À retenir :
- Marx conçoit les classes sociales comme un antagonisme fondé sur la possession des moyens de production, distinguant entre capitalistes et prolétaires.
- Weber propose une analyse multidimensionnelle avec richesse, prestige et pouvoir, créant des groupes de statut indépendants de la richesse matérielle.
- Les théories de Marx et Weber divergent par leur approche : économique et unidimensionnelle pour Marx, multidimensionnelle pour Weber.
- Weber met en avant la mobilité sociale par divers critères, tandis que Marx la considère faible, limitant son analyse à l'économie.
Comment Marx conçoit-il les classes sociales ?
Karl Marx analyse l'histoire humaine à travers un antagonisme social fondamental basé sur la possession ou non des moyens de production. Il distingue principalement deux grandes classes sociales : les capitalistes (bourgeoisie), propriétaires du capital, et les prolétaires, qui n'ont que leur force de travail à vendre. Pour Marx, ces groupes existent objectivement selon leur place dans le système productif, indépendamment de leur conscience collective.
La perspective marxiste privilégie une dimension économique : appartenir à une classe revient à partager un même statut économique lié directement à la propriété ou non du capital. Ce clivage structure une conflictualité sociale permanente. Marx affirme ainsi : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de luttes de classes » (Le Manifeste du Parti communiste, 1848).
Une approche unidimensionnelle
Marx fonde la stratification sociale essentiellement sur l'économie : la société s'organise autour d'une opposition majeure entre classe dominante et classe dominée. Cette analyse dite réaliste considère les classes comme réelles et objectives, même sans conscience d'appartenance de la part des individus.
Cette vision permet d'expliquer pourquoi certaines professions, bien que différentes, occupent des positions proches selon leur rapport aux moyens de production. Par exemple, un cadre salarié ne rejoint pas la classe capitaliste puisqu'il ne possède ni entreprise ni parts significatives dans celles-ci. Pour mieux comprendre cette organisation sociale, il est essentiel de se référer aux théories classiques de la stratification.
Données chiffrées sur la structure sociale actuelle
L'Insee estimait qu'en 2020, environ 21 % de la population active française appartient à la catégorie des cadres et professions intellectuelles supérieures, tandis que les ouvriers représentent 19 % (source : Insee, “Tableaux de l'économie française”, 2023). Ces catégories, même si elles ne recoupent pas strictement les classes marxistes, témoignent de la persistance des inégalités liées à la hiérarchie sociale et à l'accès à la propriété.
Voici un tableau synthétique de la répartition socioprofessionnelle récente en France :
| Groupe social | Part de la population (%) | Exemples de professions |
|---|---|---|
| Cadres et professions intellectuelles supérieures | 21 | Ingénieurs, médecins, enseignants-chercheurs |
| Employés | 27 | Assistants, secrétaires, caissiers |
| Ouvriers | 19 | Techniciens, conducteurs d'engins, agents de maintenance |
| Artisans, commerçants, chefs d'entreprise | 6 | Boulanger, chef d'entreprise artisanale |
Quelles spécificités la théorie de Weber apporte-t-elle ?
Max Weber adopte une posture différente : il pense que la stratification sociale ne se limite pas à la division économique. Il identifie trois dimensions principales : le statut économique, le prestige (groupe de statut ou ordres sociaux) et le pouvoir politique. L'analyse weberienne met donc en avant une approche multidimensionnelle permettant de saisir la diversité des hiérarchies sociales.
Un individu peut ainsi posséder un statut économique élevé sans bénéficier du même prestige social qu'un artiste renommé, ou sans disposer d'une influence politique équivalente à celle d'un élu local. Selon Weber, l'existence des groupes sociaux repose sur leur reconnaissance collective : c'est une approche dite nominaliste.
Les groupes de statut et la hiérarchie sociale chez Weber
Weber distingue les groupes de statut, définis par des modes de vie, des valeurs et une réputation, créant une hiérarchie sociale indépendante de la richesse matérielle. Certains métiers - avocat, médecin - jouissent ainsi souvent d'un prestige supérieur à celui d'entrepreneurs récents, même avec des revenus moindres.
La notion d'ordre social explique pourquoi des critères non économiques, tels que diplôme, distinctions honorifiques ou origine familiale, influencent fortement le statut réel d'une personne (Weber, Économie et société, 1922).
Formulation nominaliste et mobilité sociale
Pour Weber, la réalité des classes sociales dépend de leur reconnaissance dans la société, ce qui favorise une mobilité sociale plus importante. Ainsi, les parcours scolaires, professionnels ou matrimoniaux modifient la position de chacun. Un étudiant issu d'un milieu populaire accédant à une grande école franchit plusieurs échelons de la stratification sociale.
Selon Eurostat, parmi les jeunes adultes français âgés de 25 à 34 ans, 37 % occupaient en 2022 un emploi dont le statut socio-économique diffère de celui de leurs parents (Eurostat, Social Mobility, 2023). Cette donnée illustre une certaine fluidité sociale, moins évidente dans la lecture marxiste classique.
Quels points-clés distinguent Marx et Weber ?
Comparer ces auteurs aide à mieux comprendre la complexité des situations rencontrées au quotidien. Voici les éléments principaux à retenir :
- Marx :Conflictualité sociale centrée sur la dimension économique ; opposition entre propriétaires du capital et salariés ; théorie réaliste ; analyse unidimensionnelle basée sur la propriété des moyens de production.
- Weber :Stratification multidimensionnelle (richesse, prestige, pouvoir) ; importance des groupes de statut, de la reconnaissance sociale et de la subjectivité ; approche nominaliste attentive à la légitimité perçue.
Ces différences expliquent pourquoi certains groupes restent stables alors que d'autres changent radicalement de composition. Elles éclairent aussi les choix éducatifs, professionnels ou familiaux observés aujourd'hui. Faut-il privilégier la dimension économique ou tenir compte de la pluralité des facteurs pour comprendre les trajectoires individuelles ?
Pour aller plus loin : quelle dimension vous semble la plus déterminante pour expliquer votre propre expérience de la mobilité et des inégalités ? La réflexion reste ouverte : à vous de confronter ces cadres théoriques à vos observations quotidiennes.


