopper en puisant davantage dans ses rĂ©serves. Lâindustrie Ă©tant peu dĂ©veloppĂ©e, une forte hausse des activitĂ©s industrielles dans les prochaines annĂ©es en Afrique supposera donc un Ă©puisement drastique des aquifĂšres africains. Et cela amĂšnera encore plus dâinĂ©galitĂ©s.
Car effectivement, puisque lâAfrique possĂšde des rĂ©serves dâeau, les problĂšmes liĂ©s Ă cette derniĂšre sont surtout liĂ©s aux questions des fortes inĂ©galitĂ©s que connaĂźt lâAfrique. Depuis les annĂ©es 1990, les pays africains possĂšdent de meilleurs systĂšmes et de plus grandes sources dâapprovisionnements, pourtant une part toujours plus importante de personnes nâont pas accĂšs Ă tout cela. Les PAS (Programmes dâAjustements Structurels) conçus par le FMI pour faire face Ă la crise des Etat Africains dans les annĂ©es 1990 vont amener des privatisations qui nâapporteront quâune hausse des inĂ©galitĂ©s malgrĂ© un renforcement effectif des structures.
đĄ Pourtant, lâAfrique est consciente de lâimportance de lâeau. En 1990, les Etats africains sâengagent Ă fournir en eau leur population quelle que soit la difficultĂ© des mesures prises selon la Charte d’Addis-Abeba. De mĂȘme en 1994, lâAfrique du Sud proclame le droit Ă lâeau. LâAfrique a une conception publique de lâeau qui devient un droit mais cela est pour le moment un Ă©chec et le privĂ© a Ă©tĂ© trouvĂ© comme solution. Aujourdâhui, de grands groupes dĂ©tiennent les quasi pleins pouvoirs sur les eaux de nombreux pays africains (Suez et VĂ©olia pour ne citer que les deux principales entreprises).
Un exemple probant : le Lac Tchad
đĄïž Le Lac Tchad est un lac qui est vital pour de nombreux pays dâAfrique : le Cameroun, le Niger, le NigĂ©ria, et bien entendu le Tchad. Ce lac doit permettre dâĂ©viter la dĂ©sertification des terrains du Sahel. Aujourdâhui, 22 millions de personnes vivent sur ses rives. Ce lac a perdu 80% de sa superficie durant les 40 derniĂšres annĂ©es Ă cause de lâaction de lâhomme et de la sĂ©cheresse. Câest donc tout un Ă©cosystĂšme qui risque de sâeffondrer. Cela amĂšnera donc une migration massive dans les prochaines dĂ©cennies si rien nâest fait.
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L’eau en tant que progrĂšs : les barrages Inga
đĄ Les barrages Inga correspondent Ă plusieurs barrages de grandes envergures en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo. Il nâexiste pour le moment que les barrages Inga I et Inga II ayant respectivement une capacitĂ© de 300 MW et 1400 MW. Inga III est en projet et devrait dĂ©livrer 4500 MW. Un quatriĂšme barrage beaucoup plus massif devrait aussi faire son apparition un jour : il sâagit du « Grand Inga » ayant une capacitĂ© de 39 000 MW !
đĄïž Ces barrages sont actuellement des Ă©checs : Inga I et Inga II ne sont en rĂ©alitĂ© qu’Ă 20% de leur potentiel car ils sont en constantes rĂ©novations, ce qui gaspille lâargent de la RDC (environ 1 milliard dâeuros est perdu Ă cause de ces deux barrages). Il sâagit donc dâun Ă©chec Ă©conomique, mais aussi dâun Ă©chec de dĂ©veloppement : seulement 9% des Congolais possĂšdent de lâĂ©lectricitĂ© puisque le rĂ©seau de distribution coĂ»te encore beaucoup trop cher. DerriĂšre ce projet dâenvergure, Mobutu (ancien prĂ©sident de la RDC) souhaitait mettre en place un autre projet pharaonique visant Ă attirer lâattention et le prestige sur son pays, aprĂšs une politique spatiale dĂ©sastreuse et trĂšs coĂ»teuse.
Bien que les barrages soient aujourdâhui inefficaces, cela nâen reste pas moins un grand rĂȘve et un bel espoir pour le dĂ©veloppement congolais. Si les barrages tournaient Ă plein rĂ©gime, on estime que la RDC pourrait crĂ©er 40% de la consommation Ă©lectrique africaine Ă elle-seule.
