Les histoires de fantômes sont présentes depuis au moins 35 000 ans, si l’on en croit la représentation d’un esprit sur une tablette babylonienne. Les contes effrayants sont porteurs de morale — et de frissons.
Sur Internet aussi, on aime se raconter des histoires, véhiculer des rumeurs et des folklores qui font peur. On appelle ces légendes urbaines des “creepypastas”. Qu’est-ce qu’une creepypasta et d’où vient ce terme ? Comment les creepypastas se sont-elles développées et popularisées sur internet ? Viens avec nous pour le découvrir !
Creepypastas : définition et origines 💭
Les creepypastas viennent du terme “creepy”, qui veut dire effrayant en anglais, et de “copy and paste”, la commande “copier-coller” sur ordinateur.
En effet, les utilisateurs des forums avaient l’habitude de copier-coller des textes au hasard pour troller les gens. L’expression a été reprise quand les histoires effrayantes se sont propagées partout en ligne.
C’est un pur produit d’internet : tous ceux ayant grandi dans les années 2010 connaissent bien ces légendes, et aujourd’hui les jeunes continuent de se les partager et d’en créer des nouvelles.
Une creepypasta, c’est avant tout une légende urbaine. C’est-à-dire c’est une histoire fictive qui se base sur des éléments réels, pour semer le doute chez le lecteur : et si c’était vrai ?
Something Awful et 4chan : le berceau des creepypastas
Les légendes urbaines horrifiques naissent en majorité sur Internet, sur les forums comme Something Awful et 4chan, connus pour leurs “threads”, un échange libre de posts sur un sujet.
Une des premières creepypasta est née avec la légende de Slenderman, publiée en 2009 par Eric Knusden, sous le nom d’utilisateur Victor Surge.
Tout part d’un post sur le forum “Something Awful”, un forum humoristique et créatif. Les utilisateurs se lancent un challenge : éditer des photos ordinaires en y ajoutant un élément paranormal.
Sa photo fait fureur : inspiré par le forum, il imagine un mythe autour de la créature qu’il a intégrée dans l’image.
Humanoïde, haute de plusieurs mètres, fine, et sans visage, qui inspire “une peur indescriptible”, et qui kidnapperait les enfants.
Son nom, “Slenderman”, vient du fait qu’il est long et fin (slender en anglais). Le phénomène alla jusqu’à inspirer un jeu vidéo d’horreur très populaire en 2012.
Mais certains internautes sont persuadés que cette créature existe, tant la qualité des montages est grande.
Cette croyance prend une tournure tragique quand le 31 mai 2014, 2 jeunes adolescentes de 12 ans agressent une de leur camarade plus jeune, pour “l’offrir” à Slenderman.
La victime a heureusement survécu, mais elle est la preuve que les contenus d’internet peuvent avoir des influences extrêmes, quand certains ne savent pas faire la distinction entre fiction et réalité…
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Types et thèmes des Creepypastas 📕
Quand est-ce qu’une histoire devient une creepypasta ? On considère qu’une histoire est une creepypasta si elle répond aux critères suivants :
- Elle apparaît en ligne
- Elle est partagée massivement
- Les internautes alimentent la légende
- On entretient le mystère sur la véracité de l’histoire (cassette maudite, effets sur le spectateur…)
On peut discerner quelques types de creepypastas.
Les creepypastas des jeux vidéos/ dessins animés
Une creepypasta gagne facilement en popularité si elle s’inspire d’éléments emblématiques de la pop culture. Ce sont souvent des amateurs de la culture geek qui imaginent une version sombre des héros de leur enfance.
Voici les histoires les plus populaires :
Ben Drowned
L’histoire d’une cartouche hantée du jeu de la Nintendo 64, Zelda Majora’s Mask. Achetée par un jeune homme à une brocante, il aurait capturé des éléments paranormaux (jeu qui s’adresse à lui directement, personnages inquiétants, bugs effrayants…)
Suicide Mouse
Un épisode caché de Mickey Mouse, dans lequel on le voit errer dans la rue, l’air très déprimé. L’épisode déprimerait automatiquement son spectateur.
Lavanville
Une musique du jeu vidéo Pokémon, qui joue lorsque le joueur arrivé à Lavanville, aurait provoqué des émotions sombres chez les spectateurs. La musique serait hantée et des fréquences invisibles influenceraient le cerveau du joueur.
Photos maudites et forces occultes
Smile Dog et Smile.jpg
Des images effrayantes, apparues de nulle part, provoqueraient des crises de paranoïa chez le spectateur.
