“Un chef, c’est fait pour cheffer”. Tu l’as dit Jacky ! Qu’on soit en accord ou non sur le plan politique, on a tous eu un petit pincement au cœur en apprenant le décès de Jacques Chirac, ce jeudi 26 septembre 2019, à l’âge de 86 ans.
L’ancien président de la République était sans conteste une figure emblématique de la politique française par sa stature, ses prises de position engagées dans la politique étrangère de la France et ses moments cultes (et très cocasses) qu’on ne se lasse pas de regarder en boucle.
Voici donc une biographie d’un homme politique ambitieux et populaire malgré les controverses, en s’interrogeant notamment sur l’héritage entre autres politique et géopolitique qu’il nous a légués.
La jeunesse de Jacques Chirac : un jeune homme promis à une grande carrière politique ✨
Jacques Chirac est né 1932 à Paris et grandit en Corrèze. Il fait ses études à Sciences Po Paris et milite un certain temps pour le Parti communiste (il signe même l’appel de Stockholm en 1950, une pétition d’inspiration communiste contre l’armement nucléaire). Mais ses opinions politiques changeront radicalement dans les années qui vont suivre !
Il épouse Bernadette Chodron de Courcel en 1953, ce qui constitue pour lui un grand changement de milieu social : lui est petit-fils d’instituteurs (plus précisément de “hussards noirs” de la République, c’est-à-dire d’instituteurs publics sous la IIIème République) et vient d’un milieu plutôt radical-socialiste, elle vient d’un milieu bourgeois…Bref, deux mondes très différents ! Les parents de Bernadette Chirac sont mêmes réticents au mariage de leur fille avec un homme qu’ils considèrent comme étant issu d’une classe inférieure à la leur.
Jacques Chirac intègre l’ENA (École Nationale d’Administration) l’année de leur mariage. Le couple a deux filles, Laurence et Claude (la première s’est éteinte à l’âge de 58 ans en 2016). A cause du grand investissement politique de Jacques Chirac et des blessures familiales difficilement gardées secrètes (la maladie de leur fille Laurence, les cas d’adultère de Jacques Chirac), la famille Chirac connaît une histoire très mouvementée.
En 1956, il se porte volontaire dans la Guerre d’Algérie. D’abord partisan de l’Algérie française, il s’affirme ensuite en tant que gaulliste, ce qui constitue un grand revirement, pour un homme d’abord de gauche et issu d’une famille et d’une région plutôt radicale-socialistes !
Jacques Chirac : un homme politique ambitieux à l’ascension fulgurante ?
Grâce à ses brillantes études et sa grande ambition, la carrière politique de Jacques Chirac s’enclenche et décolle très rapidement.
En 1962, il intègre le cabinet du Premier Ministre Georges Pompidou comme chargé de mission. Parallèlement, il entame une carrière politique en Corrèze où il est élu député en 1967.
Il entre la même année dans le gouvernement de Georges Pompidou, devenu président de la République, qui le surnomme « bulldozer ».
Et pour cause ! Le jeune Chirac enchaîne les ministères : il est successivement ministre des relations avec le Parlement, ministre de l’agriculture et ministre de l’Intérieur. Il joue un rôle très important durant les événements de Mai 1968 et dans les négociations qui débouchent sur la signature des accords de Grenelle, mettant ainsi fin au mouvement de grève générale.
Il devient Premier Ministre de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Mais, étant donné les difficultés économiques de l’époque à cause de la crise pétrolière des années 1970, il finit par démissionner en 1976 car il estime qu’il ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener sa fonction à bien.
Mais Jacques Chirac ne compte pas s’en arrêter là avec la politique, loin de là ! En 1976, il crée le RPR (Rassemblement Pour la République), futur UMP et aujourd’hui devenu Les Républicains. Bon, en réalité, il a surtout crée le RPR pour mettre ce parti au service de ses ambitions politiques personnelles.
Il est élu maire de Paris en 1977 et fait de l’Hôtel de Ville sa “base arrière” dans sa course à l’Elysée, en engageant notamment pas moins d’une vingtaine de personnes aux frais de la mairie et les faisant travailler pour sa campagne présidentielle. Cette affaire d’emplois fictifs lui vaudra 2 ans de prison avec sursis suite à un procès en 2011.
