À retenir :
- Le multiplicateur keynésien désigne un processus économique où chaque euro dépensé par l'État déclenche une chaîne de réactions bénéfiques, conduisant à une augmentation de la richesse nationale supérieure à la valeur initiale.
- L'effet multiplicateur dépend de la chaîne générée par l'investissement public : il stimule l'activité économique en augmentant l'emploi et la consommation, ce qui contribue à un accroissement du revenu national.
- Les limites de cet effet incluent les fuites économiques comme l'épargne et les importations, qui réduisent l'efficacité du multiplicateur en déviant l'argent du circuit productif domestique.
- L'efficacité maximale du multiplicateur s'observe dans des contextes de chômage élevé et de faible importation, où les dépenses publiques ciblées intensifient la relance économique grâce à une propension marginale à consommer élevée.
En quoi consiste le multiplicateur keynésien ?
Dès que l'on s'interroge sur la croissance ou l'efficacité des dépenses publiques, la notion d'effet multiplicateur keynésien s'impose. Ce concept central en économie keynésienne désigne le processus selon lequel toute dépense supplémentaire de l'État déclenche une série de réactions positives en chaîne, profitant à plusieurs acteurs économiques. Comme l'expliquait John Maynard Keynes, « l'importance de l'action gouvernementale tient justement à sa capacité à relancer la machine économique » (Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936).
Prenez l'exemple d'un investissement public dans la construction de nouveaux lycées : les entreprises du bâtiment recrutent, achètent des matériaux, paient leurs fournisseurs. Chaque étape stimule à son tour d'autres achats et embauches. Grâce à cet effet boule de neige, le multiplicateur keynésien permet à une politique de relance d'avoir un impact bien supérieur au seul montant injecté.
Quels sont les mécanismes derrière l'amplification du multiplicateur keynésien ?
La chaîne entre investissement public et revenu national
Le cœur de l'effet multiplicateur keynésien repose sur cette séquence : une hausse de l'investissement public soutient l'activité des entreprises locales, qui recrutent et versent des salaires, augmentant ainsi la consommation des ménages. Ce surplus de consommation profite à son tour à d'autres secteurs, générant une augmentation cumulative du revenu national. À chaque cycle, l'impact s'étend, dépassant largement la somme initialement dépensée. C'est aussi dans ce contexte qu'il devient essentiel de s'intéresser à l'efficacité des politiques budgétaires, afin de comprendre les enjeux liés à la gestion publique.
Par exemple, l'Insee relève que le plan de relance français de 2020 (100 milliards d'euros) a permis de soutenir la croissance du PIB de +1,5 point en 2021 (Insee, Note de conjoncture, juin 2021), soit un effet démultiplié par rapport au montant injecté, grâce à la dynamique enclenchée dans toute l'activité économique.
Pourquoi la propension à consommer compte-t-elle tant ?
L'intensité de l'effet multiplicateur dépend du comportement des ménages face à leur revenu supplémentaire. Plus ils consomment, plus le cercle vertueux s'élargit. Si chaque euro perçu via une politique budgétaire est rapidement dépensé, la relance s'amplifie et le PIB croît davantage.
Selon Eurostat (2022), le taux d'épargne des ménages français atteint environ 16 %. Autrement dit, pour chaque 100 € gagnés, 84 € sont immédiatement réinjectés dans la consommation, ce qui favorise pleinement la réussite d'un plan de relance basé sur le multiplicateur.
Quelles sont les limites à l'effet multiplicateur keynésien ?
L'importance des fuites hors du circuit économique national
Toutes les sommes injectées par l'État ne restent pas dans l'économie nationale : une part file vers les importations, l'épargne ou les impôts. Ces « fuites » réduisent l'efficacité du multiplicateur keynésien, car elles détournent le flux monétaire de l'activité productive domestique.
La Banque de France indique qu'environ 32 % des produits consommés en France sont importés (Comptes nationaux, 2023). Ainsi, sur 100 € de dépenses publiques, près d'un tiers bénéficie directement à la production étrangère plutôt qu'au tissu productif local.
Des effets variables selon le contexte
L'efficacité du multiplicateur keynésien varie avec la conjoncture. Quand il existe beaucoup de capacités inemployées (chômage élevé, usines sous-utilisées), la politique de relance agit pleinement : chaque commande trouve preneur sans tension sur les prix. Mais si l'économie fonctionne à plein régime, l'injection de fonds risque surtout de provoquer de l'inflation, limitant l'accélération recherchée.
L'OCDE précise qu'au-delà de 90 % d'utilisation des capacités de production, l'effet du multiplicateur s'atténue, laissant place à des risques d'inflation avant toute hausse significative du revenu national (OCDE, Perspectives économiques, 2022).
Illustration synthétique du mécanisme multiplicateur
Pour mieux comprendre la puissance de l'effet multiplicateur keynésien, observez ce schéma d'enchaînement :
- L'État engage un investissement public (exemple : construction d'une école)
- Les entreprises reçoivent des fonds, recrutent du personnel, achètent des équipements
- Les salariés et fournisseurs bénéficient d'un revenu accru
- Une grande partie de ce revenu finance de nouveaux achats (consommation courante, loisirs...)
- Chaque achat profite à d'autres acteurs, qui redépensent à leur tour
- Résultat final : le revenu national augmente de plusieurs fois la somme initialement investie
Ce tableau montre comment la propension marginale à consommer influence la valeur du multiplicateur et l'effet total sur le PIB :
| Propension marginale à consommer | Valeur approximative du multiplicateur | Effet total sur le PIB pour 1 milliard d'euros dépensé |
|---|---|---|
| 0,5 | 2 | 2 milliards d'euros |
| 0,8 | 5 | 5 milliards d'euros |
| 0,9 | 10 | 10 milliards d'euros |
Erreurs fréquentes concernant le multiplicateur keynésien
Certains pensent qu'il suffit de toute dépense publique pour garantir une croissance continue. En réalité, la nature de la dépense, le niveau d'ouverture commerciale ou encore la confiance des ménages déterminent l'ampleur de l'effet multiplicateur obtenu.
- Sous-estimer l'impact des importations sur la fuite du revenu national
- Oublier qu'une part de la prime de relance peut être épargnée et non consommée
- Confondre politique conjoncturelle exceptionnelle et déficit structurel chronique
- Penser que le multiplicateur garde toujours la même force quel que soit le cycle économique
Ces confusions compliquent l'évaluation rigoureuse d'une politique de relance. Maîtriser ces points vous permettra d'analyser précisément l'actualité économique.
Après avoir analysé ces mécanismes, pensez-vous que le multiplicateur keynésien reste aussi puissant dans une économie mondialisée ? Quels ajustements pourraient renforcer son efficacité ?







