Depuis fĂ©vrier/mars 2020, la crise sanitaire liĂ©e Ă la COVID-19 est Ă©prouvante pour tous les pays. Cependant, certaines rĂ©gions sont bien plus touchĂ©es que dâautres et la pandĂ©mie va parfois de pair avec une catastrophe sociale dĂ©jĂ bien entamĂ©e par les gouvernements. Câest prĂ©cisĂ©ment cela que connaĂźt la Colombie aujourdâhui.
Entre une gouvernance de droite impopulaire et une crise de la COVID-19 mal maĂźtrisĂ©e, la Colombie est aujourdâhui en Ă©tat de rĂ©bellion face au pouvoir de IvĂĄn Duque , prĂ©sident colombien depuis le 7 aoĂ»t 2018.
La loi « Solidarité Durable » : la goutte de trop pour la Colombie
đĄïž La Colombie se trouve actuellement confrontĂ©e Ă une triple crise impactant violemment la population du pays, notamment les classes basses et moyennes qui se retrouvent en premiĂšre ligne : câest eux qui reçoivent le contrecoup le plus fort et câest Ă eux que le gouvernement Duque demande continuellement des efforts supplĂ©mentaires. La Colombie connaĂźt aujourdâhui une crise Ă la fois pandĂ©mique, sociale et politique.
Le pays est touchĂ© bien entendu par la crise sanitaire que lâon connaĂźt tous. Cependant, la nĂ©gligence du gouvernement et le manque de moyen sont en train de faire exploser les chiffres de la Covid-19 partout sur le territoire. A ce jour, 78 000 personnes ont perdu la vie du fait de la crise sanitaire en Colombie. LâĂ©mergence du variant brĂ©silien a dĂ©clenchĂ© des vagues encore plus meurtriĂšres alors que le processus de vaccination est beaucoup trop lent : seulement 8% des adultes ont reçu une premiĂšre dose.
Cette pandĂ©mie renforce de ce fait la crise Ă©conomique et sociale du pays. On estime que le PIB a chutĂ© de 6,8% et que le taux de chĂŽmage a atteint 17%, un record que le pays nâa pas battu depuis 2004 ! Enfin, la crise est aussi politique : IvĂĄn Duque, du parti Centro DemocrĂĄtico (la droite forte), est un prĂ©sident impopulaire puisque son agenda politique nâest pas en adĂ©quation avec les besoins des classes les plus pauvres du pays.
Câest dans ce terreau dĂ©jĂ propice Ă un soulĂšvement que le gouvernement actuel va voter une loi qui mettra le feu aux poudres. Le 28 avril, la loi « SolidaritĂ© Durable » est acceptĂ©e par le parlement et provoque la colĂšre du peuple colombien. Cette loi a Ă©tĂ© conçue dans le but de soutenir lâĂ©conomie, fortement touchĂ©e par la crise sanitaire. Il sâagit dâune rĂ©forme fiscale indiquant que lâimpact de la crise Ă©conomique sera absorbĂ© en grande partie par les travailleurs, les retraitĂ©s et surtout les classes populaires et les classes moyennes. Cette rĂ©forme indique notamment une augmentation de la TVA et des impĂŽts ainsi quâune taxe sur les pensions et une vĂ©ritable politique dâaustĂ©ritĂ©.
đĄ Cette rĂ©forme vise donc les classes les plus pauvres ce qui la rend parfaitement impopulaire puisquâon estime que 45% de la population colombienne vit sous le seuil de pauvretĂ©, dont 15% en situation dâextrĂȘme pauvretĂ©. Câest pourquoi le peuple est en grĂšve nationale depuis.
La rĂ©forme a Ă©tĂ© finalement abandonnĂ©e le 2 mai 2021 (soit 4 jours aprĂšs sa mise en place) mais la mobilisation continue : câest effectivement le signe que cette rĂ©forme nâa Ă©tĂ© quâun prĂ©texte pour continuer un combat dĂ©jĂ largement entamĂ© face Ă IvĂĄn Duque.
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Un pays dans un continuel combat
Nous en sommes en réalité au troisiÚme soulÚvement populaire que connaßt Ivån Duque en raison de sa politique qui favorise les riches aux dépens de la majorité de son peuple. Sa politique, et particuliÚrement depuis la loi Solidarité Durable, va probablement lui coûter la victoire de son parti en 2022 au profit de la gauche.
Cette baisse de popularitĂ© nâest pas uniquement dĂ» Ă la derniĂšre rĂ©forme mise en place par le parti : en 2019, les impĂŽts des grosses entreprises et des classes aisĂ©es ont diminuĂ©. Lâobjectif Ă©tait la crĂ©ation dâemploi mais cela nâa eu pour effet que de faire perdre plus de 20 milliards de pesos aux caisses de lâEtat. Les choix du gouvernement Duque nâont pas Ă©tĂ© Ă la hauteur pour la majoritĂ© du peuple colombien.