Jacques Chirac gagne énormément en popularité et dégage même une image d’homme politique ultra cool (c’est pendant son mandat à la mairie que la fameuse photo de lui en train d’enjamber le portillon de métro a été prise). Il devient si populaire que son parti, le RPR (allié à l’UDF, l’Union pour la Démocratie française), obtient la majorité absolue aux élections législatives de 1986.
Cette victoire le conduit au poste de Premier Ministre, mais cette fois en cohabitation avec un président de gauche, François Mitterrand, qui est socialiste. Cette période de cohabitation est une première dans l’Histoire de la Vème République !
Au passage, tu connais sûrement le cultissime “Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier Ministre” de François Mitterrand à Jacques Chirac, lors du débat télévisé les opposant dans le cadre des élections présidentielles de 1988 (que Jacques Chirac a perdu).
Mais sa pugnacité finira par payer lors de sa troisième candidature aux élections présidentielles ! Battant le socialiste Lionel Jospin au second tour, Jacques Chirac est élu président de la République en 1995. Il est même réélu en 2002 avec plus de 82% des suffrages au second tour contre Jean-Marie Le Pen. Bon à savoir : son premier mandat était un septennat, et il a lui-même instauré le régime du quinquennat ce qui a donc donné un second mandat de cinq ans.
👉 Le voilà donc enfin à la tête de la République ! Voyons maintenant quel rôle il a joué dans la politique nationale et internationale française.
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Jacques Chirac, président de la République : les débuts
On ne va pas passer par quatre chemins, Jacques Chirac connaît une importante chute de popularité dès le début de son mandat. Ça commence par le fameux “ultime essai nucléaire” de la France en 1996, alors qu’il avait affirmé vouloir mettre fin à ces essais.
Mais le moment fort qui a accéléré sa baisse de popularité a été la réforme des retraites d’Alain Juppé en 1995, ce qui a conduit à de grandes grèves, les plus importantes depuis Mai 1968, et plus tard, en 2006, de grandes manifestations contre une loi visant à instaurer le CPE (Contrat Première embauche, un type de contrat à durée indéterminée pour les moins de 26 ans).
Et c’est sans parler de certains gestes qui l’ont rendu encore plus impopulaire, comme “le bruit et l’odeur” des immigrés…
Mais Jacques Chirac a néanmoins pris certaines décisions, surtout en politique internationale, qui lui ont permis quelque peu de redorer son blason. C’est le cas par exemple de sa participation aux accords de Kyoto en 1997, accords visant à réduire l’émission mondial de gaz à effet de serre. Il a notamment déclaré une phrase restée célèbre et s’inspirant d’une formule de Nicolas Hulot : “Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs.”
Jacques Chirac et le maintien de la tradition gaulliste ⚡️
La politique chiraquienne entre dans la droite lignée de la tradition gaulliste.
Mais qu’est-ce que c’est, la tradition gaulliste ?
👉 C’est une volonté de défendre les intérêts de la France et de montrer qu’elle n’est pas à la remorque des autres puissances, notamment des États-Unis. Cela ne signifie pas s’opposer systématiquement aux décisions de la puissance américaine, qui reste l’alliée de la France (Jacques Chirac a par exemple engagé le pays dans la guerre d’Afghanistan en 2001, au sein de la coalition internationale menée par les États-Unis). Cela signifie juste une volonté de défendre l’indépendance et la liberté de jugement de la France.
Et l’une des décisions les plus marquantes de Jacques Chirac, dans la ligne directe de la politique gaulliste, a été de dire non à la guerre en Irak en 2003, souhaitée par les États-Unis dans le cadre de leur guerre contre le terrorisme.
Le refus de la France n’a certes pas du tout enrayé la machine de guerre qui s’est mise en route sous l’impulsion des États-Unis, et la guerre d’Irak a bien eu lieu, mais cette décision demeure très marquante dans la politique française ! D’autant plus marquante que la France faisait partie d’une très petite minorité à refuser de s’impliquer.
J’ai un principe simple en politique étrangère, je regarde ce que font les Américains et je fais le contraire !
