Le fait social, Durkheim, le holisme⊠ces termes te disent peut-ĂȘtre quelque chose. Dans ce cas, on te fĂ©licite đ il tâest dĂ©jĂ arrivĂ© dâĂȘtre attentif en cours de SES !
En tout cas, si tu passes bientĂŽt ton bac ou que tu es dĂ©jĂ en Ă©tudes supĂ©rieures, le fait social fait partie des notions essentielles que tu dois connaĂźtre en sociologie. đ„
Pourtant, câest un terme flou et mal dĂ©fini pour beaucoup dâĂ©tudiants. Alors, dans cet article, je vais essayer de tâexpliquer aussi clairement que possible ce quâon entend par un fait social !
Mais avant toute chose, intĂ©ressons-nous Ă lâhomme qui se cache derriĂšre cette notion !
Lâhomme derriĂšre le fait social : Ămile Durkheim đ€
ConsidĂ©rĂ© comme un des pĂšres fondateurs de la sociologie moderne en France, Ămile Durkheim est un sociologue français de la fin du XIXĂšme siĂšcle. Il est connu Ă travers le monde pour plusieurs de ses Ă©crits notamment sur la religion (Les formes Ă©lĂ©mentaires de la vie religieuse) ou encore Le Suicide. Il a participĂ© activement Ă la valorisation du caractĂšre scientifique des sciences sociales et Ă la crĂ©ation dâune mĂ©thode rigoureuse pour pratiquer ces disciplines.
đĄ Câest en 1895 qu’apparaĂźt la notion de fait social. Durkheim lâaborde dans un de ces ouvrages les plus connus aujourdâhui, Les RĂšgles de la MĂ©thode sociologique.
Durkheim et la sociologie holiste
On peut dire de Durkheim quâil appartient Ă un courant holiste de la sociologie. En quelques mots, il considĂšre que la structure prime sur lâindividu. Pour lui, la sociĂ©tĂ© ne correspond pas Ă la somme des actions individuelles, mais a une identitĂ© propre.
En gros, lorsquâil Ă©tudie un phĂ©nomĂšne, Ămile Durkheim ne sâintĂ©resse pas aux choix individuels et aux relations entre les individus Ă lâinverse de Max Weber. Il va plutĂŽt se pencher sur lâinfluence des sociĂ©tĂ©s, de l’Ătat et des institutions sur les individus. Ainsi, il accorde une place importante au processus de socialisation.
DĂ©finition clĂ© đïž
La socialisation, câest le processus sociologique par lequel un individu apprend Ă faire partie de la sociĂ©tĂ© et devient un ĂȘtre social. Pour cela, il intĂ©riorise un ensemble de valeurs, de normes tout au long de sa vie. Cet apprentissage se fait bien entendu en fonction de lâĂ©poque et de lâendroit oĂč lâon vit. Câest le cas dâun bĂ©bĂ© qui apprend Ă parler la langue de ses parents par exemple.đ¶
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Quâest-ce quâun fait social ? đ€
Ă partir de maintenant ça va devenir plus compliquĂ©, car on va parler dâune notion trĂšs abstraite. Mais pas de panique, un exemple tâattend au bout de cette partie. đ
On peut dĂ©finir le fait social comme un phĂ©nomĂšne rĂ©gulier qui intervient dans une sociĂ©tĂ©. Câest un comportement, une maniĂšre dâĂȘtre ou une action adoptĂ©e collectivement dans une sociĂ©tĂ©, que les individus en aient conscience ou non.
đŹ Un fait social consiste « en des maniĂšres dâagir, de penser et de sentir, extĂ©rieures Ă lâindividu, et qui sont douĂ©es dâun pouvoir de coercition en vertu duquel ils sâimposent Ă lui », Ămile Durkheim
Les caractĂ©ristiques du fait social â
MĂȘme sâil peut prendre diverses formes, le fait social est caractĂ©risĂ© par diffĂ©rents critĂšres :
đ Le fait social est collectif et gĂ©nĂ©ral.
đ« Le phĂ©nomĂšne Ă©tudiĂ© ne doit pas relever de quelques personnes sans lien. Celui-ci doit ĂȘtre visible sur la majoritĂ© dâune population (association, habitants dâune ville, âŠ). Le groupe peut ĂȘtre plus ou moins grand.
đ Le fait social est extĂ©rieur Ă lâindividu.
đ Pour Durkheim, le fait social nâest pas lâagrĂ©gat de tous les comportements individuels. Il a une identitĂ© propre et existe avant et aprĂšs lâindividu. En outre, si un individu change de comportement, cela nâa pas dâeffet sur le groupe, qui continue dâagir ainsi.
Pour illustrer cette idĂ©e, prenons lâexemple dâune vague (le fait social). Celle-ci est composĂ©e dâune infinitĂ© de gouttes dâeau (les individus). NĂ©anmoins, nous nâassocions pas la vague aux gouttes dâeau, celle-ci a une existence propre. De plus, si on retire une goutte dâeau, la vague existe toujours.
