Quels facteurs favorisent ou freinent la mobilité sociale ?

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Pourquoi certains enfants d'ouvriers deviennent cadres alors que d'autres restent dans le même milieu social toute leur vie ? Cette question vous invite à explorer la notion de mobilité sociale et les multiples éléments qui l'influencent, depuis l'environnement familial jusqu'au système scolaire. Pour comprendre les dynamiques de mobilité intergénérationnelle, il faut examiner ces différents leviers et obstacles au sein de la société française.

À retenir :

  • La mobilité sociale représente le changement de statut social au sein d'une société, influencé par des facteurs intergénérationnels et intragénérationnels.
  • Les ressources familiales, incluant le capital économique, culturel et social, façonnent significativement la trajectoire sociale des enfants.
  • Le système éducatif, malgré son rôle potentiel d'égalité des chances, tend à reproduire les inégalités sociales, limitant la mobilité ascendante.
  • La structure socioprofessionnelle et le marché du travail, bien qu'évoluant, posent des défis à la mobilité sociale en raison de certaines professions endogames et du phénomène de déclassement.

Définir la mobilité sociale et ses différentes formes

La mobilité sociale désigne le changement de position sociale d'un individu ou d'un groupe dans la hiérarchie d'une société. Elle recouvre la mobilité ascendante (amélioration du statut) et la mobilité descendante (perte de statut social).

On distingue principalement deux types : la mobilité intragénérationnelle (au cours d'une vie) et la mobilité intergénérationnelle (entre générations). Par exemple, un fils d'agriculteur devenu médecin illustre une mobilité intergénérationnelle ascendante. Selon l'Insee, 66% des hommes nés entre 1970 et 1974 occupaient en 2015 une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père (Insee, Insee Références, 2023).

Les ressources familiales : atouts et contraintes

Le niveau de vie, le patrimoine et le bagage culturel transmis par la famille jouent un rôle majeur dans la trajectoire sociale des enfants. Pierre Bourdieu a distingué trois types de capitaux essentiels pour comprendre ce phénomène : le capital économique (revenus, patrimoine), le capital culturel (diplômes, pratiques culturelles) et le capital social (réseau de relations utiles). Pour approfondir cette approche, il peut s'avérer utile de consulter les déterminants des trajectoires sociales.

Un élève dont les parents possèdent un fort capital culturel bénéficie plus souvent d'un soutien scolaire régulier, d'accès à des outils comme des livres, et d'une orientation vers des filières sélectives. Les données montrent que 44% des enfants d'enseignants accèdent à un emploi qualifié (cadres, professions intellectuelles supérieures), contre seulement 15% des enfants d'ouvriers non qualifiés (Insee, Tableaux de l'Économie Française, 2023).

L'origine sociale conditionne fortement la mobilité sociale. Les enfants issus de classes populaires rencontrent davantage de barrières à l'accès aux grandes écoles, notamment à cause des écarts de capital économique et culturel. Une étude de l'OCDE révèle qu'un enfant sur six né dans un ménage pauvre reste pauvre à l'âge adulte (OCDE, A Broken Social Elevator?, 2018). La structure socioprofessionnelle familiale peut fixer des modèles de réussite ou entraîner une autocensure limitant les ambitions scolaires et professionnelles.

Le poids du système éducatif

L'école vise à égaliser les chances, mais elle reproduit souvent les inégalités existantes. Ainsi, 70% des enfants de cadres obtiennent un diplôme du supérieur long contre seulement 20% des enfants d'ouvriers (Ministère de l'Éducation nationale, Repères et références statistiques, 2023).

L'orientation scolaire précoce vers certaines filières - professionnelle ou générale - explique en partie cette reproduction. Les choix d'orientation, largement influencés par l'origine sociale, aboutissent à des parcours différenciés dès le secondaire. Ce processus, rarement neutre, limite la mobilité ascendante chez les enfants d'ouvriers.

Les filières sélectives telles que les grandes écoles ou universités prestigieuses ouvrent l'accès aux positions élevées, mais elles requièrent une accumulation préalable de capital culturel et social. Le « pantouflage », selon Pierre Bourdieu, illustre la concentration des anciens élèves de grandes écoles dans certains postes-clés. Des dispositifs comme les cordées de la réussite ou les bourses cherchent à réduire l'effet de l'origine sociale, sans toujours compenser entièrement les écarts initiaux. Ces mesures visent à élargir l'accès à l'emploi qualifié pour les jeunes issus de milieux modestes.

Structure socioprofessionnelle et marché du travail

La structure socioprofessionnelle en France s'est transformée. La part des emplois agricoles a chuté tandis que les emplois qualifiés se sont développés : les cadres représentaient 20,1% de la population active en 2022, contre 13,2% en 1982 (Insee, Emploi, chômage, revenus du travail, 2023). Cette évolution explique une partie de la mobilité ascendante observée sur les dernières décennies. Plus il existe d'emplois qualifiés ouverts, plus la possibilité de changer de statut augmente pour toutes les classes sociales, même si le capital social et culturel continue de faire la différence.

Toutefois, des freins subsistent sur le marché du travail. Certaines professions demeurent très endogames : plus de 60% des chefs d'entreprise avaient un père chef d'entreprise (DARES, Mobilité sociale et professionnelle, 2023). Le déclassement concerne aussi près de 18% des jeunes diplômés français, qui occupaient en 2021 un emploi inférieur à leur qualification initiale (Céreq, Générations 2017, 2022). Cela génère des situations de mobilité descendante et remet en question l'idée d'une ascension généralisée grâce au diplôme.

Facteurs transversaux et erreurs fréquentes

Vous devez retenir que plusieurs facteurs agissent ensemble : la famille (ressources économiques et socioculturelles), l'école (ségrégation, réformes), la structure socioprofessionnelle (déclassement, ouverture des catégories), ainsi que des biais subjectifs comme l'autocensure.

  • Sous-estimer l'impact de la précocité de l'orientation scolaire renforce les inégalités.
  • Confondre mobilité absolue (changement de statut) et mobilité relative (probabilités comparatives par origine sociale).
  • Penser que la démocratisation scolaire efface mécaniquement l'influence des ressources familiales.
  • Négliger la persistance de la mobilité descendante en période de crise économique.

Beaucoup surestiment la capacité de l'école à corriger toutes les inégalités liées à l'origine sociale. D'autres oublient que la croissance du secteur tertiaire crée surtout des emplois de service peu qualifiés, multipliant parfois les risques de déclassement.

Face à ces constats, comment pensez-vous que l'école et la société pourraient renforcer la mobilité sociale pour tous ?

Questions fréquentes sur les facteurs de la mobilité sociale 🔍

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