Le 27 janvier symbolise la journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité. Cette date fait écho à la libération des camps d’internement nazi d’Auschwitz-Birkenau. Mais comment définir ce qu’est un crime contre l’humanité ? Qui juge les crimes contre l’humanité ? Beaucoup de questions restent en suspens derrière cette notion complexe, qui dépend du code pénal et des droits en place dans les pays. Viens avec nous pour en savoir plus 💡
Histoire du crime contre l’humanité 🗺
Le crime contre l’humanité est un terme juridique, né pendant le tribunal de Nuremberg en Allemagne, le 8 août 1945. Le tribunal est composé de juges français, soviétiques, britanniques et américains, chargés de juger 24 hauts-dirigeants nazis.
Mais voilà : comment juger des hommes complices d’un crime de cette ampleur ? C’était l’une des premières fois où une institution juridique internationale devait faire face à une telle condamnation.
On déplore au minimum 6 millions de victimes juives et tziganes, sans compter les opposants politiques, les personnes homosexuels et autres personnes jugées comme “déviantes” par le régime nazi.
👉 C’est ainsi qu’est née la notion de crime contre l’humanité : ce sont des crimes systématiques, de grande ampleur, portant atteinte à l’intégrité humaine.
💡 Quel est le premier crime contre l’humanité ?
Si la Shoah (catastrophe en hébreu) a mis la lumière sur la notion de crime contre l’humanité et génocide, on considère que le premier crime contre l’humanité du XXᵉ siècle aurait eu lieu en Namibie. Entre 1904 et 1907, 80% de l’ethnie Herero et 50% de l’ethnie Namas auraient été massacrés par l’Empire colonial allemand.
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Crime contre l’humanité : définition 📖
📌 La notion la plus proche de crime contre l’humanité est celle de génocide, qui a pour définition la “Destruction méthodique d’un groupe humain” (Le Petit Robert). On parle cependant de crime contre l’humanité et non pas de meurtre contre l’humanité, car à la différence d’un crime contre l’humanité, désigne toute infraction commise envers un groupe humain, que la violence soit physique ou psychologique.
📌 La notion de crime contre l’humanité s’est progressivement élargie pour détailler quels types de délits commis rentrent dans cette définition. En voilà une liste selon la Cour Pénale Internationale en 2002, selon le statut de Rome :
- meurtre
- extermination
- réduction en esclavage, travail forcé
- déportation ou transfert forcé de population
- emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit de l’homme international
- torture
- viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable
- persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste
- disparitions forcées de personnes
- crime d’apartheid
- autres actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
👉 Ces crimes sont imprescriptibles : ça veut dire que les coupables de crime contre l’humanité peuvent être condamnés à tout moment.
👉 C’est le cas de Maurice PAPON, condamné dans les années 1990 pour sa collaboration sous le régime de Vichy.
Crime de guerre / crime contre l’humanité
La notion de crime de guerre est proche de celle de crime contre l’humanité dans le droit pénal. Elle condamne toute violation du droit international humanitaire (homicide, torture…).
👉 Le crime de guerre se déroule toujours lors d’un conflit armé, tandis que le crime contre l’humanité, non.
D’un point de vue national, chaque pays peut définir (ou non) ce qu’est un crime contre l’humanité. Cela dépend de l’histoire du pays, de sa culture, de sa population…
Par exemple, en 2001, la France adopte la Loi Taubira, du nom de la députée française. Cette loi reconnait la traite négrière transatlantique et l’esclavage, qui a eu lieu entre le 15ᵉ et 19ᵉ siècle, comme étant un crime contre l’humanité.
Plus récemment, en 2020, le Parlement Européen a également reconnu la traite et l’esclavage comme un crime contre l’humanité.
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La Cour Pénale Internationale (CPI) et la régulation des crimes contre l’humanité 👨⚖️
Les crimes contre l’humanité relèvent du droit international, car en théorie, il s’agit d’une attaque à la dignité du genre humain. Les procès se déroulent au sein de la Cour Pénale Internationale (CPI), située à La Haye aux Pays-Bas.
Une création complexe 🕖
La Cour Pénale Internationale a été créée relativement tard, en 2002. En effet, la juridiction internationale a mis un certain temps à se mettre en place. Pourtant, le Tribunal de Nuremberg semblait donner un bel élan vers une juridiction internationale. En 1948, l’ONU signait une Convention visant à prévenir les génocides.
Mais la Guerre Froide vient freiner la possibilité d’un droit commun. Les blocs Ouest et Est sont trop tendus : pas question d’avoir des lois supranationales, influencées par des capitalistes ou des communistes ! 😡
Du coup, bien que l’idée d’un droit international existe depuis l’Antiquité, elle devra attendre encore un peu…
Le système de justice pénale internationale s’institutionnalise ENFIN avec le Statut de Rome, le 17 juillet 1998. Environ 160 États signent un traité, statuant sur la création de la première cour pénale internationale permanente. C’est en 2002, à Rome, en Italie, que la Cour Internationale Pénale est née ! Félicitations, quel beau bébé ! 🤗
Les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis.
Préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale
👉 La CPI peut donc condamner les responsables de génocides, de crimes de guerre et enfin de crimes contre l’humanité.
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Fonctionnement de la CPI et condamnations 🔎
Bon, on comprend le concept, mais comment ça fonctionne concrètement ? Voilà un petit mode d’emploi.
☑️ Tous les ans, les 120 États ayant ratifié le traité (en gros, ceux qui ont confirmé leur participation) se retrouvent pour définir les grandes orientations de la CPI.
☑️ Tout membre du Statut de Rome peut saisir le Procureur et lui demander d’ouvrir une enquête. À l’inverse, le Bureau du Procureur peut ouvrir une enquête sur un pays soupçonné.
☑️ Le Bureau du Procureur mène une enquête impartiale. Elle présente également le cas aux députés de la CPI. Le Bureau vérifie que les autorités nationales où résident les criminels ont lancé des démarches contre eux.
☑️ En cas de preuves et d’accord majoritaire des États, la CPI peut déclarer et transmettre un mandat d’arrêt. Toutefois, la CPI ne peut pas arrêter directement le criminel : cette responsabilité revient aux États.
☑️ Les criminels sont incarcérés dans un pays choisi par la CPI.
Quelle efficacité des condamnations pour crime contre l’humanité ? 🤔
Le petit hic avec la CPI, c’est qu’elle est un peu freinée dans son action. Rien ne force les États non-membres à accepter les jugements rendus par cette dernière, ni les autorités locales à agir.
C’est un peu le problème numéro 1 des institutions internationales, comme la CPI ou l’ONU. Les États sont souverains : s’il leur prend l’envie d’envahir leur voisin, ils le feront, même si cela est contraire aux Conventions Internationales.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, on les appelle crimes contre la paix et contre la sécurité internationale, car ils menacent l’équilibre censé être garanti par les traités et institutions désamorçant les conflits.
💡 À retenir
À l’heure actuelle, 4 principaux crimes sont reconnus comme étant des crimes contre l’humanité par l’ONU :
- Le génocide des Arméniens en Turquie (1915-1923) 🇹🇷
- Le génocide nazi contre les Juifs et les Tsiganes (1940-1945) ✡️
- Le génocide des Tutsis au Rwanda (1994) 🇷🇼
- Le génocide de Srebrenica contre les musulmans en Bosnie (1995) 🇧🇦
Si ces verdicts ont abouti en la condamnation des responsables, rien n’oblige les pays à reconnaître leur part de responsabilité dans ces crimes. C’est le cas de la Turquie qui nie l’existence d’un génocide arménien.
👉 De plus, un verdict n’entraîne pas systématiquement une arrestation : comme on l’a vu, ça relève de la responsabilité des États.
En 2022, la CPI cherchait 15 condamnés en fuite ayant commis des crimes dans les pays suivants : la République Démocratique du Congo, l’Ouganda, le Darfour (Soudan), le Kenya, la Libye et la Côte d’Ivoire.
🧐 À retenir
Un crime contre l’humanité en débat : les Ouïghours 🇨🇳
👉 Un crime contre l’humanité récent serait potentiellement le génocide des Ouïghours dans la région du Xinjiang, en Chine. Tandis que le pays les nomme sobrement “formation professionnelle”, l’ONU dénonce l’incarcération forcée de plus d’un million de personnes, sur des critères ethniques.
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Repenser la notion de crime contre l’humanité ❓
👉 Donc, le code pénal international ne peut pas forcer le pays où se trouve à le reconnaître comme coupable de crime contre l’humanité. Un état peut même s’assurer de sa protection, ou nier la notion de violation des droits de l’homme et de crime contre l’humanité.
👉 La notion de crime contre l’humanité peut sembler incomplète.
👉 Quelques critiques qu’on peut lui adresser :
- À quelle échelle faut-il parler de crimes contre l’humanité ? Faut-il attendre qu’il y ait des milliers de morts pour agir ?
- Pourquoi la communauté internationale considère que certains crimes peuvent être qualifiés de génocides et d’autres non ? Pourquoi ne condamne-t-elle pas systématiquement les responsables de trafic humain et autres crimes ?
- Comment s’assurer de la transparence politique dans les actions des institutions internationales ?
- Comment contraindre les États non-membres à traquer des coupables d’une peine non reconnue ? Comment s’assurer d’une punition systématique et d’une mesure adéquate en fonction du crime ?
- La justice internationale peut-elle réparer des dégâts aussi graves qu’une guerre civile, une déportation forcée ?
Malgré toutes ces interrogations en suspens, qui dépendent aussi bien du droit que de la politique, la notion de crime contre l’humanité tend à faire avancer les débats sur le droit humain international 🤓
Pour clore ce chapitre…
Se souvenir des crimes contre l’humanité est avant tout un devoir de mémoire, faisant office de rappel quant au potentiel de destruction fratricide de l’Homme. On espère que tu en sais plus sur cette notion pénale et morale, à la définition complexe ! 💡