đLe fait social sâimpose aux individus.
â La notion de contrainte est essentielle chez Durkheim. Lâindividu adopte un comportement particulier pour sâintĂ©grer Ă la sociĂ©tĂ© et ressembler aux autres. Souvent, il nâen a pas conscience. Mais sâil nâadopte pas ce comportement, il subit une sanction sociale plus ou moins forte (une peine de prison, des moqueries, âŠ).
đ LâĂ©ducation au cĆur de la pensĂ©e durkheimienne.
đ Pour comprendre comment naĂźt le fait social, il faut souvent remonter Ă lâenfance. En effet, pour lui, les individus, Ă travers la socialisation, intĂ©riorisent des comportements consciemment ou non. Le fait social est alors transmis dâune gĂ©nĂ©ration Ă lâautre.
đ Le fait social peut ĂȘtre organisĂ© ou non.
đ En effet, il peut dĂ©couler dâune rĂšgle Ă©dictĂ©e clairement dans la loi ou dans un rĂšglement. Mais il peut aussi tout Ă fait ĂȘtre de nature informelle Ă travers des coutumes.
đ Un fait social est propre Ă une Ă©poque et un lieu. â
Il est toujours important de ne pas oublier que le fait social est contextuel. Par exemple, le fait pour les garçons de ne pas ou peu porter de jupe en France sâoppose Ă la tradition Ă©cossaise du kilt.
Un exemple concret de fait social : le choix du prĂ©nom đŒ
Pour illustrer cette définition du fait social, prenons un exemple concret : le choix du prénom du bébé par les parents.
A premiĂšre vue, cette action semble individuelle et propre Ă chaque famille. En rĂ©alitĂ©, en observant les statistiques, on retrouve des tendances dans le choix du prĂ©nom, Ă travers les Ă©poques. Par exemple, depuis quelques annĂ©es, les prĂ©noms courts sont prĂ©fĂ©rĂ©s aux autres. Mais, ne vous inquiĂ©tez pas les autres, nous on vous aime quand mĂȘme !đ
Si tu as bien retenu les critĂšres listĂ©s juste au-dessus, tu te demandes peut-ĂȘtre pourquoi on peut parler de contraintes dans le choix du prĂ©nom. En effet, câest un des choix les plus intimes possible. NĂ©anmoins, dĂšs le plus jeune Ăąge, des connotations, prĂ©jugĂ©s, opinions se sont greffĂ©s sur certains prĂ©noms. đ€Ż Câest pourquoi, depuis la Seconde Guerre mondiale, peu de parents veulent appeler leur enfant Adolf. Ăvidemment, les tendances sont diffĂ©rentes Ă travers le monde. đ
đĄ Cet exemple peut paraĂźtre bĂȘte mais, fais comme nous, nâhĂ©site pas Ă utiliser ta vie quotidienne pour trouver des exemples !
Maintenant que tu as tout compris sur le fait social, on va aller un peu plus loin et essayer de comprendre comment Durkheim étudie ces fameux faits sociaux.
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Ătudier un fait social : Durkheim et sa mĂ©thode đ
Comme on lâa dit plus haut, Ămile Durkheim a dĂ©fendu la sociologie comme une science, Ă une Ă©poque oĂč câĂ©tait peu acceptĂ©. Pour soutenir ses propos, il a mis au point une mĂ©thode scientifique rigoureuse. đŹ
Lâobjectif du sociologue français est dâĂ©tudier « les faits sociaux comme des choses ». Il veut en quelque sorte que lâobjet dâĂ©tude de la sociologie (les faits sociaux) soit vu comme nâimporte quel objet dâĂ©tude scientifique. NĂ©anmoins, cela nâest pas si Ă©vident.
En quoi le fait social est-il un objet dâĂ©tude particulier ? âĄ
Ce qui fait la particularitĂ© du travail sociologique (et en gĂ©nĂ©ral des sciences sociales) est le fait dâĂ©tudier des personnes, des comportements humains. Ceux-ci sont donc souvent imprĂ©visibles. De plus, il existe un rapport particulier entre le sociologue et son objet dâĂ©tude. En effet, celui-ci appartient Ă la « sociĂ©tĂ© » quâil Ă©tudie.
Imaginons la sociĂ©tĂ© comme un aquarium, on sait que câest un peu Ă©trange mais fais nous confiance đ Le sociologue cherche Ă comprendre le fonctionnement de celui-ci. NĂ©anmoins, comme les autres poissons, il est Ă lâintĂ©rieur du bocal et il peut ĂȘtre difficile pour lui de prendre du recul sur son objet dâĂ©tude. đ
Comment Durkheim propose-t-il de contourner ces difficultĂ©s ? â»ïž
Dans un premier temps, Ămile Durkheim introduit lâidĂ©e de prĂ©notion, câest-Ă -dire un savoir immĂ©diat, qui ne vient pas dâune rĂ©flexion. LâĂȘtre humain a des prĂ©notions sur tout ce qui lâentoure. Cette reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© repose beaucoup sur les sens et lâobservation directe. đïž On pourrait rapprocher ce terme de lâidĂ©e dâopinion en philosophie.