Mondes cachés : backrooms et fondation SCP
Les backrooms
Il existe un monde liminal, situé à la frontière de notre réalité, où il serait facile de se perdre et d’y glisser sans pouvoir y échapper, car il est infini.
Fondation SCP
Le gouvernement cacherait du monde des créatures surnaturelles et dangereuses, confinées dans la fondation SCP.
La psychologie derrière les Creepypastas 🧠
Tu remarques certains thèmes dans les creepypastas.
- Éléments de la pop culture
- Révélation d’un monde caché et surnaturel, sombre et violent
- Évocation de santé mentale
- Pouvoir surnaturel d’un contenu sur le spectateur
Bref, peur et mystère nourrissent le folklore numérique.
Un public jeune, à la recherche d’exutoire
Un rapide coup d’œil aux commentaires Youtube nous permet de faire un constat : ces histoires attirent majoritairement des enfants et de jeunes adolescents.
▶︎ Si on écoute ses histoires, on se rend compte qu’elles cherchent à tout prix à créer une ambiance effrayante et à mettre son spectateur mal à l’aise.
▶︎ En fait, ces histoires sont la version 2.0 des légendes urbaines racontées au coin du feu.
▶︎ Si on aime se faire peur, c’est probablement à cause des sensations extrêmes qu’elle nous procure.
▶︎ Les jeunes, particulièrement, utilisent ce moyen comme une catharsis de leurs angoisses et des peurs humaines.
▶︎ Passé un certain âge, les contes avec le grand méchant loup ne suffisent plus. Ils savent très bien que le monde extérieur est violent, et ils veulent trouver des histoires qui évoquent cette violence plus directement, comme un exutoire.
▶︎ Surtout à un âge où le corps change, et où l’on remet en question l’ordre moral et social.
Créer du lien social
L’univers des creepypastas contient aussi une esthétique gothique qui inspire de nombreux fanarts, ces dessins inspirés par un univers, ou des fanfictions, histoires inspirées d’une fiction pré-existante.
Ce qui caractérise les creepypastas, c’est qu’elles vivent grâce à la créativité collective, comme beaucoup de communautés en ligne.
Ce ne sont plus de simples mythes que l’on écoute passivement : ce sont des opportunités pour les créatifs de construire un univers.
La plupart des images, des “jeux maudits”, des “émissions”, sont produites par des game designer, des photographes, des dessinateurs aux multiples talents.
Responsabilité numérique
Cependant, les créateurs ont aussi une responsabilité numérique vis-à-vis du contenu produit, et ne doivent pas encourager de comportements violents.
→ La fiction doit rester une catharsis, pas un espace sombre nourrissant des fantasmes pervers.
→ Surtout que le public est majoritairement jeune, et que cela peut glorifier certains comportements violents ou dangereux pour soi-même (et les autres), comme lors du cas Slenderman évoqué plus haut.
→ Ainsi, rappeler que ces éléments sont avant tout une fiction enlèverait un peu de l’aura mystérieuse des creepypastas, mais permettrait au public de prendre plus de recul.
Disclaimer : contenus dérangeants, âge et aimer se faire peur ⚠️
Avant de nous plonger dans l’univers des creepypastas, nous aimerions rappeler quelques points pour les moins de 15 ans.
C’est normal que tu aies envie de flipper
Si tu entres dans l’adolescence, il est tout à fait normal de vouloir se faire peur.On n’a pas à te réprimander pour ça, parce que tout le monde l’a fait.
Il y a d’ailleurs beaucoup de chance pour que tu aies déjà vu des vidéos qui font peur, et que tu saches très bien ce qu’est une creepypasta.
Dans une enquête réalisée par Benoît Kastler, un employé de vidéoclub (magasin qui louait des films) déclare qu’1 enfant de 11 ans sur 5 a déjà regardé des films d’horreur.
Se faire peur provoque de la dopamine dans ton cerveau, l’hormone du bonheur, et de l’adrénaline, qui donne des sensations fortes.
En fait, on a envie de tester ses limites, surtout à l’adolescence où on commence à remettre en question les règles autour de nous.
Qu’est-ce que je peux supporter, ne pas supporter ? Ça fait quoi, de voir du sang, des meurtres ? C’est un peu comme l’appel du vide : même si tu sais que tu ne dois pas sauter, une petite voix en toi te dit : fais-le !
Les impacts des images dérangeantes
Et en vrai, internet, c’est le lieu parfait pour trouver du contenu dérangeant, sans restriction d’âge.
Puis te voilà, roulé en boule dans ton lit à quatre heures du matin, parce que tu as vu une image atroce que tu n’arrives pas à te retirer de la tête.