Le projet est-il rĂ©alisable ? La question du Grand Inga reste en suspens (la RDC est loin de pouvoir mettre au point de maniĂšre rentable un barrage de 39 000 MW). Nous pouvons cependant observer la mise en place de Inga III : lâAfrique du Sud a promis dâacheter 50% de la production dâInga III dĂšs que le barrage sera opĂ©rationnel, ce qui pourrait rendre le barrage potentiellement rentable. La crĂ©ation et lâexploitation du barrage Inga III pourrait ĂȘtre une solution au dĂ©veloppement de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo.
L’eau au Moyen-Orient
đĄ Lâeau au Moyen-Orient est trĂšs rare : seulement 0,7% de lâeau douce mondiale totale pour 4% de la population. Les climats sont arides ce qui explique que lâeau manque sur le territoire. Il sâagit dâune ressource cruciale pour le dĂ©veloppement de la rĂ©gion, et son manque pĂšse cruellement et pousse les Etats Ă trouver de nouvelles solutions. En Arabie Saoudite, le dessalement de lâeau de mer reprĂ©sente un juteux marchĂ© puisquâil sâagit dâune action incontournable pour le pays. Pour le moment, le dessalement en Arabie Saoudite est contrĂŽlĂ© par la Saline Water Conversion Corporation (SWCC) qui est une entreprise publique. Cependant, en juin 2020, elle a lancĂ© un appel aux entreprises dans le but de privatiser lâusine de Ras al-Khair, la plus grande usine de dessalement au monde.
Avec les projets pharaoniques qui se construisent au Moyen-Orient, les pays ont besoin dâune quantitĂ© dâeau douce phĂ©nomĂ©nale et ont donc recours aux usines de dessalement. Il nâest donc pas Ă©tonnant de retrouver toutes les plus grandes usines de dessalement dans cette rĂ©gion. 22% de lâactivitĂ© mondiale de dessalement se passe en Arabie Saoudite, 20% au Emirats Arabes Unis, 6,6% au KoweĂŻt et 5,8% au Qatar. Cela sâexplique par cette hausse du besoin en eau depuis quelques annĂ©es (lâexemple le plus probant reste le projet NEOM, une mĂ©galopole futuriste, conçue par lâArabie Saoudite) ainsi que par le climat aride loin dâĂȘtre clĂ©ment pour les peuples vivant dans la rĂ©gion.
Une eau au cĆur de problĂ©matiques conflictuelles : l’eau et IsraĂ«l
đĄïž Comme dit prĂ©cĂ©demment, la rĂ©gion est en dĂ©ficit hydrique. Cependant, le dĂ©veloppement dâIsraĂ«l demande des quantitĂ©s importantes dâeau douce pour satisfaire sa population et afin de dĂ©velopper son Ă©conomie. IsraĂ«l compte sur son agriculture qui sâexporte dans le monde entier, et qui est lâune des principales mannes Ă©conomiques du pays. Cette agriculture nĂ©cessite beaucoup dâeau, qui ne se trouve que dans certains points stratĂ©giques de la rĂ©gion : le Golan et la Cisjordanie. Ces deux territoires ont donc une forte valeur stratĂ©gique qui ralentissent le processus de paix avec les Palestiniens puisquâil sâagit de territoires qui sont vitaux pour IsraĂ«l.
Rendre les territoires annexĂ©s semble donc compromis pour IsraĂ«l de ce fait. Le plateau du Golan a Ă©tĂ© administrĂ© par IsraĂ«l (puis annexĂ©) depuis la Guerre des Six Jours en 1967, face aux troupes arabes. Pour la Cisjordanie, cela semble encore plus compliquĂ© : la CommunautĂ© Internationale considĂšre que la Cisjordanie appartient Ă IsraĂ«l mais les heurts face aux Palestiniens dans la rĂ©gion montre que le territoire est en rĂ©alitĂ© disputĂ© entre le gouvernement israĂ©lien et les troupes palestiniennes. RĂ©cemment, les violences en Cisjordanie et Ă Gaza se sont multipliĂ©es et donnent des indications claires quant Ă la stratĂ©gie dâIsraĂ«l sur les territoires : IsraĂ«l dĂ©sire sĂ©curiser ses approvisionnements en eau et garder la mainmise sur les territoires, tout en refoulant les Palestiniens. Ce refoulement des Palestiniens mĂšne Ă son tour une vĂ©ritable inĂ©galitĂ© liĂ©e Ă lâeau : les colons israĂ©liens en Cisjordanie consomment en moyenne 400 litres par jour, contre seulement 70 par jour au mieux pour les Palestiniens.