đĄïž De plus, les manifestations sont aussi un moyen de montrer un ras-le-bol gĂ©nĂ©ral contre lâingĂ©rence amĂ©ricaine. La rĂ©forme SolidaritĂ© Durable est initialement prĂ©vue pour pouvoir offrir un bilan positif Ă montrer au FMI (Fond MonĂ©taire International), quitte Ă saper le social. Cette rancĆur contre lâimpĂ©rialisme amĂ©ricain doit se comprendre sur un temps plus long : les restructurations imposĂ©es par le FMI ont Ă©tĂ© catastrophiques pour les pays dâAmĂ©rique Latine (hausse de la pauvretĂ©, baisse de lâĂ©ducation, difficultĂ© du milieu mĂ©dical etcâŠ).
Câest donc dans ce climat de rĂ©bellion que des centaines de milliers de manifestants colombiens descendent dans les rues en ayant pour objectif d’obtenir purement et simplement la dĂ©mission du prĂ©sident IvĂĄn Duque. On retrouve une identitĂ© commune dans les manifestations de toutes les villes, de Cali Ă Bogota, grĂące aux slogans et aux banderoles qui sont similaires : « si un peuple sort pour protester en pleine pandĂ©mie, câest parce que le gouvernement est plus dangereux que le virus » peut-on lire dans toutes les villes du pays.
Le peuple manifeste ainsi contre un gouvernement quâil juge corrompu et violent. La corruption provient de toutes les acceptations du gouvernement Duque vis-Ă -vis des grosses entreprises (et surtout les grosses entreprises amĂ©ricaines) comme lâachat et lâutilisation massive de glyphosate dans le but de dĂ©truire les champs de coca des paysans et des narcotrafiquants du pays. La violence provient de la culture du parti ; la rĂ©pression est une rĂ©ponse sâinscrivant dans la philosophie droite dure colombienne. Depuis le dĂ©but des manifestations, on dĂ©nombre une trentaine de manifestants tuĂ©s. Cette rĂ©pression du gouvernement provoque la peur mais alimente aussi la colĂšre du peuple. Cette violence lĂ©gitime en quelque sorte les mouvements et le soulĂšvement populaire dans lâesprit des Colombiens.
L’AmĂ©rique latine, une rĂ©gion instable fortement touchĂ©e par la COVID đ·
LâinstabilitĂ© de lâAmĂ©rique latine nâest absolument pas une nouveautĂ©. La crise sanitaire va cependant cristalliser cette instabilitĂ© et pousser la population Ă la rĂ©bellion. Il y a une vĂ©ritable dynamique de lutte en AmĂ©rique Latine qui prend de plus en plus de poids chaque annĂ©e. Les raisons de cette dynamique sont nombreuses :
- On voit clairement une hausse des inĂ©galitĂ©s en AmĂ©rique Latine, quâelle soit extra-Ă©tatique ou intraĂ©tatique. Les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus nombreux. La Colombie fait partie des pays les plus inĂ©galitaires du monde avec un coefficient de Gini de 0,6 en 2014. Ce coefficient baisse bien entendu des suites de la pandĂ©mie.
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- Les Ă©conomies sont bien souvent basĂ©es sur les matiĂšres premiĂšres. Si le prix des matiĂšres premiĂšres baisse, alors les pays sont fortement impactĂ©s par la crise. Difficile donc de rendre un pays stable Ă cause de cela. De plus, bon nombre de pays dâAmĂ©rique Latine subissent la « Dutch Disease », câest-Ă -dire quâils deviennent dĂ©pendants Ă la rente de leurs matiĂšres premiĂšres phares et ne dĂ©veloppent pas les autres secteurs Ă©conomiques (Ă lâinstar du Venezuela avec le pĂ©trole).
- Les dĂ©stabilisations des Etats-Unis, quâelles soient ouvertes (le coup dâEtat au Guatemala en 1954 pour prĂ©server les intĂ©rĂȘts de la United Fruits Company) ou alors plus subtiles via les PAS (Programmes dâAjustement Structurel) du FMI. Les pays dâAmĂ©rique Latine ont difficilement rĂ©ussi Ă stabiliser leur gouvernement Ă cause de difficultĂ©s internes mais aussi Ă cause du voisin amĂ©ricain.
đĄïž Selon le Washington Post, une grande partie de la rĂ©gion serait dĂ©stabilisĂ©e sans lâaide des pays occidentaux dans la crise de la Covid-19. En effet, 35% des morts de la Covid-19 ont Ă©tĂ© comptĂ©s par les pays dâAmĂ©rique latine alors que la rĂ©gion ne reprĂ©sente que 8% de la population mondiale. LâAmĂ©rique Latine semble alors Ă la veille dâune nouvelle dĂ©cennie perdue.
Depuis quelques années, les manifestations et les soulÚvements ont repris de plus belle, et ce sur tout le continent. Voici quelques exemples de manifestations récentes en Amérique latine :
đđ» Manifestations au PĂ©rou et au Guatemala en novembre 2020
đđ» Lutte des infirmiers en Argentine fin 2020-dĂ©but 2021
đđ» Manifestations 2019-2020 Chili : crise du ticket de mĂ©tro
đđ» ColĂšre populaire au Paraguay en mars 2021
đđ» Exode des VĂ©nĂ©zuĂ©liens qui sâest accentuĂ© avec la crise sanitaire
đđ» Mouvements en Equateur en novembre 2019