À retenir :
- La déviance résulte de la transgression de normes sociales, variant selon les contextes et au-delà des infractions légales.
- L'anomie et le contrôle social influencent la déviance par l'affaiblissement des liens sociaux et la pluralité des normes.
- Le processus d'étiquetage crée des identités déviantes en stigmatisant des transgressions réelles ou perçues.
- La perception de la déviance évolue avec le temps, reflétant les transformations sociétales et culturelles.
Comprendre la déviance : définitions et enjeux
Dès qu'un individu transgresse une norme sociale ou juridique, il risque d'être qualifié de déviant. Une norme désigne l'ensemble des règles de conduite partagées par un collectif, qu'elles soient écrites (normes juridiques) ou informelles (codes sociaux, attentes collectives).
La déviance ne se limite pas aux infractions sanctionnées par le droit. Un acte jugé anodin dans un contexte peut devenir inadmissible ailleurs : porter un vêtement voyant, fumer dans la rue, contester publiquement une autorité. En 2023, environ 350 000 condamnations pénales ont été prononcées en France (source : Insee, Ministère de la Justice, chiffres-clés 2024), mais chaque jour, bien plus de comportements sont considérés comme déviants sans poursuite judiciaire.
Processus et contextes de la déviance : entre normes et relations sociales
Pourquoi certains individus enfreignent-ils les normes sociales ? Résultat d'une transformation des sociétés ou conséquence de l'affaiblissement des liens sociaux traditionnels ? Plusieurs théories sociologiques proposent des explications après Émile Durkheim, telles que celles abordées dans la sociologie de la déviance.
L'anomie et l'affaiblissement des normes sociales
Le concept d'anomie décrit, chez Émile Durkheim, une situation où les normes perdent leur efficacité régulatrice, souvent lors de bouleversements économiques ou sociaux (« Le suicide », 1897). L'individu, sans repères clairs, hésite sur les comportements à adopter, ce qui favorise la montée de conduites déviantes.
Prenons l'exemple de l'adolescence : face à des repères familiaux moins solides, certains jeunes adoptent des conduites marginales pour s'intégrer parmi leurs pairs. La Drees indique qu'en 2022, 18 % des adolescents de 15 à 19 ans déclaraient avoir déjà consommé du cannabis (Drees, Panorama santé 2022), signe d'une distanciation vis-à-vis de certaines normes parentales.
L'influence du contrôle social et la pluralité des normes
Le contrôle social désigne l'ensemble des mécanismes visant à faire respecter les règles, par la récompense ou la sanction. Il varie selon les milieux sociaux. Certaines familles privilégient la surveillance rapprochée, d'autres valorisent l'autonomie, exposant ainsi à des risques différents de déviance.
Dans une entreprise locale, des salariés peuvent ignorer certaines consignes quand le contrôle reste symbolique. Ce glissement illustre l'impact du degré de contrôle social sur la probabilité de comportements marginaux.
Stigmatisation et processus d'étiquetage : la construction sociale de la déviance
La déviance dépend aussi du regard porté par autrui. Howard Becker affirme : « Les groupes sociaux créent la déviance en appliquant à certains des règles » (Becker, Outsiders, 1963). Le processus d'étiquetage consiste à attribuer une identité déviante à un individu après une transgression réelle ou supposée.
Étiquetage et carrière déviante : effet cumulatif
Une personne identifiée comme « délinquante » subit la stigmatisation : rejet, méfiance, discrimination. Cette stigmatisation peut conduire à intégrer durablement des réseaux ou sous-cultures déviantes, amorçant une carrière déviante. Près de 13% des personnes sanctionnées scolairement déclarent rencontrer plus de difficultés d'intégration professionnelle à long terme (Insee, enquête Génération, 2020).
L'effet de « prophétie auto-réalisatrice » apparaît parfois : la société attend d'un jeune issu d'un quartier défavorisé qu'il trouble l'ordre ; celui-ci, intériorisant cette image, adopte effectivement des comportements réprouvés.
Transformation des sociétés et multiplicité des regards
La mondialisation et la mobilité sociale multiplient les normes sociales : un migrant nouvellement arrivé constate vite que certains usages acceptés dans son pays d'origine sont jugés inadaptés localement. Cette diversité accroît le risque d'étiquetage déviant.
Pour illustrer cette dynamique, la DARES observe que plus de 8% des actes de discrimination recensés en 2022 portaient sur l'apparence physique ou vestimentaire (DARES résultats, 2023) : preuve que l'étiquetage repose sur des normes fluctuantes.
Données, exemples concrets et erreurs fréquentes
L'analyse de la déviance demande de croiser observations et données statistiques fiables afin d'éviter les généralisations abusives. Les enquêtes montrent que la plupart des infractions sont commises par des primo-délinquants, souvent à l'adolescence, mais seules certaines mènent à une exclusion durable. Quelques repères essentiels :
- En 2022, la France comptait 72 000 détentions pour des infractions contre les biens (Banque de France, 2023).
- Les vols simples représentaient plus de 36 % de ces incarcérations, alors que beaucoup de délits restent impunis car non signalés.
- Moins de 1 % des élèves avertis en milieu scolaire récidivent (Éducation nationale, 2023).
| Type de déviance | Taux d'incidence (%) | Principale sanction |
|---|---|---|
| Consommation de stupéfiants | 18 (adolescents) | Avertissement ou exclusion temporaire |
| Petits vols | 7 | Peines alternatives ou rappel à la loi |
| Absentéisme scolaire | 9 | Entretien parental |
Erreurs fréquentes :
- Réduire la déviance à une question morale : cela masque la pluralité des processus sociaux impliqués.
- Supposer que toute infraction conduit à l'exclusion : seule une minorité connaît cette issue.
- Sous-estimer l'importance de la stigmatisation : elle enferme parfois l'individu dans une trajectoire déviante durable.
À votre avis, quelles nouvelles formes de déviance pourraient émerger avec les évolutions technologiques et sociales actuelles ?