đĄ La colonisation dâIsraĂ«l, les lois de sĂ©paration des territoires, la construction de murs, le renforcement des dĂ©crets contre les antisionistes et le constant lobbying ne sont pas uniquement des consĂ©quences liĂ©es Ă cette volontĂ© de protĂ©ger les points dâeau. Que lâon ne sây trompe pas, la question de lâeau dans la rĂ©gion nâest pas la seule explication du conflit israĂ©lo-palestinien : il sâagit dâUNE maniĂšre de lire le conflit. Les conflits ont des causes qui sâentremĂȘlent, et qui ne sâexpliquent jamais par une seule cause. Cela est important Ă savoir quand il faut Ă©tudier un conflit et, de la mĂȘme maniĂšre, le conflit israĂ©lo-palestinien nâest PAS uniquement un conflit religieux.
L’eau en Asie
đĄ MalgrĂ© quelques territoires dĂ©sertiques (Ă lâexemple du plateau de Deccan en Inde), lâeau est plutĂŽt abondante en Asie. Entre les nombreux fleuves et les moussons, les civilisations asiatiques sont effectivement des « civilisations de lâeau et du vĂ©gĂ©tal » : la culture du riz est fortement liĂ©e au dĂ©veloppement des Etats le long des fleuves et les villes les plus riches et qui ont connu lâexpansion la plus pĂ©renne sont celle dans les plaines irriguĂ©es si bien que les plateaux des montagnes furent considĂ©rĂ©s comme des zones marginales oĂč seuls les citoyens ayant fui leur pays peuvent vivre. La richesse des territoires est donc plutĂŽt proportionnelle Ă leur irrigation. Cette eau est maĂźtrisĂ©e par la prĂ©sence de barrage (Les Trois Gorges sur le Yangzi) et possĂšde un vĂ©ritable intĂ©rĂȘt gĂ©opolitique pour la rĂ©gion.
đđ» Cependant, cette abondance est peu suffisante devant les dĂ©fis du dĂ©veloppement actuel. Lâeau est une ressource polluĂ©e et en pĂ©nurie sur de nombreux territoires : il sâagit donc dâune prĂ©occupation majeure pour les pays asiatiques. Ainsi, les deux problĂšmes que connaĂźt lâAsie sur ce sujet proviennent essentiellement dâun manque criant dâinfrastructures (car le spectaculaire dĂ©veloppement des pays asiatiques ne sâest pas toujours accompagnĂ© dâune parfaite connexion des eaux) ainsi que lâexplosion dĂ©mographique (qui est lâun des principaux risques que rencontre lâAsie).
Une ressource conflictuelle : l’exemple de l’Indus
đĄïž LâIndus est lâune des grandes raisons qui font du Cachemire une rĂ©gion oĂč le conflit reste encore vif de nos jours. La moitiĂ© des systĂšmes dâirrigation et la moitiĂ© de lâĂ©lectricitĂ© pakistanaise est fournie par lâIndus. Le problĂšme majeur pour le Pakistan provient du fait quâil ne maĂźtrise absolument pas ce fleuve : lâIndus commence sa course dans les montagnes de lâInde. Cela signifie que la moitiĂ© de lâeau et de lâĂ©lectricitĂ© du Pakistan se trouve actuellement entre les mains de lâInde, un rival historique non-nĂ©gligeable pour le Pakistan. Pour pallier les risques dâune potentielle fermeture du « robinet pakistanais » par lâInde, un traitĂ© a Ă©tĂ© mis en place en 1960.
MalgrĂ© ce traitĂ©, lâInde continue de menacer le Pakistan afin de les faire plier sur des questions stratĂ©giques. En septembre 2016, 10 soldats indiens ont Ă©tĂ© tuĂ©s dans le Cachemire, lâInde a donc menacĂ© le Pakistan dâaccĂ©lĂ©rer la construction des barrages sur lâIndus en reprĂ©sailles.
