À retenir :
- La mobilité sociale décrit le passage d'individus ou de groupes d'une position sociale à une autre, principalement observée entre générations grâce à la mobilité intergénérationnelle.
- Les tables de mobilité, qui croisent les PCS d'origine et d'arrivée, mesurent la mobilité sociale et révèlent des flux entre groupes sociaux.
- En France, les données montrent une forte reproduction sociale malgré une certaine mobilité ascendante, notamment chez les enfants d'ouvriers.
- Les tables de mobilité ont des limites, simplifiant souvent les trajectoires et ignorant certaines variables comme le genre ou l'origine migratoire.
Comment définir la mobilité sociale ?
La mobilité sociale désigne le passage d'individus ou de groupes d'une position sociale à une autre. Cette dynamique s'observe principalement entre générations : on parle alors de mobilité intergénérationnelle, lorsque l'on compare votre statut social à celui de vos parents. Vous pouvez aussi rencontrer la mobilité intragénérationnelle, qui concerne les changements au sein de la vie active d'un même individu.
L'enquête sur la mobilité sociale se concentre surtout sur la mobilité intergénérationnelle: monte-t-on dans l'échelle sociale par rapport à ses parents (mobilité ascendante), en descend-on (mobilité descendante) ou observe-t-on une immobilité sociale ? En France, la statistique utilise fréquemment les PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) pour analyser ces évolutions.
Les tables de mobilité : quel instrument de mesure ?
Pour quantifier la mobilité sociale, les chercheurs utilisent les tables de mobilité. Cet outil statistique croise la PCS d'origine (celle du parent, généralement du père) et la PCS d'arrivée (celle de la personne interrogée). Chaque case fournit la proportion d'individus ayant changé de groupe, offrant ainsi une image précise des flux de mobilité.
Il est fondamental pour appréhender ces dynamiques de s'appuyer sur des analyses telles que l'étude de la mobilité sociale. Par exemple, parmi 1000 fils d'ouvriers, combien restent ouvriers, deviennent cadres, employés ou indépendants ? Les tables de mobilité apportent cette réponse, exprimée en pourcentages ou en effectifs réels. Elles permettent d'appréhender la reproduction sociale, tout en révélant les mouvements plus larges ou limités entre catégories.
Exemple chiffré : la mobilité sociale en France
En 2020, selon l'Insee (« La mobilité sociale en France - Tableaux de mobilité sociale », Insee Références, édition 2023), parmi les hommes actifs dont le père est ouvrier, 31% sont eux-mêmes ouvriers, 30% employés, 19% professions intermédiaires et seulement 11% cadres ou professions intellectuelles supérieures. Ces chiffres illustrent une forte reproduction sociale, bien qu'une partie connaisse une mobilité ascendante réelle.
Chez les fils de cadres, 58% deviennent cadres, contre seulement 9% ouvriers. Par ailleurs, 65% des enfants issus de catégories populaires demeurent dans la même catégorie que leurs parents (DARES, Repères statistiques, 2022).
Comment lire une table de mobilité ?
Une table de mobilité présente généralement :
- La PCS d'origine en lignes (parents)
- La PCS d'arrivée en colonnes (enfants)
- Des pourcentages indiquant la part de mobilité ou d'immobilité sociale
Deux types de taux principaux apparaissent :
- Taux de mobilité : part d'individus ayant une catégorie différente de celle de leur parent
- Taux d'immobilité sociale : part d'individus restés dans la même catégorie
| PCS d'origine | Cadre | Prof. intermédiaire | Employé | Ouvrier |
|---|---|---|---|---|
| Cadre | 58% | 22% | 11% | 9% |
| Ouvrier | 11% | 19% | 30% | 31% |
Les flux de mobilité peuvent être mesurés en valeurs absolues ou relatives afin de tenir compte des transformations démographiques. L'analyse comparative permet de déterminer si une société offre davantage d'opportunités de changement de classe sociale.
Ce que révèlent les instruments de mesure
Les données issues des tables de mobilité montrent que la reproduction sociale demeure marquée en France. Pierre Bourdieu résume ce constat en affirmant : « La transmission héréditaire du capital culturel... institue la reproduction du système des classes » (Bourdieu, La reproduction, 1970).
Cependant, certaines analyses soulignent une ouverture : près d'un tiers des enfants d'ouvriers atteignent des positions sociales supérieures à celles de leurs parents (Insee Références, 2023). Ce phénomène témoigne d'une mobilité ascendante non négligeable.
Limites des tables de mobilité
Bien que les tables de mobilité offrent une vue d'ensemble précieuse, elles comportent plusieurs limites :
- Elles simplifient la réalité complexe des parcours professionnels avec des catégories homogènes.
- La classification PCS fige la diversité des trajectoires et ignore souvent l'impact du genre ou de l'origine migratoire.
- Ces outils reposent majoritairement sur la profession du père, laissant de côté la situation de la mère.
L'interprétation nécessite donc prudence et recul. De plus, les évolutions structurelles (hausse du niveau d'études, transformation du marché du travail) influencent les taux de mobilité sans refléter mécaniquement une progression de l'égalité des chances.
Différence entre fluidité et mobilité brute
Saviez-vous que la mobilité sociale peut augmenter simplement parce que certaines catégories grandissent ? Pour comparer la fluidité sociale réelle, on calcule la mobilité nette, qui neutralise ces effets démographiques. Selon l'OCDE (« A Broken Social Elevator? How to Promote Social Mobility », 2018), la France affiche une faible fluidité comparativement à la moyenne européenne.
Plusieurs facteurs interviennent : rôle du système scolaire, ségrégation résidentielle, accès différencié à l'emploi qualifié. Cela nourrit les débats autour de la justice sociale et des politiques publiques à privilégier.
Erreurs fréquentes sur la mobilité sociale
De nombreuses personnes confondent mobilité intergénérationnelle et mobilité intra-générationnelle. Or, seule la première met en parallèle les statuts sociaux entre deux générations et analyse l'ascension ou la descente par rapport aux parents.
Autre confusion courante : interpréter des taux élevés de mobilité sociale comme un signe d'égalité des chances. Il s'agit parfois simplement de l'évolution de la structure professionnelle globale, sans effet sur la justice sociale.
La mobilité sociale reste un objet d'analyse complexe : quelles politiques pourraient, selon vous, renforcer l'égalité des chances et dépasser la simple reproduction sociale ?