Jacques Chirac
Ancien président de la république
👉 Cette phrase résume parfaitement bien sa volonté forcenée d’indépendance pour la France.
La politique de Jacques Chirac en Afrique et au Moyen-Orient : tiers-mondisme ou néocolonialisme
Jacques Chirac entretenait des relations très proches avec certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient, et certains ont tendance à y voir un certain tiers-mondisme. Est-ce légitime de parler d’utiliser ce terme, et ne devrait-on pas plutôt parler de néocolonialisme ?
Le président avait en effet noué de bonnes relations avec des dirigeants très contestés, comme Hassan II au Maroc, Bouteflika en Algérie, Ben Ali en Tunisie, et même Saddam Hussein jusqu’aux années 1990 et jusqu’à l’invasion par l’Irak du Koweït. Il est vrai que certains moments forts lors de ses tournées diplomatiques lui ont octroyé une image d’homme proche du peuple et du Tiers-Monde (on pense surtout à son célèbre “Do you want me to go back to my plane ?” à la police israélienne à Jérusalem, faisant de lui une figure très populaire dans le monde arabe).
Mais les relations diplomatiques qu’il noue sont en général là pour défendre les intérêts économiques de la France, et c’est pour ça, pour ce qui est de la politique en Afrique, que certains parlent de “Françafrique”, autrement dit de néocolonialisme de la France dans sa politique étrangère.
Sa proximité avec des dirigeants africains lui a valu le surnom de “Chirac l’Africain”, surnom d’autant plus mérité qu’il voue une véritable passion pour l’art africain, d’où la création du musée du Quai Branly, appelé aussi musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques.
On retient donc de la politique étrangère de Jacques Chirac un fort tropisme africain et arabe, qui semblait partir d’un réel intérêt du président pour ces cultures mais destinée aussi à servir les intérêts de la France (et pas que, on pense en particulier au luxueux appartement parisien prêté gratuitement par la famille Hariri au couple Chirac).
Un des moments les plus cultes de la carrière de Jacques Chirac !
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Jacques Chirac : un héritage politique et géopolitique controversé ?
Alors quel héritage retient-on de Jacques Chirac aujourd’hui ?
Certains lui reprochent son “immobilisme” (surtout celui qui est devenu un de ses plus vifs opposants, Nicolas Sarkozy) et considèrent que l’héritage qu’il laisse derrière lui est bien maigre… Et c’est vrai que les réformes majeures des mandats de Jacques Chirac n’ont eu qu’un très faible impact sur le pays.
Néanmoins, même si son second mandat s’est clos sur un échec (celui du référendum de 2005 et du “non” des Français à la constitution européenne), on retient tout de même de lui des initiatives non négligeables. Jacques Chirac s’est évertué à prendre des positions engagées pour défendre les intérêts de la France (certes dans des conditions controversées comme ça été le cas avec des régimes despotiques d’Afrique notamment), et a grandement contribué au rayonnement de la France par sa stature et son caractère fort et tranchant.
Un homme politique qui a frappé l’imaginaire culturel français ⚡️
Au-delà de l’homme politique, Jacques Chirac était une véritable icône française.
Il a réellement frappé l’imaginaire culturel et politique des Français, jeunes ou plus vieux : le peuple a toujours été très sensible à sa stature et à ses prises de position.
Jacques Chirac avait aussi un côté très séducteur (voire “magouilleur”), comme l’illustre si bien la séquence culte du Petit Journal de Yann Barthès, où l’on voit Bernadette Chirac prendre son époux la main dans le sac ? Mais en même temps, il y a toujours eu en cet homme quelque chose qui attire la sympathie des Français (au-delà des considérations politiques).
Par exemple, la coupe du monde de 1998 et la victoire des Bleus, pour laquelle il n’a eu de cesse de montrer son enthousiasme, lui ont permis d’incarner une France qui gagne et d’avoir une image très positive aux yeux du peuple.
Au-delà des inclinaisons politiques, on lui voue tous une certaine affection, au fond, en bon vivant qu’il était. Comme le disait si bien Johnny, “nous avons tous quelque chose en nous de Jacques Chirac”. Tu vas nous manquer Jacques.