đĄïžCette question de lâeau dans le Cachemire reste donc clivante : lâIndus est nĂ©cessaire pour le Pakistan mais la crĂ©ation de barrages par lâInde est aussi une opportunitĂ© Ă©nergĂ©tique intĂ©ressante. Il sâagit un peu de la mĂȘme problĂ©matique que rencontrent lâEgypte et LâEthiopie.
đĄSi tu veux plus dâinfos sur le Cachemire, on t’a fait un super article dessus ici đĄ
Des fleuves pollués : le Gange indien et le Huang He chinois (fleuve jaune)
Une eau polluĂ©e nâest pas simplement un manque Ă gagner pour lâhumanitĂ© : cela a des rĂ©percussions nĂ©gatives sur la santĂ© et donc, Ă long-terme, sur le dĂ©veloppement des civilisations. Lâimpressionnant essor du dĂ©veloppement asiatique depuis le siĂšcle dernier amĂšne nĂ©cessairement des problĂšmes structurels importants. En privilĂ©giant certains domaines et certaines rĂ©gions plus productives, de nombreuses pĂ©riphĂ©ries apparaissent proche des nappes phrĂ©atiques ou des fleuves et riviĂšres. La pauvretĂ©, le manque dâĂ©ducation, de structures, le manque de politiques de protection, dâaides de la part des communautĂ©s et des Etats poussent immanquablement Ă la pollution.
En 2018, on estime que le Gange reçoit, chaque jour, trois milliards de litres d’eau impropres. Le taux de pollution du fleuve est trois mille fois supĂ©rieur aux normes promulguĂ©es par lâOMS (Organisation Mondiale de la SantĂ©). La question de la pollution de lâeau en Inde est directement liĂ©e Ă lâagriculture qui consomme 90% de lâeau extraite. De plus, les forages de puits surexploitent cette ressource et les habitants retournent les dĂ©chets directement dans les sources, ce qui a pour consĂ©quence une pollution maximale qui a un impact sur la santĂ© des habitants indiens.
đĄïž Cette question de la pollution touche aussi la Chine, qui a connu les mĂȘmes problĂšmes dus Ă lâexceptionnel dĂ©veloppement quâon lui connaĂźt aujourdâhui. Le « Fleuve Jaune » (le Huang He) est polluĂ© sur 1/3 de sa longueur. Cela est problĂ©matique puisquâil fournit lâeau potable Ă des millions d’habitants au nord de la Chine. La qualitĂ© des eaux du Fleuve Jaune, 2e plus grand fleuve de Chine avec ses 5400 km de long, sâest dĂ©tĂ©riorĂ© durant cette dĂ©cennie. La cause principale : les rejets industriels qui sont en constante augmentation. Ce phĂ©nomĂšne se couple avec une baisse du niveau du fleuve Ă cause de lâurbanisation et de la prĂ©dation sur la ressource par la population. DâaprĂšs les derniers Ă©chantillons prĂ©levĂ©s, seulement 16% de lâeau serait sans risque pour la consommation.
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Une ressource source de conflit : les paysans indiens face Ă Coca-Cola
L’eau en AmĂ©rique latine
đĄ A contrario du Moyen-Orient, lâeau en AmĂ©rique latine est abondante et ne manque absolument pas. 1/3 des rĂ©serves dâeau du monde se situe en AmĂ©rique latine pour seulement 9% de la population ! 4 des 25 plus grands fleuves du monde se situent en AmĂ©rique Latine et cela explique donc cette grande prĂ©sence d’eau douce : il sâagit de lâAmazone, du ParanĂĄ (BrĂ©sil), de lâOrĂ©noque (Venezuela) et du Rio Magdalena (Colombie). Nâoublions pas que lâAmĂ©rique Latine possĂšde de gigantesques aquifĂšres tels Guarani entre le BrĂ©sil, le Paraguay et lâArgentine.
Cette eau est alors un atout pour le développement et dans plusieurs domaines :
đđ» Lâagriculture utilise 75% des ressources en eau et peut ĂȘtre privilĂ©giĂ©e grĂące aux abondantes ressources et Ă la faible population. La taille des espaces agricoles est aussi lâune des forces du continent.
