Comment les marchés de quotas réduisent-ils les émissions de CO2 ?

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Avez-vous déjà réfléchi au fonctionnement d'un supermarché où le nombre de produits en rayon serait strictement limité, et où seuls ceux qui en ont le plus besoin pourraient acheter ? Cette analogie éclaire le principe des marchés de quotas d'émission, utilisés par certains pays pour limiter durablement leurs rejets de gaz à effet de serre.

À retenir :

  • Les marchés de quotas d'émission fixent un plafond d'émissions de CO2, permettant aux entreprises d'échanger des quotas pour limiter leurs rejets de gaz à effet de serre.
  • Ce système transforme les enjeux écologiques en défis financiers, incitant les entreprises à investir dans des technologies propres pour réduire leurs émissions de GES.
  • Des réussites comme l'EU ETS montrent une réduction significative des émissions, bien que des ajustements réguliers soient nécessaires pour maximiser l'efficacité environnementale.
  • Les marchés de quotas complètent d'autres instruments comme les normes techniques et les subventions pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux.

Quelle est la logique derrière un marché du carbone ?

Pour comprendre comment un marché du carbone peut favoriser la réduction des émissions, il faut se pencher sur ses bases. L'État fixe d'abord un plafond d'émissions global ou “cap”. Ce plafond détermine la quantité maximale de CO2 autorisée pour une période donnée. Les pouvoirs publics distribuent ensuite un certain nombre de quotas d'émission - chaque quota correspondant à un droit d'émettre une tonne de CO2 ou son équivalent en autres gaz à effet de serre (GES).

Les entreprises incluses dans ce système doivent restituer, chaque année, suffisamment de quotas pour couvrir leurs propres rejets de GES. Si elles dépassent leur allocation, elles doivent acheter des quotas supplémentaires sur le marché, tandis que celles qui polluent moins peuvent vendre leurs quotas surnuméraires. Résultat : cette bourse aux droits à polluer établit un prix du CO2, rendant le coût économique de la pollution visible et incitant à investir dans l'efficacité environnementale.

Quels bénéfices attendre des quotas d'émission ?

Effets économiques et environnementaux

Le système d'échange de quotas transforme la question écologique en enjeu financier. Selon l'European Environment Agency, le marché européen des droits d'émission (EU ETS), lancé en 2005, couvre environ 36% des émissions totales de l'Union européenne (source : European Environment Agency, rapport “Trends and projections in the EU ETS”, 2023). Grâce à ce mécanisme, la réduction des émissions s'élève à près de 41% entre 2005 et 2022 dans les secteurs couverts (rapport Commission européenne, 2023). Une étude de la Banque de France souligne aussi que la tarification de la tonne de CO2 autour de 80 € encourage efficacement les entreprises à développer des technologies sobres.

L'exemple allemand illustre cette dynamique : depuis 2017, l'Allemagne a réduit ses émissions de GES de 12%, notamment grâce à la hausse du prix du quota (Agence fédérale allemande de l'environnement, 2023). Ainsi, le coût économique de la pollution pèse plus lourd dans les décisions productives, orientant les choix vers des procédés moins émetteurs ou l'investissement dans les énergies renouvelables.

Face à l'urgence climatique, un axe central des politiques publiques demeure la lutte contre le changement climatique, dont les marchés de quotas constituent un pilier dans l'Union européenne et au-delà.

L'incitation financière : moteur de la politique climatique ?

Quand acheter un quota devient plus coûteux qu'investir dans une nouvelle chaudière moins polluante, les entreprises préfèrent souvent moderniser leurs installations. Le signal-prix envoyé par le marché du carbone pousse donc à l'innovation. Par ailleurs, ce système laisse chacun choisir sa méthode pour atteindre l'objectif global de réduction des émissions, respectant ainsi la diversité des secteurs industriels.

Cependant, le succès des quotas dépend d'une régulation rigoureuse : si le plafond d'émissions reste trop élevé, ou en cas de distribution excessive de quotas gratuits, peu d'entreprises sont poussées à réduire réellement leurs émissions. C'est pourquoi l'Union européenne ajuste régulièrement son cap à la baisse - prévoyant -4,3% par an jusqu'à 2030 (Commission européenne, “Fit for 55”, 2021).

Quelles limites rencontrer dans la lutte contre le changement climatique ?

Certains obstacles freinent encore l'efficacité environnementale des marchés de quotas. L'un de ces points de vigilance concerne la fixation initiale du plafond : s'il s'avère trop indulgent, le prix du CO2 chute et l'incitation disparaît. Le marché européen a connu cet écueil après la crise de 2008, lorsque la demande s'est effondrée et que le prix du quota est tombé sous les 10 € la tonne (source : Banque de France, “Marché européen du carbone”, 2022).

Il existe aussi un risque de fuites de carbone : certaines industries lourdes pourraient délocaliser leur production hors UE pour contourner ces coûts, atténuant l'impact global sur la planète. Pour pallier ce problème, l'Union européenne prépare depuis 2023 un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (“CBAM”). Celui-ci impose un paiement équivalent pour les importations provenant de pays sans réglementation similaire (Commission européenne, CBAM regulation, 2023).

Exemples concrets de fonctionnement et effets chiffrés

Un tableau synthétique : évolutions du marché européen du carbone

Analysons quelques données-clés :

AnnéePlafond total (Mt CO2e)Prix moyen du quota (€)Réduction d'émissions (%)
20052 09622---
20101 97214-11
20201 57225-36
20221 45380-41

SOURCE : Commission européenne, DG Climat, 2023 - données harmonisées CO2eq Union européenne, secteur EU ETS. Mt = million de tonnes.

  • La décroissance progressive du plafond impose une pression croissante sur les entreprises.
  • L'augmentation du prix du CO2 reflète la rareté croissante des quotas et renforce la politique climatique.

Autres initiatives dans le monde

Au-delà de l'Union européenne, plusieurs régions adoptent désormais le modèle du système d'échange de quotas. La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, a déployé son propre marché du carbone national en 2021, couvrant pour débuter le secteur énergétique (source : Centre Tsinghua pour la recherche énergétique, 2023). Aux États-Unis, la Californie applique également un plafond-dégressif accompagné d'une vente aux enchères régulière des quotas.

Chacune de ces expériences montre qu'ajuster les quotas, fixer une trajectoire de réduction des émissions ambitieuse et garantir la transparence restent indispensables au succès concret du marché carbone face au défi climatique.

Erreurs fréquentes à éviter avec les quotas d'émission

  • Considérer le marché du carbone comme une simple taxe alors que la logique repose sur la limitation quantitative, non seulement financière.
  • Oublier que la distribution initiale de quotas influence fortement le niveau des efforts demandés aux entreprises.
  • Négliger la coordination internationale, indispensable pour éviter les délocalisations polluantes (fuite de carbone).
  • Penser que tous les secteurs économiques sont concernés : de nombreux dispositifs excluent l'agriculture, le bâtiment ou le transport individuel.

Selon vous, quels leviers complémentaires pourraient renforcer l'efficacité des marchés de quotas pour accélérer la transition écologique ?

Questions fréquemment posées sur les quotas et la politique climatique 🔍

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