À retenir :
- La théorie de l'étiquetage, développée par Howard Becker, met l'accent sur la manière dont la société définit et attribue l'étiquette de "déviant" à certains comportements.
- Les normes sociales varient avec le temps et le lieu, ce qui entraîne une construction sociale de la déviance à travers des lois et jugements collectifs.
- La réaction de la société à un comportement joue un rôle essentiel dans l'étiquetage, influençant et parfois renforçant les conduites déviantes par le biais de l'intériorisation de cette étiquette.
- La stigmatisation résultant de l'étiquetage peut toucher tous les milieux sociaux, avec des exemples concrets comme les sanctions scolaires ou l'isolement dans le milieu professionnel.
D'où vient la théorie de l'étiquetage ?
Les travaux du sociologue Howard Becker dans les années 1960 ont permis de mettre en lumière la théorie de l'étiquetage. Selon Becker, « Les groupes sociaux créent la déviance en établissant des règles dont la transgression constitue de la déviance » (Becker, Outsiders, 1963). Ici, on ne s'intéresse pas tant à l'acte lui-même qu'au processus de définition par lequel la société attribue ou non une étiquette de "déviant".
Cette approche rompt avec les analyses centrées uniquement sur l'individu ou son environnement familial. Elle insiste sur le rôle des instances sociales - police, justice, école, famille - qui participent activement à l'attribution des étiquettes et donc à la construction sociale de la déviance.
Quels sont les mécanismes de la construction sociale de la déviance ?
Le processus de définition par la société
Les normes sociales évoluent selon les cultures, les contextes historiques et les groupes sociaux. Ce qui est considéré comme une infraction aujourd'hui peut être accepté demain. Par exemple, en France, la consommation de cannabis reste prohibée (source : OFDT, 2023), alors que d'autres pays européens assouplissent leur législation, révélant ainsi la dimension relative des normes.
La construction sociale de la déviance résulte du fait que certaines actions se voient attribuer un caractère déviant via des lois, règlements ou jugements collectifs. Ainsi, ceux qui désirent approfondir ces aspects peuvent notamment se tourner vers les théories sur la déviance. La société exerce ce pouvoir à travers ses institutions pour décider qu'un acte est déviant ou non.
L'importance de la réaction de la société
Un comportement devient déviant principalement parce qu'il provoque une réaction sociale. Insulter un surveillant scolaire entraîne souvent une sanction, car cela viole la norme de respect de l'autorité. En France, environ 7% des élèves du secondaire déclarent avoir subi des sanctions disciplinaires graves chaque année (DEPP, 2023). L'application d'une étiquette de “déviant” modifie alors la perception sociale de l'élève concerné.
Cette étiquette risque d'influencer durablement le comportement de l'individu, qui adapte ses actes à cette nouvelle identité imposée par l'environnement social.
Déviance primaire, déviance secondaire et intériorisation de l'étiquette
Du passage à l'acte déviant à l'intensification
Edwin Lemert distingue deux étapes. La déviance primaire désigne l'écart initial aux normes, souvent discret. Si la réaction sociale est forte, survient la déviance secondaire : l'individu accepte l'étiquette, s'identifie à elle et intensifie ses conduites déviantes. Un adolescent tagueur, qualifié de « délinquant » par son quartier, peut alors renforcer son rejet des normes.
La force de la réaction collective peut transformer un incident isolé en marginalisation progressive. Selon la DARES, près de 20% des jeunes placés sous contrôle judiciaire connaissent ensuite des difficultés durables d'insertion professionnelle (DARES, 2022).
Les effets de l'intériorisation de l'étiquette
Lorsqu'un individu finit par intégrer l'étiquette de déviant imposée par autrui, il ajuste progressivement son comportement. Ce phénomène, appelé intériorisation de l'étiquette, fonctionne comme une prophétie autoréalisatrice. L'identité déviante se pérennise, favorisant l'exclusion et la stigmatisation.
Ce schéma apparaît fréquemment chez les personnes issues de milieux défavorisés. Selon l'Insee, les jeunes des quartiers prioritaires ressentent plus fortement le poids d'une réputation négative, ce qui influence la perception des employeurs ou des institutions éducatives (Insee Références, 2023).
Quels exemples concrets illustrent la théorie de l'étiquetage ?
Au quotidien, la définition de la déviance par le biais de l'étiquetage se manifeste dans de nombreux contextes :
- À l'école, un élève turbulent subit des exclusions répétées, ce qui renforce ses conduites marginales.
- Dans l'entreprise, un salarié perçu comme en marge se retrouve soupçonné lors d'incidents, accentuant son isolement.
- Sur les réseaux sociaux, la diffusion rapide d'informations incriminantes amplifie l'étiquetage public et accélère l'exclusion.
La structure sociale et les processus collectifs déterminent la stabilité ou l'évolution de ces étiquettes. Selon le statut social, la même action reçoit un traitement différent. Un acte illégal réalisé par une personnalité politique bénéficie rarement du même jugement qu'un acte identique commis par une personne anonyme.
| Contexte | Acte | Réaction de la société | Effet attendu |
|---|---|---|---|
| École | Manque de respect envers un professeur | Avertissement, dossier disciplinaire | Risque d'exclusion, stigmatisation |
| Entreprise | Petite erreur administrative | Observation orale ou signalement à la hiérarchie | Perte de confiance, isolement progressif |
| Famille | Sorties tardives répétées à l'adolescence | Sermon, privation de sortie | Renforcement de la défiance, conflit générationnel |
Erreurs fréquentes à éviter lorsqu'on aborde la théorie de l'étiquetage
On confond souvent la théorie de l'étiquetage avec un jugement moral sur la valeur des actes. Or, elle étudie avant tout la manière dont la société définit et produit la déviance, indépendamment de la gravité réelle de l'acte. Il importe aussi de distinguer la déviance effective de l'effet d'étiquetage, qui existe parfois sans infraction avérée.
Autre confusion classique : croire que l'étiquetage ne concerne que la jeunesse ou les classes populaires. Les phénomènes de stigmatisation touchent tous les milieux sociaux, y compris professionnels, politiques ou familiaux.
Face à ces enjeux, pensez-vous que la société pourrait réduire les effets de l'étiquetage en repensant la gestion collective de la déviance ?