Parce que oui, en plus de la sensibilité de chacun (il y a des gens qui s’évanouissent à la vue du sang et d’autres qui se cassent le doigt sans broncher), l’âge joue un rôle dans la compréhension des images.
Même si tu sais que c’est un film, l’exposition à des images trop violentes, trop gores, peut donner lieu à une perception déformée de la réalité.
Squid Games et violence 🐙
On ne sait pas si tu te rappelles, mais à un moment, dans les collèges, voire même en primaire, les gens devenaient violents parce qu’ils avaient regardé Squid Games à la télé. Et en se croyant matures, ils ont commencé à se taper entre eux parce qu’ils “jouaient à Squid Games”.
Mais c’est normal : si tu es face à du contenu que tu ne comprends pas, tu vas l’extérioriser d’une façon ou d’une autre, et souvent de façon dangereuse pour toi.
Pour résumer, voilà ce qu’il peut se passer si tu regardes une image trop choquante pour ton âge :
- Développement d’insomnies
- Violence, frustration
- Syndrômes post-traumatiques
- Difficulté à discerner le vrai du faux
Le guide des Sherpas pour aimer te faire peur… sans te traumatiser
✔️ Écoute ton corps et ton mental : si tu sens qu’une vidéo ou qu’un film n’est pas fait pour toi, tu le regarderas plus tard. C’est 10 fois plus mature et stylé, plutôt que de te faire peur avec des choses pas adaptées à ta sensibilité pour te fondre dans la masse.
✔️ Si tu veux te faire peur, fais-le. Parce que ça fait partie de la nature humaine, et que personne ne peut t’en empêcher. Mais expose-toi de manière intelligente et responsable au contenu flippant
✔️ Exit les vidéos Youtubes truffées de screamer pourris et d’images malsaines pour te faire cliquer.
✔️ Si tu veux rester sur Youtube, Alt 236, par exemple, propose des vidéos explorant les légendes urbaines très bien expliquées.
✔️ Fais des pauses si tu as besoin de prendre du recul sur ce que tu vois.
✔️ Découvre de vrais films d’horreur. Ceux qui font monter la tension, qui te font t’agripper à ton siège tout le long.
✔️ Essaye de comprendre les morales derrière les films d’horreur, et les messages qu’ils véhiculent.
✔️ Regarde les coulisses/ making-off des films d’horreur pour comprendre comment ils sont faits.
✔️ Regarde des interviews des acteurs/créateurs de contenus flippants. Ce sont des gens comme nous !
Quel premier film d’horreur avant 15 ans ?
Voici des recommandations de films d’horreur adaptés aux ados avant 15 ans, à voir avec un plus grand qui peut t’expliquer et analyser certaines scènes.
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Scream, de Wes CRAVEN (1996)
La morale du film : l’exposition à des films violents doit être faite de façon responsable, car elle peut entraîner des comportements dangereux.
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Souviens-toi… l’été dernier, de Jim GILLESPIE (1997)
La morale du film : faire justice soi-même ne mène à rien de bon
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Le Village, de M.Night SHYAMALAN (2004)
La morale du film : vivre isolé du monde peut nous pousser à le craindre
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Mister Babadook, de Jennifer KENT (2014)
La morale du film : faire son deuil est douloureux, mais il ne faut pas se laisser hanter par son passé.
Et pour les parents…
Il est quasi impossible d’empêcher son enfant de regarder des choses qui font peur, surtout s’il l’a à portée de main sur Internet.
Plutôt que de lutter contre ça, il vaut mieux l’accompagner et explorer avec lui la peur. Comme ça, il saura qu’il peut venir vers vous s’il est face à une image trop forte pour lui.
Par exemple :
- Regardez un thriller/film d’horreur, catégorie moins de 12 ans maximum, avec lui. Si ce n’est pas votre genre de film, demandez à une personne de confiance.
- Rappelez-lui que la fiction horrifique doit rester de la fiction, et que la souffrance humaine ne doit pas être glorifiée.
- Parler des morales derrière les films d’horreur.
- Si vous remarquez qu’il ne dort pas bien, ne pas hésiter à demander s’il a vu quelque chose qui l’a choqué.
- Si c’est le cas, ne pas le blâmer, mais essayer de décrypter avec lui cette image. Est-elle vraie ? Fausse ? Quelle conclusion faut-il tirer ?
Et voilà, grâce à cet article, tu devrais avoir les clefs pour mieux comprendre les creepypastas ! Vas-tu en créer une ?