À retenir :
- Durkheim définit l'anomie comme un dérèglement social dû à l'absence de normes et de lois partagées, observé lors de mutations rapides.
- L'anomie se manifeste par des comportements déviants et un affaiblissement des liens sociaux, souvent liés à des crises économiques ou sociétales.
- La division croissante du travail augmente le risque d'anomie en fragilisant les liens collectifs et compliquant la régulation sociale.
- Pour prévenir l'anomie, il est essentiel de renforcer la cohésion sociale par des politiques publiques stables et des réseaux d'entraide solides.
Quelle est la signification de l'anomie selon Durkheim ?
Durkheim, fondateur de la sociologie, définit l'anomie comme un état de dérèglement social résultant de l'affaiblissement, voire de l'absence de lois, de normes sociales ou de repères communs. Il observe que cet état surgit lors de transformations rapides qui désorganisent la régulation sociale.
Dans « Le Suicide » (1897), Durkheim écrit : « L'anomie se produit toutes les fois qu'il y a absence de règles et que l'homme ne sait plus où sont les limites ni jusqu'où il peut aller. » L'anomie apparaît notamment lors de mutations brutales : récession économique, évolution technologique rapide, périodes où les individus peinent à retrouver des règles sociales communes.
Quels sont les signes et conséquences du dérèglement social ?
Quand constate-t-on l'absence de normes ?
Vous pouvez observer cette absence de règlements lors de licenciements massifs, crises économiques, conflits familiaux ou transitions politiques majeures. Par exemple, les chocs liés à la pandémie de Covid-19 ont illustré une forte perturbation des normes sociales : selon l'Insee, le taux de chômage en France (hors Mayotte) est passé de 7,1% fin 2019 à 8% au premier trimestre 2021 (Insee, Chiffres clés 2022). Ce chiffre montre comment une économie fragilisée déstabilise l'intégration sociale habituelle.
Lorsque les règles sociales traditionnelles disparaissent ou sont remises en cause, certains individus s'égarent, doutent de leur place ou développent des comportements déviants. Par ailleurs, l'affaiblissement des liens sociaux représente un facteur déterminant qui amplifie ces phénomènes de désorganisation et de souffrance sociale.
Quelles sont les répercussions concrètes de l'anomie ?
Le dérèglement social s'accompagne souvent d'une augmentation de phénomènes tels que le suicide anomique ou la criminalité. Durkheim démontre que ces actes découlent moins de la pauvreté matérielle que de l'absence de régulation sociale. Il distingue ainsi le « suicide anomique », lié à l'effondrement des normes (chômage, faillite), du « suicide égoïste », résultat de l'isolement.
On mesure aussi l'anomie par le relâchement de la solidarité dans une entreprise ou un groupe. Selon le baromètre Malakoff Humanis 2024, les arrêts maladie longs pour troubles psychologiques ont doublé en trois ans, passant de 14 % en 2020 à 32 % en 2023 (+18 points). Cette tendance majeure est également soulignée par d'autres études d'assureurs et d'experts de la santé au travail, qui observent une hausse de l'ordre de 20 % à 30 % sur la période post-Covid, tous motifs cumulés, signe tangible d'un malaise provoqué par le brouillage des repères professionnels.
Comment la division du travail influence-t-elle l'anomie ?
Quel rôle jouent la spécialisation et la complexification des tâches ?
Dans « De la division du travail social » (1893), Durkheim souligne que la spécialisation croissante des métiers augmente le risque d'affaiblissement des liens collectifs. Plus la société évolue vers la fragmentation des statuts, plus la possibilité d'un dérèglement social grandit, car les individus peuvent ressentir une absence de sens quant à leur contribution au groupe.
Cela concerne par exemple les jeunes diplômés confrontés à la précarité ou les seniors ayant du mal à suivre l'évolution des exigences professionnelles. Ces situations alimentent le sentiment de flottement anomique.
La solidarité mécanique et organique : deux formes de cohésion sociale
Dans une société traditionnelle fondée sur la solidarité mécanique, chacun partage les mêmes règles sociales et coutumes. La cohésion repose sur la similitude des fonctions et des valeurs. Avec la division accrue du travail (solidarité organique), les différences s'accentuent, la régulation sociale devient complexe. Si le système normatif vacille, le risque d'anomie augmente, surtout pour les individus vulnérables.
Ce processus explique pourquoi la généralisation du télétravail, l'ubérisation ou la mobilité professionnelle accentuent parfois l'instabilité normative, notamment pour ceux qui peinent à retrouver leur place dans des structures mouvantes.
Comment prévenir et traiter l'anomie dans la société contemporaine ?
Face à l'anomie, plusieurs démarches visent à renforcer la régulation sociale et la cohésion collective. Les politiques publiques, l'éducation, l'accès à l'emploi ou la gestion de la santé cherchent à offrir de nouveaux repères stables. Récemment, l'État français a mis en œuvre des mesures pour soutenir les travailleurs précaires (France Travail, rapport annuel 2023) et promouvoir l'accompagnement psychologique.
- Renforcement des réseaux d'entraide locaux
- Mise en place de codes de conduite clairs dans les organisations
- Développement de programmes éducatifs sur la citoyenneté
- Protection renforcée pendant les crises (exemple : prime inflation, plans d'aide alimentaire)
Une société capable de limiter l'absence de normes soutient mieux l'intégration des personnes en rupture, facilite l'adaptation lors des changements et encourage la reconstruction de règles partagées, essentielles au vivre-ensemble.
| Année | Taux de chômage (%) | Nombre de suicides déclarés |
|---|---|---|
| 2019 | 7,1 | 9400 |
| 2020 | 8,0 | 9000 |
| 2021 | 8,0 | 9500 |
Erreurs fréquentes sur la notion d'anomie
- Confondre l'anomie avec la simple absence de lois écrites, alors qu'il s'agit avant tout du manque de repères sociaux partagés.
- Penser que toute mutation sociale engendre forcément un dérèglement durable, alors que l'intégration progressive peut restaurer la cohésion.
- Réduire l'anomie à un phénomène individuel isolé, en négligeant son origine collective liée à la régulation sociale globale.
L'anomie interroge donc la capacité de nos sociétés à fournir des règles sociales solides face aux bouleversements. Selon vous, quelles stratégies pourraient renforcer la régulation sociale et prévenir les risques d'absence de normes à l'avenir ?