đđ» Les transports peuvent ĂȘtre facilitĂ©s : les fleuves sont navigables sur des milliers de kilomĂštres et permettent de couvrir de grandes distances en peu de temps.
đđ» Le secteur Ă©nergĂ©tique peut profiter de cette manne. On dĂ©nombre plus de 200 barrages hydrauliques au BrĂ©sil.
đĄ MalgrĂ© cette grande abondance, les problĂšmes se succĂšdent et 1/5 de la population souffre de stress hydrique ! Cela provient de lâinĂ©gal accĂšs Ă lâeau pour les habitants de la rĂ©gion. A lâĂ©chelle nationale on peut apercevoir de fortes divergences entre les rĂ©gions comme au BrĂ©sil oĂč le Nordeste est souvent frappĂ© par la sĂ©cheresse, ou encore au PĂ©rou dans le dĂ©sert Atacama (nord).
Cette inĂ©gale rĂ©partition de lâeau se retrouve Ă lâĂ©chelle locale, oĂč la situation peut ĂȘtre totalement diffĂ©rente entre les habitants des beaux quartiers ou des favelas. Cette scission entre deux mondes, et surtout deux accĂšs Ă lâeau potable totalement diffĂ©rents, peut se prĂ©senter sous la forme dâun simple mur qui sĂ©pare de quelques mĂštres des habitants ayant un accĂšs facilitĂ© Ă lâeau, et des habitants qui se battent pour pouvoir boire : câest le cas du « Mur de la Honte » Ă Lima (PĂ©rou) qui sĂ©pare les habitants des favelas et les ultras riches pĂ©ruviens.
Ce problĂšme de mauvaises rĂ©partitions se double dâun souci de vĂ©tustĂ© des infrastructures. Le BrĂ©sil possĂšde 20% des rĂ©serves dâeau douce mondiale et pourtant le pays continue dâessuyer de rĂ©currentes pĂ©nuries comme en 2014 Ă Sao Paulo. 20% des BrĂ©siliens nâont toujours pas accĂšs Ă lâeau potable aujourdâhui. On estime que 37% de lâeau est, de nos jours, gaspillĂ©e dans les rĂ©seaux de distribution.
L’eau comme source de conflits : l’exemple de Cochabamba en Bolivie
đĄïž En 1999, la gestion du rĂ©seau de distribution et du traitement des eaux de Cochabamba, en Bolivie, se retrouve confiĂ©e Ă un groupe amĂ©ricain, Bechtel. Il sâagit dâune privatisation de lâeau par le gĂ©ant amĂ©ricain qui va augmenter les tarifs Ă des prix si Ă©levĂ©s que la majoritĂ© de la population ne peut plus se fournir en eau potable. Cette augmentation, ainsi que la destruction des puits clandestins (conçus par la population pour contourner le problĂšme) par les forces de lâordre de la ville va provoquer une rĂ©volte des habitants. Des affrontements sanglants eurent lieu face Ă lâarmĂ©e au dĂ©but des annĂ©es 2000. Finalement, le contrat de Bechtel est annulĂ©, le gouvernement local rĂ©tropĂ©dale et la gestion de lâeau Ă Cochabamba est confiĂ© Ă SEMAP, une entreprise publique.
Des exemples probants de coopérations
đĄ Lâeau nâest pas uniquement source de conflit, elle peut aussi ĂȘtre vecteur de coopĂ©ration. Voici quelques exemples qui appuient cette affirmation :
đđ» En 1944, les Etats-Unis se sont engagĂ©s Ă garantir chaque annĂ©e un approvisionnement minimal de 2 milliards de mĂštres cubes dâeau au Mexique. Le contrat liant les deux pays traite aussi dâune assistance technique et dâune gestion commune des nappes phrĂ©atiques se situant entre les deux pays voisins.
đđ» CrĂ©ation de barrages binationaux : Le barrage Itaipu Ă la frontiĂšre entre le BrĂ©sil et le Paraguay ou encore le barrage Yacireta entre lâArgentine et le Paraguay.
đđ» Fondation dâune banque de lâeau au sein du Mercosur dans le but de protĂ©ger lâaquifĂšre de Guarani.