Par exemple, avant dâapprendre que la terre tourne autour du soleil, lâinverse peut visuellement paraĂźtre Ă©vidente. âïž
Les prĂ©notions sont particuliĂšrement prĂ©sentes en sociologie puisque lâon Ă©tudie des phĂ©nomĂšnes que lâon voit au quotidien. Il est alors nĂ©cessaire avant de mener un travail sociologique dâessayer de remettre en question ce que lâon pense savoir.
Durkheim conseille également de définir chaque terme précisément. En effet, certains phénomÚnes ont différentes définitions selon les individus, ce qui peut mener à des incompréhensions.
đĄ Souvent, Durkheim prend appui sur le droit pour Ă©noncer des dĂ©finitions. En effet, la loi, selon lui, montre la reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© par les sociĂ©tĂ©s Ă un moment donnĂ©.
Enfin, Ămile Durkheim met en avant lâimportance des statistiques. (Oui, oui des maths en sociologie !) đ Celles-ci permettent dâidentifier le fait social, en repĂ©rant la rĂ©gularitĂ© de certains phĂ©nomĂšnes. Le sociologue peut aussi Ă©tudier objectivement ces faits sociaux.
Lâensemble de ces mĂ©thodes ont permis Ă la sociologie dâĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une science chez beaucoup dâintellectuels.
La mĂ©thode de Durkheim appliquĂ©e : Le suicide đ
En 1897, dans son ouvrage Le suicide, Ămile Durkheim applique la mĂ©thode sociologique que lâon vient de dĂ©velopper. En traitant le suicide comme un fait social, Durkheim essaye dâen comprendre les causes.
Dans cette oeuvre, lâauteur veut dâabord rompre avec la prĂ©notion qui considĂšre que la cause du suicide est avant tout psychologique (et donc personnelle et individuelle). ââđ§
Pour cela, il part dâun constat : le nombre de suicides est en forte hausse en France Ă la fin du XIXe siĂšcle. đ
Si lâon admet l’hypothĂšse selon laquelle le suicide est psychologique, lâaugmentation ne devrait alors pas ĂȘtre la mĂȘme selon les diffĂ©rents groupes en fonction de leur situation et de leur mode de vie.
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Pourtant, en observant les statistiques du suicide selon les classes sociales, Durkheim rĂ©alise que le nombre de suicides psychologiques a autant augmentĂ© chez les agriculteurs đ©âđŸ (Ă lâĂ©poque, en situation de dĂ©classement) que chez les professions libĂ©rales đšââïž (Ă lâĂ©poque, en situation dâascension sociale). La hausse, qui sâapplique Ă lâensemble de la sociĂ©tĂ©, a donc une cause sociale. đ€
Ce travail a permis Ă Durkheim de dĂ©velopper deux causes principales au suicide : lâintĂ©gration (un sentiment plus ou moins fort dâappartenance Ă un groupe) et la rĂ©gulation (un ensemble plus ou moins important et efficace de rĂšgles qui donnent des repĂšres aux individus). DâaprĂšs cette thĂ©orie, câest le fonctionnement de plus en plus individualiste de la sociĂ©tĂ© qui explique que le nombre de suicides ait augmentĂ©.
Voici un tableau des conclusions de lâouvrage de Durkheim. Celui-ci a dĂ©terminĂ© 4 types de suicide :
ExcÚs | Défaut | |
---|---|---|
Intégration | Suicide altruiste | Suicide égoïste |
Régulation | Suicide fataliste | Suicide anomique |
De plus, Durkheim rĂ©alise que certaines caractĂ©ristiques permettent de diminuer le risque de se suicider : dâun point de vue collectif, les pĂ©riodes de guerres ou de troubles renforcent les liens au sein de la sociĂ©tĂ© ; dâun point de vue individuel, la proximitĂ© avec la famille et les liens sociaux renforcent lâintĂ©gration et la rĂ©gulation.
Ainsi, Ămile Durkheim a appliquĂ© sa mĂ©thode. Il a remis en question ses prĂ©notions et utilisĂ© les statistiques, ce qui lui a permis de mieux comprendre un fait social : le suicide.
Conclusion sur le fait social Durkheim et son oeuvreâš
VoilĂ , cet article touche Ă sa fin ! JâespĂšre quâil tâa permis de mieux comprendre le fait social, Durkheim et son Ćuvre.
MĂȘme si celle-ci peut sembler compliquĂ©e, nâhĂ©site pas Ă chercher des exemples dans ton quotidien !
Et si tout ça te semble encore abstrait, nâhĂ©site pas Ă nous poser toutes tes questions.âïž
C’est bien merci
Bonjour,
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Nous sommes ravis que notre article sur Durkheim tâait plu. Si tu as des questions ou des sujets que tu aimerais quâon approfondisse, nâhĂ©site pas Ă nous le dire. đ
Ă bientĂŽt,